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 Bible juive, puis catholique, puis protestante

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MessageSujet: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptyMer 15 Mai - 23:10

Rappel du premier message :

Bible juive, puis catholique, puis protestante


QUELLE BIBLE LIRE ?
Les grandes Bibles d'étude sont bien sûr :
- celle du chanoine Osty, pour ses nombreux commentaires, mais n'a jamais eu la moindre mise à jour.
- la Bible Thompson basée sur la Louis Segond et constamment mise à jour, notamment en découvertes scientifiques et archéologiques. Un monument pour qui a de très bons yeux.
- La bible Fillion, on n'a jamais fait mieux, plus de 300 000 commentaires, hélas disponible maintenant uniquement en pdf.
- La Vulgate en latin de Saint Jérôme de Stridon du V siècle avec les commentaires de Saint Thomas d'Aquin (mon avatar)
- La Bible hébreu et latin pour qui sait lire dans les langues d'origine.
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Ma-bible-49dd99f

On lira plutôt des Bibles grand public comportant des références accessibles à la compréhension, et non à l'étude :
- Bible de la Liturgie catholique oecuménique 2013
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-liturgie-2013-4c6e8bd
- Bible Crampon de la Liturgie tridentine 1923
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-crampon-5592b29
- Bible de Jérusalem 2012 catholique
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-de-jerusalem-4c0e1de
- Bible TMN 1974 littérale non religieuse (édition verte)
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Tmn-1974-49d12ec
- Bible des Peuples 2013 catholique
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-des-peuples-4c0e1f2

On évitera les fausses traductions :
- Bible Bayard athée et philosophique hautement fautive :
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-bayard-4c6e8b3
- Bible TOB œcuménique incohérente :
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-tob-4d3aa82
- Toutes ces fausses Bibles soit-disant traduites par la venue de Dieu, devJésus en personne, Bibles sataniques ou en grande dérive sectaire et falsifiées. En voici quelques unes :
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-des-elohim-4c6e8f3
&
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-smith-mormon-4d6e4e4
(Bible falsifiée à plus de 3000 reprises par le fondateur du Mormonisme : Joseph Smith)
&
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Bible-elohim-4c5836b
(Bible raëlienne avec les extra terrestres)
&
Les traductions sataniques qui reviennent en force, entre vampirisme et haine.


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marmhonie
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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptyJeu 14 Déc - 4:51

Citation :
"Malheur à vous! parce que vous êtes comme les sépulcres qui ne paraissent pas, et sur lesquels on marche sans le savoir" (Luc 11:44). C'est encore plus explicite dans Matthieu 23:27 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés...". Cela revient, replacé dans le contexte, à "charognes, pourritures".
N'importe quoi...
Jésus reprend le livre des Lamentations de Jérémie.
La Sola est une dérive sectaire, désolé.
Voulez-vous comprendre les Béatitudes du Christ ? Lisez-les, et non des insultes sans la moindre référence. Béatitudes et lamentations du Christ
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undesdouze

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptyDim 14 Jan - 3:58




Qui a écrit la Bible? Un mystère bientôt (peut-être) élucidé


Qui a écrit la Bible ? Le mystère révélé [RTS]


Surnommé le Livre des livres, il a traversé les siècles. Best-seller absolu, traduit en 2000 langues, la Bible n'a pourtant pas d'auteurs. Qui l'a écrite? Pour qui? Dans quel contexte? Un documentaire diffusé sur la RTS lève un coin de voile sur cette aventure extraordinaire.
A quelle époque la Bible a-t-elle été écrite? Par qui? Dans quelles circonstances? Avec quel objectif? La découverte archéologique la plus importante du XXe siècle, celle des manuscrits de la mer Morte en 1947, permet de lever un peu le voile sur l'un des plus grands mystères de l'Histoire.
Mais ces manuscrits sont-ils les textes originels? Grâce à des techniques scientifiques de pointe, l'imagerie multispectrale, la recherche ADN et l'intelligence artificielle, les chercheurs peuvent désormais apporter certaines réponses. C'est ce que montre le documentaire "Qui a écrit la Bible? Le mystère révélé", de Nathalie Laville, à découvrir le 4 avril sur RTS2 ou à voir jusqu'au 3 juin 2021 sur Play RTS.



De livre révélé à livre contesté


Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 12083739
Au XVe siècle, lorsque Gutenberg imprime la Bible, les autorités religieuses affirment que c'est Dieu lui-même qui a dicté les textes à des prophètes, à commencer par Moïse pour le Pentateuque, soit les cinq premiers rouleaux de l'Ancien Testament qui correspond à la Torah juive. En font partie, notamment, la Genèse et L'Exode.

A partir du XVIIe siècle, ce dogme est remis en question. Le philosophe Baruch Spinoza en 1670 en relève certaines incohérences, dont celle-ci: comment Moïse aurait-il pu faire le récit de sa propre mort?

La Bible ne revendiquant aucun auteur, alors comment le ou les identifier quand on n'en connaît que des copies successives, dont les plus anciennes remontent au Moyen Age?




Découverte archéologique majeure


Tout bascule en 1947 lorsqu'un jeune bédouin parti à la recherche de l'une de ses chèvres trouve dans une grotte de Qumram, dans le désert de Judée, de grandes jarres qui contiennent des rouleaux de cuir, enveloppés dans de la toile de lin. Aussitôt des recherches archéologiques se mettent en place, dirigées par le moine dominicain Roland de Vaux.

Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 12083528

En dix ans, de 1947 à 1956, onze grottes sont explorées, révélant 87'000 fragments appartenant à 870 manuscrits, dont 220 de textes bibliques. Ils sont rédigés sur parchemin ou papyrus, en majorité écrits en hébreu, mais aussi en araméen et en grec. Ils couvrent quatre siècles, de 300 avant J.C à 100 ans après.

Pièce maîtresse de ces fouilles, le rouleau du prophète Isaïe, datant d'environ un siècle avant J-C. Il contient l'intégralité des 66 chapitres du Livre d'Isaïe et mesure plus de sept mètres de long. Il s'agit du manuscrit le mieux conservé et le plus complet du site de Qumram, et de l'un des plus anciens textes de la Bible hébraïque connus à ce jour.


Un puzzle à pièces multiples


Il faudra attendre cinquante ans pour reconstituer le puzzle de ces dizaines de milliers de fragments, ce qui a nourri de multiples thèses complotistes. "Mais c'était un travail de titan. Les fragments étaient parfois en très mauvais état, illisibles à l'oeil nu, et particulièrement délicats à manipuler", explique Pnina Shor, fondatrice de l'unité des manuscrits de la mer Morte.

Aujourd'hui, chaque miette a été identifiée, décryptée et traduite. Ces manuscrits sont consultables gratuitement sur le site de la Leon Levy Dead Sea Scrolls Digital Library. Mais cela ne répond toujours pas à la question: qui sont les auteurs?:

Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 4519712

Stephen J. Carrera - Keystone

Qumrân, un mythe déconstruit / Babel / 37 min. / le 27 novembre 2016 
Dans un premier temps, on a attribué ces textes aux Esséniens, une communauté juive qui a prospéré sur le site à partir du IIe siècle avant J.-C. et qui a disparu avec la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en l'an 70 de notre ère.

Mais des recherches en ADN, sans démentir cette hypothèse, vont apporter une autre information.


Citation :
Ces analyses montrent que le cuir des rouleaux provient de différents animaux, notamment de chèvres et de moutons. Or ces derniers ne pouvaient pas paître dans une région aussi désolée que le désert de Judée. Preuve qu'il ne s'agit pas seulement d'une production locale.
Joe Uziel, directeur de l'unité des manuscrits de la mer Morte. 


Une des explications serait que certains manuscrits ont été écrits et archivés sur place, à Qumram, tandis que d'autres auraient été précipitamment cachés dans des grottes naturelles lors de la Grande Révolte qui débute en 66.



Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 2604562

Une technique venue de la NASA, l'imagerie multispectrale, va affiner la recherche en plongeant dans le détail des écritures. Ce système par longueur d'ondes permet de faire apparaître ce que l'oeil ne pouvait pas voir, signes de ponctuation, lettres effacées, bouts manquants, corrections dans les marges ou sur le texte lui-même. Et que constate-t-on?


Citation :
Grâce à la science, la figure du copiste se précise. On découvre qu'il n'a pas seulement mission de transmettre et de copier mais aussi d'éditer, de retravailler, de corriger, de préciser et d'adapter en fonction des époques. Et en éditant, il devient aussi auteur.
Michael Langlois, historien et bibliste 


Certains chercheurs vont jusqu'à affirmer qu'il n'y aurait pas une oeuvre originelle mais plusieurs. La preuve? "Il existe, par exemple, deux récits de la Création collés l'un à l'autre. Idem pour le Déluge et l'Arche de Noé. Ce sont deux traditions différentes mais que l'on ne peut pas dissocier, comme s'il s'agissait de deux textes à des stades de rédaction différente. Une pluralité textuelle qui tendrait à prouver qu'il n'y a pas un seul auteur d'un seul trait, mais plusieurs sur plusieurs siècles", explique Jean-Sébastien Rey, philologue et chercheur à l'Université de Lorraine qui a étudié différents fragments lettre par lettre.

Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 12085146L'imagerie multispectrale a permis de révéler ce que l'oeil ne voyait pas. [GALI TIBBON - AFP]


L'algorithme de Dieu


Grâce au "deep learning" de l'intelligence artificielle, on peut aller plus loin dans l'investigation et savoir combien de mains ont travaillé sur un texte, en reconnaissant l'écriture propre à chacun des scribes. C'est le cas de l'Université de Lausanne qui a développé un outil mathématique qui permet d'optimiser les analyses paléographiques afin d'identifier, par exemple, différentes écoles religieuses ou de scribes.


Qui a commandité ces textes?


La Bible serait donc l'oeuvre des scribes qui l'ont écrite, fait vivre et voyager avant que le milieu des rabbins fixe le texte au 2e siècle après J.-C. Mais d'où viennent-ils ces textes? Il existe beaucoup de similitudes avec des traditions anciennes. Le récit de la Création et du déluge existe déjà dans les traditions mésopotamiennes, par exemple. La Bible serait ainsi le résultat d'un long processus d'agrégation, de l'assemblage de mythes et de légendes, de traditions orales et de fables, mais aussi de fait réels. "La Bible a été écrite en 1000 ans", dit Michael Langlois.


https://dai.ly/x8s5gk


https://dai.ly/x8spsk


https://dai.ly/x8s4go

Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 12085192

Josias, Roi de Juda, gravure de 1811. [Bianchetti - Leemage via AFP]


Mais qui a eu la volonté de tout rassembler? Qui a commandité ce travail? 

Pour l'archéologue israélien Israël Finkelstein, qui a travaillé quinze ans sur les fouilles de Megiddo à 90 kilomètres au nord de Jérusalem, c'est le roi Josias (640-609 av. J.-C), qui règne sur Juda, qui serait à l'origine de cette compilation, prémices de qui deviendra la Bible. Le monarque avait besoin d'un grand récit pour donner corps à son ambition: reconquérir une partie de son royaume. Et voilà comment, selon l'archéologue et d'autres experts avec lui, ce qui n'était qu'un texte de propagande est devenu le texte fondateur de l'identité culturelle d'un peuple en exil.

Marie-Claude Martin

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PhilippeT

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptySam 4 Mai - 0:55

BIBLE - Les traductions

Prise de vue

Dès lAntiquité préchrétienne, la Bible a été traduite  il faudrait dire, plus adéquatement, produite  dans une multitude de langues. Dans ce processus, on doit, en fait, distinguer deux moments : dune part, celui des versions « anciennes », qui se prolonge jusquau Moyen Âge avec la traduction en slavon de Cyrille et de Méthode (IXe s.) et la Bible arabe du juif Saadia (env. 885-942), en passant par les Bibles grecque et latine, araméenne et syriaque, éthiopienne et copte, arménienne enfin ; dautre part, celui des versions « modernes », qui jalonnent lhistoire de limprimerie. Ces dernières atteignent un nombre impressionnant : en 1977, on a recensé mille six cent trente et une langues de diffusion (surtout dans le monde protestant) de la Bible, alors quon en comptait seulement soixante et onze au début du XIXe siècle.



1. Diffusion et traductions

En fait, le mouvement des traductions de la Bible est le reflet de lextension géographique, culturelle, sociale et économique, pour ne pas dire politique, du christianisme, avec ses phases de crise et ses périodes de relance. Cest ainsi que la Réforme fut et demeure un facteur majeur de diffusion de la Bible ; à ses débuts, elle a donné la fameuse Bible de Luther : cette première traduction allemande, réalisée sur des textes originaux, eut une grande influence sur lévolution de la langue germanique et fut adaptée notamment en danois, en suédois, en hollandais. Elle rompait avec lutilisation du texte latin de Jérôme comme base des premières traductions de la Bible dans les langues de lEurope occidentale (encore au XVIe siècle, la Bible française de Lefèvre dÉtaples sappuyait sur ce texte de la Vulgate). Dune certaine manière, le renouveau biblique catholique du XXe siècle semble avoir une signification identique avec la publication de la Bible de Jérusalem (en 1955), qui est traduite ou adaptée dans la majorité des langues européennes.

La diffusion, sous la forme de traductions, de la partie juive de la Bible fut bien plus limitée. Contraints de conserver leur identité nationale alors quils se trouvaient minoritaires, les juifs ont continué à utiliser, pour les besoins de la synagogue, lhébreu ou laraméen des targums. Par ailleurs, leurs efforts pour répandre la Bible au sein de leurs communautés locales souffrirent, parfois durement, des mesures des autorités chrétiennes, qui allèrent jusquà faire disparaître les documents eux-mêmes. Néanmoins, ils assurèrent des traductions, notamment en judéo-persan (XIIIe-XVe s.), en judéo-espagnol ou ladino (XIIIe-XVIIIe s.), en yiddish (XIIIe-XVe s.).

Lune des caractéristiques constantes des traductions de la Bible, cest dêtre parfois et même souvent fragmentaires. Cela tient à des raisons diverses : dabord, aux besoins, obligatoirement sélectifs, du culte (ainsi, récemment, une Bible catholique dite liturgique, avec une traduction et un découpage particuliers, a été élaborée conformément aux dispositions officielles du IIe concile du Vatican) ; ensuite, au souci déduquer les couches populaires auxquelles on ne livre quun choix de prières ou de récits, adaptés dans la langue ou le dialecte du lieu ; enfin, à létalement dans le temps de lénorme chantier que constitue une traduction complète de la Bible. Une telle entreprise, en effet, entraîne la parution séparée  parfois à titre de test ou dannonce, ou bien pour de simples raisons financières  de certains livres bibliques, surtout du Nouveau Testament chez les chrétiens ou au moins chez les catholiques, en attendant lachèvement de lensemble (ce fut le cas de la Bible Osty). Il est même arrivé, dans un passé lointain ou tout récemment, quon arrête la tâche en cours dexécution. Cette méthode de publication fragmentaire nous ramène dailleurs, en quelque sorte, aux sources de la Bible, qui est née, en fait, dune organisation de type anthologique.

Lhistoire de la traduction de la Bible est aussi celle dun conflit : entre, dune part, la volonté de restituer au mieux les données sémantiques du texte original (ce qui a atteint son paroxysme avec la traduction dAquila ou encore avec la Bible de Chouraqui) et, dautre part, le souci de communiquer à un très grand nombre de lecteurs, au besoin par des allégements ou, au contraire, des ajouts intégrés, lessentiel présumé du message biblique (cest ce quont fait les targums dans lAntiquité juive, mais aussi ce qui a commandé le succès de la traduction contemporaine de Pierre de Beaumont, délibérément conçue comme devant être une vulgate moderne).

2. Les grandes versions anciennes de la Bible

Le souci de faire connaître la Bible à un groupe religieux donné en la traduisant dans sa langue, avec une attention particulière à ses besoins propres, a donné lieu à un certain nombre de traductions anciennes qui ont, en fait, revêtu une valeur fondatrice ou normative. Parmi elles, on peut retenir notamment, outre la traduction latine de saint Jérôme devenue la Vulgate, les versions judaïques des Septante (traduction qui fut ensuite adoptée par le christianisme) des targums et dAquila.

La version des Septante

Dès le IIIe siècle avant J.-C., les Juifs dAlexandrie, organisés en un politeuma, entreprirent la traduction en grec, leur langue vernaculaire, de la Loi, écrite en hébreu. Des raisons qui tenaient tant à leur besoin cultuel (lecture synagogale et prédication) quà leur souci de propagande et dapologétique les y poussèrent. La fameuse légende des soixante-dix (soixante-douze) traducteurs, rapportée dabord par la Lettre dAristée avant de connaître une large fortune dans la littérature patristique, valut le nom de Septante à cette traduction.

Le rôle de ce texte grec de la Bible fut déterminant dans le processus dhellénisation du monothéisme juif, véritable refonte de la culture jusque-là figée dans les modes de pensée et dexpression hébraïques, ouverture qui fit de la Septante la Bible méditerranéenne juive, puis chrétienne. Jusquà saint Jérôme, qui, le premier, semploya à la détrôner, la quasi-totalité de lÉglise la considéra comme son Ancien Testament. Elle avait été la Bible des auteurs du Nouveau Testament. À lexception de la traduction syriaque (Peschitto) et de la Vulgate, et encore avec des nuances, toutes les versions dites anciennes de la Bible furent réalisées à partir de la Septante, que des auteurs juifs, tel Philon, ou chrétiens, tel saint Irénée, considéraient comme inspirée. Aussi nest-il pas surprenant que les Juifs de la Synagogue, exclusivement pharisiens après la destruction du second Temple (70), aient qualifié le jour de la Septante de néfaste (selon une légende talmudique, les ténèbres auraient recouvert la terre en signe de châtiment) et laient exécré à légal de la commémoration du veau dor.

On traduisit dabord les cinq premiers livres de la Loi (le Pentateuque) ; puis, progressivement, les Prophètes et les Écrits. Cette tâche se poursuivit tandis que les chrétiens, qui adoptèrent demblée la Septante comme leur Bible, commençaient à sorganiser en Église. Sur lorigine de cette traduction, deux thèses saffrontent. La plus classique, adoptée par les deux grandes éditions modernes de Cambridge et de Göttingen, affirme lexistence dune Septante originaire (Ur-Text, Ur-Septuaginta, Septuaginta-Vorlage) qui aurait connu le destin classique des traditions textuelles : variantes et recensions. La plus séduisante, quoique minoritaire, est la thèse du targum grec. Les Juifs dAlexandrie auraient traduit la Loi puis les Prophètes à linstar des targums palestiniens, traductions araméennes, dabord orales et plus ou moins spontanées, puis écrites (fragmentaires dans un premier temps, parce que déterminées par le découpage textuel du service synagogal, et ensuite regroupant des sections entières de la Bible). En réalité, ces deux thèses ne sexcluent pas systématiquement lune lautre.

La Septante, pour une grande part, ne correspond pas à la conception moderne de la traduction. Véritable production biblique, elle manifeste bien des écarts par rapport au texte hébraïque réputé original. Ces « plus » sont de deux ordres. « Plus » quantitatifs : livres deutérocanoniques (Sagesse) ajoutés à des livres canoniques (Daniel, Proverbes). Et « plus » qualitatifs : sens nouveau imputé à certains mots ; dans le Psaume XVI, par exemple, le terme « fosse » est rendu par « corruption » (cf. ce qui permit à la lecture chrétienne du chapitre XIII des Actes des Apôtres dy voir une prophétie de la résurrection de Jésus), ou bien, en Isaïe, VII, 14, « jeune femme » est traduit « vierge » (source du dogme évangélique de la naissance virginale de Jésus). Pour le christianisme donc, la Septante déploie les qualités conjuguées, culturelles et linguistiques, de matrice et de postérité intrabibliques.

La traduction grecque dAquila

Lorsque la séparation entre le judaïsme et le christianisme fut chose irréversible, les rabbins décidèrent de mettre en uvre une traduction grecque des Écritures qui, par sa littéralité, se différenciât totalement de la « vulgate » grecque quétait la version des Septante, celle-ci étant à la fois un monument de culture hellénistique et le bien propre de ces dissidents nouveaux qui sappelaient « chrétiens ». Parmi les tentatives faites dans ce sens, il faut retenir surtout, au milieu du IIe siècle, la traduction dAquila. Elle fut utilisée par les rabbins, probablement à cause de sa fidélité littérale au texte hébraïque, mais surtout en raison de son antichristianisme : elle marquait, en effet, la rupture entre le système juif et le système chrétien. Le Talmud et les Pères la citent comme une version exemplaire pour son « exactitude ». Dorigine grecque (du Pont), Aquila avait été baptisé, puis exclu du christianisme. Il se tourna vers le judaïsme et la tradition a fait de lui un prosélyte. Sans doute fut-il un brillant disciple du grand maître juif Aquiba, dont il semble avoir mis en uvre, dans sa traduction, les principes dinterprétation (selon lesquels, par exemple, chacun des éléments matériellement constitutifs dun mot hébreu, y compris létymologie, possède une ou plusieurs significations). Mais il est probable que Aquila na fait que continuer et achever une entreprise de recension grecque des textes sacrés qui avait commencé sous limpulsion des rabbins dès la fin du Ier siècle et dont, semble-t-il, Josèphe lui-même est le témoin dans ses Antiquités juives.

Les targums

On appelle targums les traductions araméennes que les Juifs, palestiniens et babyloniens, ont faites, des siècles durant, des textes bibliques. Ainsi, un targum du Pentateuque existait probablement, peut-être même avec plusieurs variantes, dès la fin de lère préchrétienne. Derniers venus, les targums des Hagiographes sont très tardifs.

Le mot « targum » nest pas hébraïque, ni même sémitique. Dorigine hittite, il signifie « annoncer », « expliquer », « traduire ». Le traducteur officiel de la synagogue était appelé torgeman ou meturgeman.

Orales et improvisées, fragmentaires et occasionnelles vu leur finalité cultuelle (lecture synagogale), les traductions araméennes de la Bible furent très vite fixées par écrit, puis rassemblées en des blocs unitaires correspondant aux grandes unités bibliques (Pentateuque, Prophètes, etc.). Elles nétaient pas des versions littérales. La souplesse de leur exécution permettait lintroduction aisée déléments dinterprétation que la piété populaire ou même des écrits parabibliques gardaient disponibles. Aussi certains passages sont-ils de vraies paraphrases. Bien plus, dans certains targums plus tardifs, on ne trouve plus rien qui, de près ou de loin, ressemble à une traduction. Dans le targum du Cantique des cantiques, par exemple, le texte biblique est « lu » dun bout à lautre comme une allégorie des relations entre Dieu et son peuple. En fait, dans la pratique targumique, le judaïsme continuait à investir les règles dherméneutique, les réflexes de relecture et dactualisation déjà en uvre dans ses productions littéraires monolingues.

Plusieurs facteurs étant en cause, létude des targums est aujourdhui très vivante. Les découvertes de Qumran ny sont pas étrangères : à côté dun lot de fragments targumiques épars, on a trouvé un Targum de Job, ainsi quun ouvrage paratargumique ou prétargumique, lApocryphe de la Genèse, qui permet de mieux poser la question difficile des limites génériques du targum. Intervint également la découverte, en 1949, à la Bibliothèque vaticane, dune recension complète du targum palestinien du Pentateuque, identifié en 1956, le Codex Neophiti I. Il faut mentionner aussi lintérêt que certains spécialistes du Nouveau Testament ont apporté à cette interprétation juive de lÉcriture qui se trouve contemporaine des écrits quils étudient. Enfin, les travaux philologico-historiques sur la langue de Jésus ont bénéficié de ces recherches, quen retour ils nont cessé de stimuler.

La littérature targumique existante peut se classer comme suit :

1. Les targums du Pentateuque : le Targum dOnqelos (ou Targum de Babylone), qui, targum officiel du Pentateuque, eut une place de choix dans le sillage du Talmud de Babylone ; son origine fut toujours discutée ; selon les avis les plus autorisés, il serait, plutôt quune production babylonienne, et malgré ses connivences avec des traditions mésopotamiennes, la révision en araméen littéraire dun vieux targum palestinien. Le Pseudo-Jonathan (ou Yerushalmi I ), qui est authentiquement palestinien et dont le nom le plus ancien est Targum de Palestine ; très paraphrastique et composite, il contient toute une tradition ancienne de haggada et témoigne, partant, dune exégèse contemporaine du Nouveau Testament ; sa rédaction finale est néanmoins tardive : il y est fait mention de Constantinople et de la famille de Mahomet. Un Targum fragmentaire (ou Yerushalmi II ) : quelque huit cent cinquante versets ou débris, allant de chapitres entiers à quelques membres de phrase ou mots isolés ; de larges paraphrases sy manifestent ; des passages très tardifs sy mêlent à des éléments très anciens. Des Fragments de la Genizah du Caire : édités en 1930, ils représentent des traditions plus anciennes que celles du précédent. Le Codex Neophiti I, dont lessentiel peut être daté du IIe siècle et qui est plus tardif dans son état présent (retouches rabbiniques et influences dOnqelos).

2. Le targum des Prophètes : le Targum de Jonathan ben Uzziel  targum officiel des Prophètes et collection anonyme imputée à un disciple de Hillel (Ier s.) ; il fut rédigé en Babylonie, entre le IIIe et le Ve siècle, à partir de matériaux dorigine palestinienne.

3. Les targums des Hagiographes : dorigine palestinienne pour la plupart, ils sont tardifs ; aucun nest antérieur à la période talmudique (les seuls targums officiellement reconnus étaient les targums du Pentateuque et des Prophètes) ; on peut les diviser en quatre groupes (Psaumes et Job ; Proverbes ; les Cinq Rouleaux ; les Livres des Chroniques).

La Vulgate

Cest après avoir entrepris de réviser la traduction latine du Nouveau Testament puis de traduire lensemble de lAncien Testament à partir du texte grec des Hexaples dOrigène que saint Jérôme, en 391 environ, reprit ce second projet mais en travaillant alors sur le texte original, hébreu ou araméen. Cette version juxta hebraica veritatem, en dépit des contemporains qui restèrent fidèles aux vieilles traductions latines, allait finir, au VIIIe siècle, par simposer universellement.

Ce nest quà la fin du Moyen Âge que le terme de vulgate (vulgata editio, édition communément employée) a été restreint à la traduction latine de la Bible due à saint Jérôme. Celui-ci lemployait lui-même pour désigner la traduction grecque dite des Septante ou les anciennes traductions latines.

Le concile de Trente a déclaré (8 avr. 1546) que « la vieille édition de la Vulgate (vetus et vulgata editio), approuvée dans lÉglise par le long usage de tant de siècles, doit être tenue pour authentique dans les leçons publiques, les discussions, les prédications et les explications, et que personne ne doit avoir laudace ou la présomption de la rejeter, sous aucun prétexte ». Le contexte de ce décret montre que, parmi les éditions latines des Livres saints qui étaient en circulation, cest la Vulgate que lÉglise reconnaît comme faisant autorité.

Pie XII (encyclique Divino afflante Spiritu, 30 sept. 1943) a précisé que cette authenticité nest pas à entendre au sens critique (valeur scientifique de la traduction), mais au sens juridique, en ce sens que la Vulgate « est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi ou les murs ». Le même Pie XII et après lui le IIe concile du Vatican (constitution sur la Révélation) invitent à recourir aux textes originaux.

La Vulgate fut imprimée dès 1456 par Gutenberg ; dautres éditions suivirent (Érasme, 1528). Le concile de Trente demanda une édition officielle. Lédition publiée sur lordre de Sixte Quint en 1590, et regardée comme définitive, fut révisée sur lordre de Clément VIII et publiée en 1592 ; cest la Vulgate « sixto-clémentine » de nos Bibles latines.

En 1907, Pie X chargea une commission de bénédictins (de labbaye de Saint-Jérôme à Rome) dentreprendre une édition critique de la traduction de saint Jérôme.
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Bible des Septante,  300 environ .

Au sens strict, la Septante désigne dabord la traduction grecque de la Torah, cest-à-dire du Pentateuque, à Alexandrie dÉgypte, qui fut réalisée au IIIe siècle avant notre ère, au temps des deux premiers Ptolémées. Certains historiens la datent au plus tard de 282 avant notre ère. La légende veut quelle ait été luvre de soixante-dix traducteurs doù le nom de Septante (LXX) ou de soixante-douze (six de chaque tribu dIsraël). Dans la suite, sous le nom de LXX, on regroupa toutes les traductions grecques des différents livres de la Bible hébraïque, Prophètes et Écrits, réalisées peu à peu par les communautés juives dÉgypte mais aussi dautres régions du Moyen-Orient jusquau Ier siècle de notre ère. Furent intégrées également des uvres écrites dans la seule langue grecque, comme le livre de la Sagesse. La LXX représente une hellénisation certaine de la Bible, ce qui en favorisa lusage par les premiers chrétiens. Aussi, les communautés juives récusèrent-elles la LXX au IIe siècle de notre ère pour proposer de nouvelles traductions plus littérales, dont celle dAquila, la plus connue.

Source et recherches à approfondir :
Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 Kwda
https://www.universalis.fr/
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PhilippeT

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptySam 4 Mai - 1:03

BIBLE - Les livres de la Bible

Prise de vue

La Bible a été longtemps le seul recueil littéraire connu de la culture ancienne du Proche-Orient et elle en reste un des témoins majeurs, même si les découvertes du XIXe siècle ont permis de la replacer dans un contexte plus large. À ce seul titre, elle mérite lintérêt de lhomme cultivé. Mais cet intérêt est encore renforcé par son immense influence sur la civilisation occidentale modelée à des degrés divers par le christianisme. Elle reste le « livre sacré » des religions juive et chrétiennes : elle est donc un écrit encore vivant, en ce sens quelle nourrit la foi dune grande fraction de lhumanité. À ce deuxième titre, la Bible fait partie de notre héritage, quelle que soit la position adoptée vis-à-vis de son contenu religieux.

Cest à dessein que le mot recueil a été utilisé, la Bible nétant pas un livre dune seule venue mais une collection duvres, de genres divers, appelées généralement « livres » malgré leur étendue souvent faible, écrites au long de plus de neuf siècles, en deux ou trois langues, le plus souvent à partir de traditions orales bien établies, chaque uvre étant à son tour relue et corrigée en fonction de nouveaux écrits ou de nouveaux événements. La Bible appartient donc à ce quon appelle, en termes techniques, la « petite littérature » (Volksliteratur). Cette désignation na rien de péjoratif, elle désigne simplement le mode de formation dun tel recueil. On y trouve, en effet, des créations dignes de figurer dans une anthologie des chefs-duvre de la littérature mondiale, le Cantique des cantiques, le livre de Job, lEcclésiaste (ou Qohélet) et bien des pages des prophètes ou des livres historiques.

Grâce aux découvertes de monuments littéraires anciens du « Croissant fertile » et grâce surtout aux manuscrits trouvés dans les grottes de Qumran, en Palestine, on se rend compte aujourdhui que la Bible nest pas uniquement une accumulation, à travers le temps, de morceaux variés ; elle est le résultat dun choix parmi de nombreuses uvres dont la plupart nont pas été retenues et sont appelées apocryphes, pseudépigraphes ou deutérocanoniques selon le point de vue auquel on se place. Si la Bible lue par les israélites se distingue de celle qui est reçue chez les chrétiens surtout par ladjonction, propre à ces derniers, des « écrits apostoliques » ou Nouveau Testament, les diverses traditions juives ou chrétiennes nont pas toutes reçu les mêmes uvres dans leur liste officielle, le canon (du mot grec kan´yn, règle).

La Bible a donc une histoire quil est nécessaire de connaître pour pouvoir la comprendre. Cest lhistoire de sa formation, mais aussi de son interprétation et de son utilisation.



1. Un livre de croyants

Les noms de livre

Le recueil a pris son nom actuel dans le contexte de la civilisation hellénistique. Il était et est toujours désigné en grec par un neutre pluriel t`a bili´a, les livres par excellence ; le mot fut simplement transcrit en latin biblia, puis passa dans les diverses langues occidentales : bible en anglais, Bibel en allemand, biblia en espagnol, bibbia en italien. Une dénomination correspondante avait cours dans les communautés de langues hébraïques ou apparentées, sepharim, les livres, ainsi quune autre désignation : kithbe haqqodesh. Cette dernière a aussi son équivalent en grec, ai iera`i grafa´i, t`a ier`a gr´ammata, ou encore graf´c, grafa´i, respectivement les écritures saintes, les écrits sacrés, lécriture, les écritures ; doù lexpression française « la (ou les) sainte(s) Écriture(s) ». Le recueil étant lu publiquement, il est aussi appelé dans les écrits rabbiniques hammiqra, la lecture. Mais le nom traditionnel du corpus hébraïque est tanak, mot formé des initiales de ses trois parties, torah, loi, nebhiim, prophètes, ketubhim, écrits, division fort ancienne puisquelle se trouve déjà dans le prologue de lEcclésiastique (ou Siracide), environ 130 avant J.-C. Lorsque, au cours du IIIe siècle, les chrétiens prirent conscience que sétait constitué, dans le prolongement de la Bible hébraïque, un nouvel ensemble duvres proprement chrétiennes, on lappela c kain`c diaj´ckc, la nouvelle alliance, berith en hébreu, par opposition à c pala´ia diaj´ckc, lancienne alliance correspondant au corpus synagogal. En raison du double sens du mot grec : testament et alliance, les deux expressions furent mal traduites en latin puis dans les langues occidentales par Novum et Vetus Testamentum, Nouveau et Ancien Testament. Ces deux dernières désignations, ainsi que la dénomination plus large de Bible, sont les plus usuelles aujourdhui. Lexpression tanak est encore employée dans les cercles orthodoxes israélites.

Un livre lu en communauté

Lensemble de ces vocables met en lumière le rapport qui existe, dès lorigine, entre les hommes quun tel livre rassemble et ce livre lui-même : cest un livre de vie. Significative est aussi la multiplicité même des uvres qui le composent, multiplicité quexprime le jeu des pluriels et des singuliers dans ses diverses dénominations. Il semble que, de tout temps, les fidèles aient eu conscience de lire un seul livre en plusieurs, retrouvant en chacun comme une ligne mélodique toujours identique. Sans sattarder ici à lanalyse de la diversité, il est possible de cerner de plus près cette intuition et de dégager le thème constant à partir précisément des grandes divisions en Loi, Prophètes et Écrits ou en Ancien et Nouveau Testament.

Pour exprimer la plénitude que le Livre représente pour eux, les israélites emploient trois vocables : la Loi, instruction primitive par rapport à laquelle le fidèle situe son existence ; mais sans cesse sollicité ailleurs, il doit être interpellé par les Prophètes  mot qui ne signifie pas avant tout celui qui prédit lavenir mais celui qui parle à la place, au nom de quelquun, ici de Dieu , Prophètes qui posent toujours à nouveau léternelle question du sens de la vie humaine ; enfin, les Écrits reflètent la longue méditation de tels hommes rassemblés par le Livre lui-même. Que les chrétiens, pour leur part, parlent de Nouveau et dAncien Testament manifeste quils se situent dans lunité de la Bible selon lavant et laprès de lévénement quest pour eux Jésus-Christ, sans que lavant soit rendu caduc par la nouveauté de laprès, qui nen est que laccomplissement paradoxal.

On saisit alors que si la Bible est un livre qui fait vivre, le Livre, elle est aussi un livre vivant. Il sétablit un dialogue entre le livre qui interpelle les hommes quil rassemble et ces hommes eux-mêmes qui questionnent le Livre. Et cela nest pas seulement vrai pour la longue période de formation durant laquelle la Bible se constitue selon une dialectique complexe entre lévénement significatif (parole ou acte interprété), lauditeur avec la communauté dans laquelle il vit et lécrivain ou lorateur qui fait partie de cette même communauté. Dialectique qui peut rendre compte des incessantes reprises à neuf et des redites du texte. Aujourdhui encore la Bible, lue dans la communauté des fidèles, réclame une réponse neuve de la part de lauditeur, qui à son tour questionne le texte ; témoin limmense effort de relecture et dexplicitation que représente le Talmud pour la communauté juive et tous les courants modernes dinterprétation qui prennent la suite de nombreux autres, bien souvent stérilisés par le dogmatisme. Elle est donc le livre dune tradition, de la transmission dune parole pour lhomme, parole que lauditeur reçoit comme étant dorigine transcendante. La Bible par les questions qui sans cesse lui sont posées rassemble les croyants en communauté. Mais elle fait encore éclater la communauté quelle a rassemblée pour laffronter à la réalité quotidienne du monde vécu qui à son tour questionne et renvoie au texte. Si la Bible est pour les croyants parole religieuse sur lhomme, cest quelle leur transmet linterpellation provocatrice de Dieu, en une parole qui leur dit dans le même temps qui est Dieu pour eux.

2. La constitution et lorganisation de la Bible

Parmi les littératures du Proche-Orient, tant ancien quhellénistique, la Bible occupe une place particulière. Livre religieux, elle est entourée depuis des siècles de la vénération des fidèles des deux grandes religions juive et chrétienne qui fondent sur elle leurs liturgies, leurs spiritualités, leurs théologies. Mais elle reste un livre écrit par des hommes situés dans lépaisseur de lhistoire. Ce livre est lexpression dexpériences humaines et religieuses vécues dans le temps et dépendant les unes des autres. On doit même dire que lAncien Testament est le reflet de lhistoire dun peuple lentement constitué parmi dautres peuples, comme le Nouveau est celui de la naissance dune religion qui, se voulant universelle, cherche dès le début à se répandre dans toutes les contrées connues à cette époque. La Bible ne saurait donc être comprise que replacée dans son contexte historique. Elle nest, en effet, quun recueil de documents complexes et variés, un recueil formé de plusieurs groupes de livres distincts.

La rapide esquisse qui va suivre de lhistoire littéraire de lAncien et du Nouveau Testament ne saurait être quun état de la question selon les résultats les plus probables de la critique tant littéraire quhistorique. Il est impossible de rendre compte ici de tous les détails des diverses positions, et encore moins des étapes successives qui ont permis une telle analyse. Le déroulement de lhistoire du peuple hébreu sera supposé connu.

Traditions orales

Outre des traditions sur lorigine du monde qui participent du genre des cosmogonies antiques, expressions imagées et à allure historique dune conception philosophico-religieuse de lunivers, la Bible, dès le douzième chapitre de la Genèse, rapporte des événements contemporains de civilisations du Proche-Orient, parvenues quant à elles depuis longtemps déjà au stade de lécriture. Les patriarches décrits par la Genèse sont des semi-nomades ; tel est le milieu de naissance de la tradition orale, origine de la littérature hébraïque. Il ne faut donc pas faire remonter trop haut dans le temps la fixation du texte, malgré les allusions du livre de lExode (XVII, 14 ; XXXIV, 28). On nentre pleinement dans la civilisation écrite quaprès létablissement de la monarchie à Jérusalem. Cependant, il faut se garder de séparer trop nettement les deux stades. Certains morceaux sont, en effet, fixés très tôt par écrit : les premiers furent recueillis, semble-t-il, vers le XIe siècle avant J.-C., ce qui suppose un usage déjà ancien de lécriture. Dautre part, la tradition orale continuera à se développer parallèlement aux uvres écrites, même après lépoque hellénistique.

À lépoque monarchique, lorsque lunité politique est réalisée, on rassemble les traditions du peuple hébreu. Elles sont dorigines fort diverses : récits « étiologiques » de clans, de groupes de tribus ; traditions attachées à des lieux divers, champs de bataille, campements saisonniers et surtout sanctuaires. On se tromperait en prêtant à ces traditions une visée purement historique. Assurément, certaines conservent le souvenir des grands hommes : les patriarches, Moïse et jusquà Saül ; mais plus fréquemment lhistoire sest schématisée pour faire ressortir les éléments les plus importants, le plus souvent dordre religieux. Les intentions peuvent être autres : expliquer le pourquoi et le comment de certaines coutumes, de noms de lieux, et aussi les regroupements de clans par recours au procédé des éponymes. Elles donnent aussi des règles de conduite soit en véhiculant le matériel juridique et rituel, soit en insinuant des leçons morales et religieuses à propos de lhistoire dun héros dautrefois. Finalement, la conception israélite de Dieu, du monde et de lhomme sy exprime concrètement, et lensemble constitue le bagage culturel de la nation au seuil de la création de la littérature écrite.

Les formes sont fort diverses, parfois déjà fixées, le plus souvent encore flottantes. Leurs genres sont variables. On y trouve aussi bien des poèmes que de sèches descriptions, des dialogues animés ou des pièces liturgiques. Il semble que, dès lépoque des Juges, aux XIIe-XIe siècles avant J.-C., les traditions se soient organisées en cycles dont les scribes royaux ont souvent respecté laspect. Elles paraissent sêtre surtout rassemblées autour des grands sanctuaires, tels que Sichem, Béthel, Bersabée. Il est difficile de déterminer avec précision les morceaux déjà fixés par écrit. Certains restent rudes et archaïques, comme le chant du puits (Nombres, XXI, 16-18), dautres se révèlent plus élaborés, comme le cantique de Deborah célébrant une des grandes victoires de la conquête (Juges, V). De nombreux oracles « prophétiques », en particulier ceux de Jacob, Balaam, Moïse, furent fixés, semble-t-il, à une date très ancienne. Mais ce sont certainement les pièces juridiques qui furent rédigées les premières, par nécessité pratique. Il ny a pas de raison de ne pas en faire remonter lorigine à Moïse, même si on ne peut lui en attribuer la totalité. Parmi ces textes, les plus anciens sont ceux du code de lAlliance (cf. de XX, 22 à XXIII, 33) et du décalogue (Exode, XX, et Deutéronome, V). Autour de ces textes gravitait un droit coutumier oral, généralement de même origine, mais qui a été, tout naturellement, remanié et augmenté selon les besoins des époques et des situations successives. Il ne faut pas oublier que ces textes et coutumes législatifs, avant même de fonder le droit, établissaient la tradition religieuse dun peuple.

Débuts de la littérature écrite

Létablissement, au cours du Xe siècle avant J.-C., de la monarchie israélite va, en introduisant une certaine stabilité, permettre le rassemblement de toutes ces traditions et léclosion de la littérature écrite. Lorganisation du royaume, due au génie de David puis de Salomon, sinspire de celle des monarchies contemporaines, phénicienne et même, dans une certaine mesure, égyptienne. Le roi sentoure dun ensemble hiérarchisé de fonctionnaires dont les plus importants, en ce qui nous concerne, sont les scribes, à la fois archivistes, historiographes et secrétaires du royaume. Ils rassemblent et organisent déjà les diverses traditions, en y découvrant une unité profonde, celle dune « histoire de salut » conduite par Dieu. Ils ne font donc pas uvre dhistorien au sens moderne du mot, mais rédigent une « saga » dont le sens religieux importe plus que les précisions de détail. Ils insèrent dans une trame chronologique remontant jusquà la création du monde toutes les composantes de la tradition nationale en harmonisant parfois leurs divergences. Et déjà dans cette ligne samorce lhistoriographie du royaume. Mais chacun des scribes est aussi un sage, un homme au jugement droit et de bon conseil. Puisant au bien international quest, à lépoque, la littérature de sagesse, ils développent les premiers écrits sapientiaux, dont les Écrits, ou livres de Sagesse, donnent une idée, bien que ces derniers soient en fait le résultat dune constante refonte des premiers traités, opérée jusquà une date tardive (au plus tôt 300 av. J.-C.).

Le culte se stabilise au temple de Jérusalem. Les traditions de sanctuaires ainsi que les textes législatifs et rituels sy concentrent donc. Autour du temple gravitent les prophètes, proches du culte depuis lépoque des Juges. Un de leurs oracles, celui de Nathan, « voyant » attitré de David (II Samuel, VII), présente une importance capitale : il est à lorigine du messianisme dynastique. Cest aussi autour du roi et du temple que naissent les Psaumes  fort peu de ceux que nous connaissons sont de David, très peu même datent de cette époque, mais la littérature liturgique, louange, complainte, action de grâces, se prolongera tout au long de la vie du peuple et débordera les limites du livre des Psaumes.

Deux « histoires de salut »

Dès la fin du Xe siècle avant J.-C., la succession catastrophique du roi Salomon entraîne le « schisme » entre Juda et Israël, qui vont évoluer dans des voies différentes. Dans le royaume de Juda (Sud), lactivité littéraire continue, bien que, selon lattitude des rois, on constate une alternance de syncrétisme cananéen et de renouveau yahviste. Lactivité littéraire se concentre autour du temple, ce qui influe sur elle en profondeur. Alors se constitue la première compilation de l« histoire de salut » du Sud : le matériel ou la source « yahviste » (J) du Pentateuque.

Dans le Nord, au contraire, la monarchie sappuie sur les propriétaires fonciers et les marchands. Le second foyer de culture qui se constitue avec linstallation du roi à Samarie nest pas à labri du syncrétisme. Aussi, malgré un épanouissement culturel certain, il en reste peu de traces dans la Bible. Celle-ci nous a conservé seulement les réactions vigoureuses des prophètes ou des cercles prophétiques fidèles à la tradition religieuse de Jérusalem. La révolution de Jéhu (env. 840 av. J.-C.) permet dailleurs à ces cercles prophétiques détendre leur influence. Un courant réformateur atteint les milieux littéraires. Cest lépoque de la collation des traditions relatives à Élie et à Élisée, la première fixée dès la fin du IXe siècle, la seconde au milieu du VIIIe siècle avant J.-C. À ce même effort littéraire il faut rattacher la constitution de l« histoire de salut » du Nord : le matériel ou la source « élohiste » (E) du Pentateuque, ainsi que plusieurs narrations des « Prophètes antérieurs », des livres de Josué et des Juges. Mais, tandis quà Jérusalem la geste sacrée culmine dans linstauration de la monarchie davidique, le point de vue des scribes du Nord, conservateurs et plus réservés devant linstitution, du fait des abus du temps, prolonge la tradition de la période préroyale : lidéal est celui de lExode et du désert, adapté aux besoins de lépoque. De là, une accentuation de la signification prophétique des grands ancêtres (Abraham, Moïse, Samuel), ou certaines pointes polémiques contre les cultes cananéens et contre la monarchie elle-même. Lhistoire sacrée du Nord semble sêtre fixée dans le courant du VIIIe siècle avant J.-C.

Le prophétisme

Un esprit similaire anime la prédication des deux premiers « prophètes écrivains ». Si celle dAmos, le Judéen (750 av. J.-C.), na pas de lien direct avec le Nord, où cependant il exerça sa prédication rude et populaire, au point que son influence se retrouvera seulement quelques décennies plus tard en Juda chez Isaïe et Michée ; celle dOsée, en revanche, est profondément enracinée dans les traditions religieuses de Samarie et y introduit des thèmes nouveaux, sans cesse repris par la suite : amour de Yahwé pour son peuple, religion affective, comparaison entre lAlliance et les épousailles... Ce mouvement prophétique, par lexigence quil propose, prépare une refonte législative rendue nécessaire par lévolution politique et sociale. Celle-ci se fait parallèlement au travail historico-religieux et sappuie sur la Loi, qui se dégage déjà des premières compilations de l« histoire de salut » élohiste.

À lheure où cette uvre se réalise au Nord, éclate dans le royaume de Juda la prédication fulgurante dIsaïe. Son originalité ne le coupe cependant pas de ses prédécesseurs, même sil est moins proche dAmos que son contemporain Michée. De plus, comme Osée reflétait les grands courants du Nord, Isaïe cristallise dans son uvre les diverses tendances littéraires et doctrinales du Sud. Proche du temple, il en souligne limportance comme résidence de la « gloire du Dieu très haut ». En outre, quelques-unes de ses idées maîtresses recoupent les compilations de l« histoire de salut » yahviste : doctrine du « reste » qui seul sera sauvé ; annonce, comme chez Amos et Osée, du châtiment de la nation et de sa renaissance après un temps de purification. Mais, fidèle aux traditions de Jérusalem, il projette dans lavenir limage épurée du règne de la dynastie davidique. Isaïe est entouré dun cercle de disciples qui, dune part, mettent par écrit un certain nombre doracles du maître et qui, dautre part, sont le noyau dune « école » doù sortiront lauteur du livre de la Consolation dIsraël (Isaïe, chap. XL-LV) et, plus tard, les groupes piétistes du judaïsme postexilique.

Après la chute de Samarie (721 av. J.-C.), le roi réformateur Ézéchias sefforce, en Juda, de recréer lunité nationale autour du temple et recueille lhéritage culturel et religieux du Nord. Cest lépoque de la première organisation du recueil des Proverbes. Mais la grande uvre de ce règne fut la compilation en un seul recueil (J-E) des « histoires de salut » du Sud (J) et du Nord (E). Il ne faut cependant pas pour autant déclarer éteints les courants littéraires et religieux élohistes qui continuent à Jérusalem dans les cercles de réfugiés ayant fui le royaume de Samarie. Ils soutiendront la lutte contre lapostasie et seront pour une part à lorigine de la réforme deutéronomique.

La Torah, Loi divine, devient le monument littéraire sur lequel la nation sappuie pour survivre. Aussi, dès avant le règne de Josias, le deuxième réformateur de Juda, éprouve-t-on le besoin de renouveler lexpression de cette Loi. On rédige alors le Deutéronome qui, « découvert » en 622, déclenchera un puissant courant de réforme. Parallèlement, un immense travail de rédaction seffectue. Les premiers livres de la Bible, Torah et « Prophètes antérieurs », jusquaux livres des Rois, seront rédigés à cette époque, bien que ce ne soit pas sous leur forme actuelle. Linfluence du Deutéronome se fait sentir sur cet ensemble, l« histoire de salut » devient une longue parénèse (exhortation).

Après la mort de Josias et la mise à sac de Jérusalem (609), il semble que leffort littéraire se poursuive. Mais, comme souvent dans les moments de crise, le courant prophétique prend plus dimportance. Linfluence « isaïenne » sest déjà fait sentir en Sophonie (630 env.). Lautre courant, dépendant de la tradition du Nord et dOsée, reparaît chez Jérémie. On ne sait auquel de ces deux courants rattacher Nahum (610 env.) et Habacuc (600 ?). Le genre de leurs uvres les rattache à la lyrique cultuelle. Le long ministère de Jérémie permet de connaître les dernières décennies de lhistoire du royaume judéen, mais surtout de deviner pour la première fois à travers luvre dun prophète sa personnalité profonde. Homme timide et déprimé, sa spiritualité affective est proche de celle dOsée ; il poursuit un dialogue incessant avec Dieu présenté comme père ou époux du peuple. Cest de lui quil tire sa force. Il acquiert un prestige extraordinaire, même parmi ses nombreux ennemis. Il na quun disciple, Baruch, qui parfois lui sert de porte-parole. Baruch suivra Jérémie dans son exil (en Égypte ?), mettra en ordre luvre de son maître, rapportée en Palestine au cours de lExil. Luvre de Jérémie, retouchée, ne prendra son aspect définitif que vers 520. Linfluence de cet homme isolé fut immense, après sa mort, tant en Judée quà Babylone. Il laissait, en effet, un message despérance messianique plus proche cependant dOsée que dIsaïe. Cest le prophète de lAlliance nouvelle inscrite dans les curs que Dieu fera avec son peuple après lépreuve purificatrice.

Ézéchiel et la littérature de lExil

Cest parmi les cercles sacerdotaux, groupés autour du temple de Jérusalem, peu avant la catastrophe nationale (prise de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587), que surgit une figure prophétique originale, Ézéchiel. A-t-il vraiment vécu à Jérusalem ou commença-t-il sa prédication à Babylone ? On ne le sait. Marqué par son origine sacerdotale, il fut toujours lhomme du Livre ; lors de sa vocation, la parole de Dieu ne se présente pas à lui comme un message oral (voir Isaïe, VI, 6-7 ; Jérémie, I, 9) mais comme un livre à manger (Ézéchiel, II, 8 à III, 4). Cest un érudit : il connaît les mythologies et les écrits phéniciens et mésopotamiens, mais surtout il nignore rien des lois et coutumes du temple de Jérusalem. Son message de conversion prolonge la ligne deutéronomique. Il propose de lavenir une description idéale : un peuple théocratique, au cur purifié, groupé autour du temple rebâti et servi selon un rituel complexe par un sacerdoce saint ; le chef politique passe au second plan, il nest plus roi mais prince et semble soumis aux prêtres. Lorsquil apparaîtra après lExil, le judaïsme sera très marqué par luvre du dernier grand prophète. Tel quon peut le lire actuellement, le livre dÉzéchiel est le résultat dun travail rédactionnel effectué après sa mort par les écoles de scribes sacerdotaux héritières de son esprit. À ces mêmes écoles, il faut attribuer la troisième compilation, dite sacerdotale (P), de l« histoire de salut », reprise des compilations précédentes (J, E, J-E) effectuée dans un dessein théologique : en manifestant la continuité historique des quatre étapes de lAlliance divine (création, Noé, Abraham, Moïse) qui culmine dans la quatrième loi donnée au Sinaï, elle fait de Moïse le fondateur de la théocratie israélite.

Malgré le peu de renseignements qui nous sont parvenus, lExil est donc une période de création littéraire intense. Le temple détruit, les communautés locales, pour résister à lassimilation, organisent leur culte, le plus souvent sous la conduite de membres de la caste sacerdotale ; les écrits déjà existants y sont sans cesse relus et approfondis ; on opère de nombreux remaniements, difficiles à saisir historiquement ; la psalmique y fleurit et y atteint sa forme classique. Lauteur du deuxième livre dIsaïe (chap. XL-LV), ou livre de la Consolation dIsraël, est issu dun tel milieu. Son messianisme présente une perspective universaliste où la figure du Serviteur qui sauve les « multitudes » par ses souffrances se substitue à celle du messie royal trop politisée. À la même époque, mais à Jérusalem, semble-t-il, apparaissent, dans la ligne de Jérémie, les Lamentations, poèmes de deuil sur la ruine de Jérusalem.

Le judaïsme à lépoque perse et hellénistique

À la fin de lExil, il devient difficile de suivre la formation du recueil. Dune part, les données historiques sont souvent confuses et parfois manquent totalement, dautre part, les uvres se laissent moins facilement dater, du fait de lemploi fréquent dun style anthologique imitant le tour, devenu archaïque, des grands devanciers. Chaque genre littéraire laisse cependant apparaître sa ligne générale dévolution.

Autour de la reconstitution du temple (520-515 av. J.-C.) se manifeste une certaine activité prophétique. Tandis que Aggée et le troisième Isaïe (chap. LVI-LXII)  à qui on pourrait aussi attribuer les chapitres XXXIV et XXXV du même livre  témoignent de la vitalité de lécole isaïenne, les visions de Zacharie (chap. I-VIII) sinscrivent par leur symbolique dans la ligne dÉzéchiel. Puis, avec le temps, le prophétisme se disloque : il laisse place aux maîtres de sagesse ou se transforme en oracles apocalyptiques. Les derniers représentants du prophétisme sont difficiles à situer. Malachie peut dater de lépoque de Néhémie (milieu du IVe s. av. J.-C.) ; la seconde partie de Zacharie (chap. IX-XIV) serait contemporaine de la conquête dAlexandre ; Joël échappe aux prises de lhistorien. Le livre de Daniel et celui de Baruch (ce dernier rédigé en grec) représentent le dernier sursaut prophétique ; le premier, très marqué par lapocalyptique, et le second, daspect plus sapientiel, prennent corps, à partir de traditions plus anciennes, au tournant du Ier siècle avant J.-C.

Le courant sapientiel, lui, prend un essor important. On rassemble, enfin, la longue tradition des uvres de sagesse en des recueils tels que celui des Proverbes (rédaction définitive, vers 480 av. J.-C.). Au même moment, des uvres nouvelles voient le jour ; ainsi, le livre de Job (450 env.) oppose à la thèse traditionnelle et simpliste de la longue vie du juste et de la mort du pécheur le démenti des faits : que signifie la souffrance du juste ? Sil noffre pas de réponse ferme à une telle question, Job expose de manière saisissante le drame de la condition humaine. La confrontation avec lhellénisme sera cependant le catalyseur de la sagesse judaïque. LEcclésiaste, ou Qohélet, est, au cours du IIIe siècle avant J.-C., le témoin désabusé de la vanité de leffort humain, tandis que le livre de lEcclésiastique, ou Siracide (écrit en hébreu vers 190 et traduit en grec vers 130 av. J.-C.), propose toujours une doctrine traditionnelle et médite lhistoire du peuple hébreu ; enfin, le livre de la Sagesse de Salomon sefforce (au début du Ier s. av. J.-C.) dexprimer la pensée des ancêtres en concepts grecs.

Le lyrisme religieux continue à se développer : de nombreux psaumes anciens sont adaptés, dautres créés, et le recueil prend sa forme définitive à la fin du IIe siècle avant J.-C. sans que, pour autant, la production cesse. À ce genre, on peut rattacher un grand poème damour, le Cantique des cantiques (milieu du IIIe s. av. J.-C.), si toutefois lon admet quil ait été allégorisé selon le thème traditionnel des épousailles de Dieu et de son peuple.

La grande uvre du Chroniste, les deux livres des Chroniques, ceux dEsdras et de Néhémie (tournant du IIIe s. av. J.-C.), réinterprétation cléricale de lhistoire du peuple, manifeste lactivité des écoles sacerdotales. Mais leur réflexion sur le passé les porte à cultiver un nouveau genre littéraire : le midrash, recueil à base plus ou moins historique destiné à proposer un enseignement, dont les livrets de Ruth, dEsther et de Jonas (bien que ce dernier soit finalement rangé parmi les Prophètes) sont les exemples, difficilement datables, offerts par la Bible hébraïque. On peut encore y rattacher, bien quils soient rédigés en grec, et de ce fait non reçus dans la synagogue, les livres de Tobie, de Judith, les suppléments au livre dEsther et de Daniel (chap. XIII et XIV, Suzanne, Bel et le Dragon) ainsi que les deux livres des Maccabées (env. 100 av. J.-C.), récits parallèles, aussi édifiants lun que lautre, de la révolte juive sous Antiochus Épiphane .

Mais le centre de la pensée juive ne se situe dans aucun de ces courants : il est constitué par la Torah, ou Loi. Bien que les divers courants de l« histoire de salut » se soient quelque peu unifiés depuis lExil, leur autorité est encore discutée lors du retour en Judée. Le corpus est luvre de juristes des écoles sacerdotales et nest édité que vers le milieu du IVer siècle avant J.-C., selon sa division actuelle en cinq livres (en grec Pentateuque) : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome. Par contrecoup, le texte des divers livres prophétiques est fixé progressivement. Ce nest quà la basse époque judaïque, au tournant du Ier siècle avant J.-C., quon donne aux Écrits leur forme définitive pour les bien distinguer de la production littéraire des sectes juives qui se multiplient alors. Cette production recouvre tous les genres littéraires reçus, mais lapocalyptique est le mieux représentée ; ce sont, entre autres uvres, le livre dHénoch, les Testaments des douze patriarches, le livre des Jubilés, pseudépigraphes et apocryphes mieux situés dans leur contexte culturel et religieux depuis les découvertes de Qumran.

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptySam 4 Mai - 1:05

Les premiers écrits chrétiens

Après lévénement de la Pentecôte, qui suit la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth, ses disciples, continuant à participer à la vie cultuelle juive, conservent et transmettent oralement le souvenir de la vie et de lenseignement du maître. Le message quils propagent rapidement dans lest du bassin méditerranéen (Paul est à Corinthe en 51 apr. J.-C.) présente Jésus comme le Christ, cest-à-dire le Messie, lOint annoncé par les prophètes et spécialement par lauteur du troisième Isaïe. Cest donc autour de la mort de Jésus et de la foi en la résurrection du Christ fils de Dieu que sarticule, dans le prolongement de la pensée juive, la nouvelle doctrine. À mesure quon sécarte de Jérusalem dans lespace et quon séloigne de la mort de Jésus dans le temps, les membres des premières communautés chrétiennes plus spécialement chargés de la catéchèse éprouvent le besoin daider leur mémoire en coulant leurs souvenirs et leurs enseignements dans le moule des genres littéraires de la tradition orale. Certains aide-mémoire sont parfois déjà mis par écrit. Il se forme ainsi lentement un ensemble mouvant de textes et de souvenirs centrés sur la mort et la résurrection du « Seigneur ». Si, par lensemble des treize lettres de Paul, dont on peut fixer assez exactement les dates de rédaction entre les années 51 et 67 après J.-C., nous possédons le témoignage dun enseignement écrit prolongeant une première catéchèse orale prêchée dans diverses villes, il reste que les autres propagateurs de la foi chrétienne pouvaient utiliser des méthodes différentes. Quoi quil en soit, après la chute de Jérusalem (70), sans quon puisse préciser davantage, on éprouve en divers lieux le besoin de rassembler les traditions sur le « Seigneur Christ ». Doù lapparition de recueils dont le nombre ne peut être limité aux quatre Évangiles actuels. Alors que lAncien Testament sest développé dans un milieu relativement homogène, les écrits du Nouveau Testament répondent, en effet, aux besoins de communautés linguistiques et culturelles fort diverses, depuis les Juifs de Palestine jusquaux gentils de lÉgypte, de la mer Noire, de la Perse, de Rome et peut-être dEspagne. Si, finalement, on retient seulement quatre de ces recueils, cest en fonction dun besoin essentiel de lensemble des communautés : garder une certaine unité de pensée. Ce sont les Évangiles (transcription dun mot grec signifiant bonne nouvelle, annonce favorable) de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Il est difficile de dire quel auteur il faut mettre sous chacun de ces noms, mais il semble établi que ni lapôtre Matthieu, ni lapôtre Jean nont rédigé dans leur état actuel les textes qui portent leur nom.

LÉvangile selon Matthieu, dont le texte grec est la traduction dun original araméen, a laspect dune uvre à usage liturgique, linéaire, assez solennelle : les détails sont négligés en faveur de lallure générale du récit. Sa rédaction structurée peut permettre dy découvrir, entre autres thèses, la démonstration théologique de luniversalité de la mission du Christ.

LÉvangile selon Marc, le plus court, au style rugueux, paraît avoir été rédigé, sinon à Rome, du moins dans un milieu très latinisé. Il reflète assez directement la catéchèse primitive, même si on ne peut pas affirmer que ce soit celle de lapôtre Pierre. Un de ses thèmes théologiques majeurs est lincompréhension manifestée par les disciples tout au long de la vie du Christ, incompréhension qui se dissipe après Pâques.

LÉvangile selon Luc, en revanche, est luvre du seul écrivain cultivé du Nouveau Testament. Très habilement rédigé dans un dessein quelque peu apologétique, il présente, en respectant ses sources, la vie publique du Christ selon le schéma dun unique voyage de Galilée à Jérusalem et au supplice.

LÉvangile selon Jean, enfin, très différent des trois premiers, bien quon puisse saisir de nombreux points de contact et certaines influences mutuelles, est luvre dun théologien et dun mystique qui réinterprète en plusieurs thèmes entrecroisés les paroles et les actions du Messie, fils de Dieu. Cest certainement lÉvangile rédigé le plus tardivement, au tournant du IIe siècle. Peu après cette date dailleurs, lensemble des textes du Nouveau Testament prennent leur forme définitive.

Les Évangiles selon Matthieu, selon Marc et selon Luc présentent, malgré de nombreuses divergences, une réelle similitude ; ils sont appelés pour cette raison Évangiles synoptiques. Lhistoire de la rédaction des Évangiles à partir des premières collections de témoignages est fort complexe. Si la théorie des trois sources (Matthieu dans son original araméen, Marc et la source Q, de lallemand Quelle) na pas à être rejetée, elle reste une hypothèse de travail en vue dune analyse plus précise de la formation de chaque péricope (brève séquence racontant un fait ou un dit du « Seigneur »).

Les Actes des Apôtres sont du même auteur que lÉvangile selon Luc et en forment la suite logique. Bien quexigeant une lecture critique, ils représentent une source exceptionnelle pour la connaissance de la vie de lÉglise naissante et particulièrement de lapostolat de Paul, ce qui laisse à penser que lauteur de ces deux livrets doit être un disciple de ce dernier. Si on rapproche de la deuxième partie des Actes des Apôtres les treize lettres de Paul (rangées dans la Bible non pas chronologiquement mais selon leur longueur décroissante), on voit à luvre limmense effort théologique de lApôtre des gentils, point de départ de nombreuses synthèses doctrinales postérieures. LÉpître aux Hébreux, attribuée à tort au même auteur, semble plutôt représenter la théologie de judéo-chrétiens proches des cercles sacerdotaux. Il est difficile de situer historiquement aussi bien cette dernière uvre que les lettres dites catholiques, celle de Jacques, les deux de Pierre, celle de Jude et enfin les trois billets de Jean. Encore une fois, ici, on ne peut identifier, sans plus, leurs auteurs aux apôtres dont elles portent le nom, bien que les trois derniers billets cités reflètent la pensée dun milieu dont fait aussi partie lauteur du quatrième Évangile. Le dernier livre de la Bible, lApocalypse, issu, lui aussi, des mêmes cercles « johanniques », est la manifestation dans le Nouveau Testament du genre littéraire dont on a vu limportance dans les milieux juifs de lépoque. Si sa symbolique complexe a été à lorigine du millénarisme et de nombreuses prédictions peu fondées, ce livre difficile reste du moins une source despérance pour les chrétiens.

Comme lAncien, le Nouveau Testament est le résultat dun choix, à lintérieur dune production abondante. Parmi les apocryphes ou pseudépigraphes, il faut citer lÉvangile de Thomas, lÉvangile de vérité, ce dernier teinté de gnosticisme, et les Actes de Pierre. Enfin, il ne faut pas séparer abusivement la littérature néo-testamentaire des écrits chrétiens du IIe siècle : des uvres comme le Pasteur dHermas, la Didakè ou les Épîtres de Clément de Rome mettent en lumière les liens étroits qui unissent ces deux ensembles.

3. Traditions et « canons »

Une fois la Torah éditée, sous la direction dEsdras, semble-t-il, pour servir de loi officielle à lÉtat judéen, la canonisation des Livres prophétiques et des Écrits ne fut pas le fait dune quelconque autorité mais provint de leur usage dans la vie liturgique et spirituelle du peuple juif lui-même. Les communautés de la Diaspora, et particulièrement la plus importante, celle dAlexandrie, éprouvèrent le besoin de lire les « Livres saints » dans la langue qui leur était la plus habituelle, le grec. Une traduction quasi officielle fut lentement réalisée entre la fin du IVe et celle du IIe siècle avant J.-C., par des auteurs qui nous restent inconnus. Le nom quelle porte, la version des Septante, lui vient de la légende qui veut que, sur lordre de Ptolémée Philadelphe, soixante-douze sages israélites aient traduit en soixante-dix jours lensemble de la Bible hébraïque.

Les chrétiens, qui pour la plupart parlaient grec, adoptèrent la Septante comme texte officiel et lui adjoignirent, à partir du début du IIe siècle, lensemble des écrits spécifiquement chrétiens, le Nouveau Testament.

Cependant, devant la prolifération des uvres sectaires dorthodoxie douteuse, parmi lesquelles ils rangeaient peut-être les toutes premières ébauches néo-testamentaires, les responsables des communautés juives réunis à Yabneh (Jamnia), au sud de Jaffa-Tel-Aviv, dans les années 90-95, dressèrent le canon des livres faisant autorité comme parole divine, ce qui entraîna la fixation ne varietur du texte hébreu lui-même. Ils nacceptèrent pas certains livres inclus dans la Septante. Les chrétiens nen continuèrent pas moins à reconnaître comme inspiré lensemble des uvres représentées dans cette traduction, bien que leurs controverses avec les juifs les aient conduits à distinguer les livres reçus par tous et ceux qui leur sont propres et quon appellera plus tard deutérocanoniques. Même si certains Pères de lÉglise, comme Jérôme et Rufin, optèrent plutôt pour le canon juif de lAncien Testament, et si dautres restèrent hésitants, lusage du canon large de la Septante fut conservé et sétablit définitivement vers le Ve siècle. La question de la canonicité des livres du Nouveau Testament ne se posa quà partir de la seconde moitié du IIe siècle, lorsque, dune part, Marcion rejeta lorigine divine de lAncien Testament et exclut du Nouveau tout ce qui sy référait, ne gardant que lÉvangile selon Luc et quelques lettres de Paul, non sans les mutiler, et que, dautre part, Montan tenta inversement dintroduire dans le canon de nouvelles uvres de sa secte, uvres quil prétendait inspirées.

La première liste connue des livres du Nouveau Testament est le canon de Muratori : lÉpître aux Hébreux en est absente et létat du texte laisse planer des doutes sur la mention de la Deuxième Épître de Pierre et de celle de Jacques. Origène, Eusèbe et dautres, dont Jérôme se fait encore lécho au IVe siècle, émirent des doutes sur la canonicité de diverses Épîtres dites catholiques. En fait, lusage général, à partir du IVe ou Ve siècle, fut de retenir lensemble des livres néo-testamentaires selon lordre qui est encore aujourdhui celui de la plupart des Églises chrétiennes. Lorsquau XVIe siècle les réformateurs protestants, pour les livres de lAncien Testament, choisissent le canon de la Bible hébraïque, lÉglise catholique romaine définit au concile de Trente les livres à recevoir comme inspirés. Il y a donc, depuis cette époque, une légère différence entre les bibles catholiques et protestantes, les premières seules recevant comme inspirés les livres deutérocanoniques. Les anglicans, pourtant, lisent encore une partie de ceux-ci au cours de leurs offices liturgiques.

Il nen reste pas moins que létude scientifique de la Bible ne peut se limiter aux livres canoniques, car la connaissance des apocryphes, des pseudépigraphes et des écrits des premiers Pères de lÉglise est très nécessaire pour son intelligence.

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptySam 4 Mai - 1:08

L'étude de la Bible


Prise de vue


La seconde moitié du XXe siècle a connu une véritable révolution et pour la diffusion et pour létude de la Bible. On a parlé à juste raison du « renouveau biblique ». LÉglise catholique, surtout dans les dispositions du concile Vatican II, a redonné à la Bible son statut authentique dÉcriture sainte, avec les prérogatives de témoin privilégié de la Révélation et, à ce titre, de source majeure de tout acte cultuel et de tout enseignement doctrinal. La Bible nétait plus « protestante », elle était redevenue éminemment chrétienne même pour les catholiques.


 1. Causes et effets du renouveau biblique


Depuis lAntiquité chrétienne, le fait biblique considéré du point de vue quantitatif ou littéraire avait été limité au problème disciplinaire puis dogmatique du canon des Écritures. La Bible ne fut en effet longtemps que la somme organique des livres dont la « liste », ou canon, sétait trouvée définie par lÉglise. À partir du concile de Trente, ce canon fut déclaré « règle de foi », le texte latin de la Vulgate étant présenté comme seul « authentique », cest-à-dire officiel pour tout usage quel quil soit. On en resta là durant des siècles, jusquà Pie XII. Cinquante ans après la promulgation de lencyclique de Léon XIII sur la Bible et les études bibliques, Providentissimus, Pie XII fit bouger sérieusement et irrésistiblement les choses avec sa propre encyclique de 1943, Divino afflante Spiritu. Il préconisa en effet le recours aux langues anciennes ainsi que lutilisation de « toutes les ressources que fournissent les différentes branches de la philologie ». Et il affirma que « le texte primitif a plus dautorité et plus de poids quaucune version, même la meilleure, ancienne ou moderne ». Dès lors, sans nier, loin de là, la suprématie dont elle avait bénéficié dans lhistoire de lÉglise latine au moins, Pie XII replaçait de fait la Vulgate dans la série des versions anciennes de la Bible. Ainsi ouvrait-il la voie, pour les catholiques aussi, à lusage légitime de la Bible dans ses traductions en langues modernes, à partir dun texte établi scientifiquement.


Lun des résultats de cette ouverture, au fondement résolument scientifique, fut lapparition et comme lhomologation dune « vulgate » (vulgata editio, « édition communément admise ») française ou plus exactement dorigine française. En France comme en nombre de pays, une Bible sest en effet imposée avec les vertus dune vraie vulgate : la Bible de Jérusalem, dirigée par les Dominicains et réalisée, sur la base dun important travail scientifique et littéraire, par un groupe nombreux de biblistes catholiques. Publiée en édition manuelle en 1955, cette Bible est « reçue » comme celle des populations francophones, catholiques mais aussi protestantes. Bien plus, à linstar des premières Bibles publiées dans les langues de lEurope occidentale, et qui consistaient en des traductions de la version latine de Jérôme, elle fut elle-même traduite  avec ou sans recours aux textes originaux, avec ou sans support dune version existante, mais toujours avec les introductions et les notes dorigine  dans la majorité des langues européennes (italien, allemand, anglais-américain, espagnol, portugais, néerlandais, catalan) et aussi en russe et en japonais.


Le concile Vatican II, dans sa constitution dogmatique Dei Verbum de 1965, est allé plus loin encore sur la voie ouverte par Pie XII. La lecture, voire lenseignement, de la Bible dans ses traductions modernes est cette fois-ci un devoir. Lacte de communication et la langue comme première condition culturelle de celle-ci sont pris en considération. Bien plus, dans la logique même de cette ouverture, le concile a permis et même préconisé que, « si les circonstances sy prêtent et si lautorité de lÉglise les approuve », les traductions de la Bible soient « aussi établies en collaboration avec des frères séparés » et « puissent être utilisées par tous les chrétiens ». Et ladite constitution a demandé aussi « que lon établisse des éditions de la sainte Écriture munies dannotations appropriées qui puissent servir également aux non-chrétiens et adaptées à leur situation ». Ces perspectives douverture biblique ad extra sont : en deçà, un appel à un travail scientifique, philologique surtout, suffisamment poussé et, au-delà, une invitation à létude de la Bible que ces dispositions avaient pour but de permettre et de promouvoir. Lun des résultats marquants fut ici lélaboration et la publication de la fameuse Traduction cuménique de la Bible (T.O.B.), conditionnée et commercialisée dabord en deux volumes : le Nouveau Testament en 1973, lAncien Testament en 1975. Artisans de cette uvre exceptionnelle, les biblistes chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes réunis, tinrent ainsi, répondant à lappel du concile Vatican II, à rendre ostensible lcuménisme que les années 1960 avaient mis, pour un temps du moins au superlatif.


On peut dire que, avec le concile Vatican II, à la discipline qui, sur la base du discours latin institué, régulait lensemble des actes dogmatiques et des pratiques religieuses sest substitué, cette fois, ce qui était nouveau chez les catholiques, non pas une langue mais un langage biblique véritable. De quelque façon, en deçà de telle Bible nationale qui, sans être désignée comme telle, peut avoir la fonction dune vulgate particulière, saffirme une cohérence universelle, laquelle, grâce à la diversité des expressions, se manifeste comme étant désormais celle de la Bible elle-même. Léminente qualité qui, pour la Bible, consiste dans sa disponibilité, en tous lieux, en toutes langues et par des multiples moyens, à la lecture et à létude, se trouve de ce fait fortement déclarée, et dès lors valorisée. Plus que jamais donc, la société quest lÉglise et, par sa médiation, la société tout court, largement et officiellement biblicisées, ont leur Vulgate, ce qui veut dire leur Bible, présentée et pratiquée, universellement désormais, comme Vulgate de vulgates.


 2. Lampleur de la démarche scientifique


Cest ainsi que lÉglise catholique a contribué amplement à la promotion des études bibliques, tant dans le cadre de ses propres instances et juridictions quailleurs dans lorbe proprement culturel. Lenseignement supérieur des pays germaniques et anglo-saxons, en partie sous contrôle protestant, honorait de longue date les textes bibliques, de lAncien comme du Nouveau Testament, à linstar des autres grands témoins littéraires de lAntiquité, grecque ou latine. Dans les pays latins, et particulièrement en France, il en allait autrement, létude de la Bible étant essentiellement réservée aux programmes confessionnels. Or lintroduction et lhomologation de la tâche scientifique dans létude confessionnelle de la Bible ont eu pour effet de contribuer, pour leur part, au rayonnement, universitaire cette fois, de celle-ci. Cela a fait école. Cest ici quil faut mentionner, parmi dautres chantiers significatifs, lentreprise de traduction de la Bible grecque des Septante à linitiative et sous la direction de léminente helléniste et spécialiste de la littérature chrétienne ancienne quest Marguerite Harl, professeur à la Sorbonne (cette traduction, qui couvre à ce jour lensemble du Pentateuque, paraît aux éditions du Cerf, depuis 1986, sous le titre : La Bible dAlexandrie). 


Par ailleurs, les biblistes catholiques, ecclésiastiques pour la grande majorité, se sont volontiers distingués comme des maîtres incontestés de savoirs scientifiques non directement bibliques, particulièrement dans le champ des disciplines non littéraires, larchéologie au premier chef. Le rôle de lÉcole biblique et archéologique française de Jérusalem, fondée (en 1890) et toujours dirigée par les Dominicains, est ici à signaler avant toute autre chose : des générations darchéologues venus du monde entier, pas forcément chrétiens, y ont été formées (sous la direction de J. L. Vesco, LAncien Testament. Cent ans dexégèse à lÉcole biblique, Paris, 1990 ; J. Murphy-OConnor, Le Nouveau Testament. Cent ans dexégèse à lÉcole biblique, Paris, 1990 ; voir aussi : B. Dupuy, « Centenaire de lÉcole biblique de Jérusalem (1890-1990) », in Universalia 1991). Dautres ordres religieux, tels les Franciscains et les Jésuites, ont eux-mêmes en Palestine, voire ailleurs dans le Proche-Orient, des maisons de recherche et détude où vivent et travaillent archéologues et philologues. Il faut saluer également le travail extrêmement qualifié que daucuns, clercs pour la plupart, ont mené dans le domaine des langues anciennes dites bibliques comme lhébreu et laraméen. LÉcole des langues orientales anciennes de lInstitut catholique de Paris doit être mentionnée en priorité. En Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis surtout, mais aussi dans les pays scandinaves et en Italie, bien des universités, soit institutionnellement soit par luvre de telle ou telle personnalité, entretiennent des recherches semblables. Les missions archéologiques anglo-saxonnes en Israël, par exemple en Galilée, ont été des plus dynamiques ces dix dernières années (on trouvera un état intéressant de la question dans : E. M. Meyers. « Galilean Regionalism : A Reappraisal », in W. S. Green dir., Approaches to Ancient Judaism, t. V, Atlanta, 1985).


Il convient dajouter que, depuis plusieurs décennies déjà, les archéologues et les philologues israéliens sont eux-mêmes des plus actifs, tant par leurs interventions sur le terrain que par leurs publications scientifiques. Pour partie, la connaissance du site de Qumran et des Manuscrits de la mer Morte et, pour totalité, celle du fameux rocher de Massada sont dues à des juifs dIsraël. Il est intéressant de noter encore lintérêt nouveau et spécifique que les juifs, comme tels cette fois, manifestent aujourdhui pour létude scientifique de la Bible hébraïque, et ce avec leurs choix et leurs accents propres. Daucuns parmi eux vont jusquà revendiquer des qualités particulières pour cette activité, voire, comme pour létude de lhébreu biblique, une véritable supériorité (on peut juger de tout cela par la lecture de louvrage : Judaic Perspectives on Ancient Israel, J. Neusner, B. A. Levine et E. S. Frerichs dir., Fortress Press, Philadelphie, 1987).


 3. Le débat méthodologique des années 1960-1970


La fin des années 1960 et les années 1970 ont été celles dune crise relativement grave qui toucha lapproche du texte biblique. La manière germanique et luthérienne de traiter celui-ci, laquelle, dans une longue histoire qui va de Gunkel pour lAncien Testament à Bultmann et à ses disciples pour le Nouveau, engendra successivement la Formgeschichtliche Methode et la Redaktionsgeschichtliche Methode, passa les frontières géographiques et confessionnelles. LÉglise catholique, en France, et jusquà Rome, entérina en effet, lentement mais profondément, les procédures de ces méthodes austères et savantes, largement instituées dans les universités doutre-Rhin. En dépit dhostilités parfois farouches, on les enseigna, dans les années 1960, quasi officiellement jusquà lInstitut biblique pontifical de Rome. Cest au même moment, en 1964 exactement, que le pape Paul VI intervint en personne, publiquement, et tança ceux qui résistaient encore à louverture des études bibliques à la science contemporaine. Dans ce contexte, contemporain voulait dire germanique.


Or on nallait pas tarder à mettre en cause cette source méthodique, et avec elle, pour une part, la trop grande exclusivité germanique dans létude des textes bibliques. Dans le sillage de Mai-68, le savoir exégétique fut immanquablement contesté, parfois radicalement, et avec lui le corps des érudits qui le contrôlaient et le transmettaient. Le commentaire comme voie exclusive daccès au sens biblique fut sérieusement mis en question. En France, la faculté de théologie des Jésuites de Lyon-Fourvière (aujourdhui le Centre Sèvres à Paris) y fut pour beaucoup. Un groupe de brillants étudiants gagnés à la linguistique saussurienne y mena loffensive. Un de leurs professeurs, léminent spécialiste de lAncien Testament P. Beauchamp, fut un temps leur complice : en 1969, il publia un livre marquant, Création et séparation, où il apparaissait impunément comme « exégète structuraliste ». Dans un séminaire parisien de lÉcole pratique des hautes études, au même moment, on recourait, pour létude des récits évangéliques, aux concepts et modèles de la Sémantique structurale que A. J. Greimas avait publiée en 1966 (voir la revue Langages, no 22, de juin 1971 et louvrage de C. Chabrol et L. Marin Le Récit évangélique, 1974). En septembre 1969, le congrès bisannuel, tenu à Chantilly et préparé par les jésuites lyonnais de lAssociation catholique française pour létude de la Bible (A.C.F.E.B.), allait mettre ces essais en lumière. Si, à cette date, la présence et les interventions dans cette assemblée du philosophe Paul Ricur ne pouvaient plus surprendre, la journée dont Roland Barthes fut la vedette savéra inconfortable pour nombre de participants. La postérité de ces recherches peut être aperçue dans lentreprise du bibliste allemand E. Güttgemanns animateur de la revue Linguistica biblica comme dans les travaux menés par le Centre pour lanalyse du discours religieux (Cadir), lié à lexcellent connaisseur du Nouveau Testament J. Delorme, qui a longtemps travaillé à Lyon dans lorbe du séminaire parisien du regretté A. J. Greimas et publie un cahier trimestriel, Sémiotique et Bible.


 4. Le champ diversifié des méthodes dapproche


La plus ancienne et la plus largement pratiquée des méthodes dapproche du texte de la Bible est dite volontiers « historico-critique » : elle est à la fois historique et scientifique, reposant sur la rencontre de diverses activités critiques.


Cette méthode comprend dabord la critique des sources : avec des antécédents plus anciens, celle-ci na vraiment pris forme quau XIXe siècle, avec notamment lhypothèse « documentaire » appliquée au Pentateuque et le problème synoptique propre aux Évangiles. On appelle source une unité littéraire ayant une existence antérieure à celle quon lui connaît dans le texte définitif où elle se retrouve. Dès lors, la critique des sources a pour but détablir si le texte étudié provient dun auteur unique ou sil a une histoire ou une préhistoire antérieure, dont il convient alors de reconstituer les étapes. Ici, on doit encore distinguer entre les textes possédant des parallèles au sein même de la Bible (par exemple : I Chroniques, XVII, 10-14, dun coté, et II Samuel, VII, 11-16, de lautre ; ou encore : Marc, XVI, 1-8 par rapport à Matthieu, XXVIII, 1-Cool et les textes nayant pas de correspondant interne (ainsi les livres du Pentateuque, où, selon la théorie dite documentaire, sintégreraient plusieurs « documents » désignés respectivement comme yahviste, élohiste, deutéronomiste et sacerdotal).


La méthode historico-critique se caractérise ensuite par la prise en compte critique des genres littéraires. Derrière les documents identifiés, on recherche les situations, les comportements, les usages et les intentions qui ont déterminé leur apparition, à tel moment, en tel lieu et surtout sous telle forme littéraire. Le genre littéraire désigne dès lors des unités textuelles ayant une forme commune, et lon parle tout naturellement de « critique des formes ». Lobjectif de cette démarche est double : lidentification de la forme en vue de déterminer le genre de lécrit (doù les formules germaniques : Formgeschichte, Gattungsgeschichte) ; lidentification de son milieu de vie (en allemand : Sitz im Leben), tout genre littéraire répondant à une situation spécifique.


Mais on peut parler de sources au sens plus large, presque analogiquement. Il existe en effet dans le Proche-Orient ancien, sagissant de lAncien Testament, et dans le monde hellénistique puis gréco-romain, par rapport aux derniers livres de lAncien Testament et à lensemble du Nouveau Testament, des documents que lon peut considérer comme plus ou moins voisins ou parallèles. Cest alors quintervient la démarche comparative. Des liens de parenté indéniables se repèrent fréquemment entre de nombreux textes anciens et les écrits bibliques (récits de naissance de héros ; récits de guérisons, etc.). On cherche à discerner ce que lon appelle les influences, littéraires principalement. Cette tâche, qui nécessite des connaissances très solides, tant linguistiques ou philologiques quhistoriques, et qui suppose en amont un vaste travail archéologique, constitue un élément dappoint de lexplication du texte biblique qui relève de lhistoire des religions (Religionsgeschichte).


Il existe une variante ou un prolongement de la critique des sources, tributaire de surcroît de la critique des genres littéraires, à savoir : l« histoire de la tradition » (en allemand : Über Lieferungsgeschichte ou Traditionsgeschichte). Par « tradition », on entend ici une information plus ou moins légendaire transmise de génération en génération. Les traditions (récits, dictons, chansons, poèmes, codes de lois, etc.) sont le reflet de la façon dont un peuple comprend, explique et même justifie son existence, et ce en fonction du système politique et social, culturel et religieux, qui est le sien. Il convient donc de décrire lévolution dune tradition depuis son origine, et dexpliquer les transformations dont elle a été lobjet dans lhistoire. On sintéresse dès lors tant à lévolution de la tradition quau processus et à lacte de sa transmission. On doit même atteindre si possible la phase orale, antérieure à la phase écrite. Cette activité propre à la méthode historico-critique a pour bénéfice de bien saisir la façon dont un groupe, en loccurrence, pour la Bible, Israël puis, pour le Nouveau Testament, la communauté chrétienne, se présentant sous le jour du Nouvel ou Vrai Israël, a su interpréter et réinterpréter son patrimoine propre, cest-à-dire ses institutions ; cela par rapport aux conditions concrètes de son existence et par rapport à lélaboration de textes nouveaux, destinés à enrichir, dans la ligne même des « lois ancestrales » mais sous des formes renouvelées ou transformées, le patrimoine institué.


Jusquici, la méthode historico-critique sintéressait surtout à lavant-texte plus quau texte. Cest ainsi que lon pense atteindre celui-ci dans sa visée centrale. Létude ou « critique de la rédaction » (en allemand : Redaktionsgeschichte), elle, va sattacher principalement et quasi exclusivement à la forme actuelle et dernière du texte biblique. Sur la base de lidentification éventuelle des sources, sa tâche consiste dans le repérage la plus large et précis possible des indices du travail propre de lauteur final, le « rédacteur ». Loin dêtre une simple compilation, ce travail apporte des éléments neufs que sont le fait et la manière, volontiers systématiques, pour la forme surtout, dont le rédacteur, dès lors auteur original, voire créateur authentique, opère sa propre synthèse. Cet aspect, le dernier venu dans lhistoire de la critique, de la méthode aujourdhui classique dite historico-critique, cherche à valoriser le texte considéré dans sa composition finale. Ce faisant, cest bien la théologie de lauteur, de tel auteur (pour les Évangiles par exemple, la théologie de lauteur Matthieu, différente de la théologie de lauteur Marc ou Luc, etc.), que lon veut saisir et mettre en perspective.


À côté de la vaste machine, aux contours dailleurs assez souples et aux thèses volontiers modifiables (ainsi de plus en plus la théorie dite documentaire du Pentateuque ; voir : P. Gibert, « Vers une intelligence nouvelle du Pentateuque », in Recherches de science religieuse, no 80, 1992), quest globalement la méthode historico-critique se sont mises en place aujourdhui dautres approches, pour lesquelles le texte commande la méthode, et non linverse.


Il faut mentionner dabord lanalyse sémiotique. Cest une méthode que lon peut dire synchronique, car se concentrant sur létude du texte biblique tel quil se donne à lire dans son état définitif et actuel. Depuis les années 1970, cette approche sest bien développée, en particulier dans les milieux français et francophones. Inspirée par la linguistique et directement déterminée par luvre de Greimas, elle cherche à mettre en relief larmature et le fonctionnement profonds et universels de la pensée et du langage. Elle a aujourdhui atteint quelque maturité, au point davoir su parfaire ses procédures en vue dune relation plus adéquate à son objet, le texte biblique, et à ce qui doit être lun de ses buts majeurs, la théologie biblique.


Conjointement à lanalyse sémiotique appliquée à la Bible est apparue, en milieu anglophone et surtout américain cette fois, une méthode assez voisine car cherchant à dégager la forme du contenu des textes lus comme totalité organique : la critique narrative. Celle-ci, dont les développements méthodologiques sappuient sur les concepts élaborés par les théoriciens de la narrativité, sattache à lanalyse des composantes dun récit et de sa gestion par la narration. Pour elle, la Bible est un ensemble de récits constituant autant de trames dune longue histoire patiemment racontée de la rencontre de Dieu avec les hommes (voir, entre autres : R. Alter. The Art of Biblical Narrative, New York, 1981 ; A. Berlin, Poetics and Interpretation of Biblical Narratives, Sheffield, 1983, et M. Stemberger, The Poetics of Biblical Narratives, Bloomington, 1985). Non sans risques sagissant de la Bible, qui est histoire, et non, à la différence des uvres littéraires, fiction, la critique narrative, issue du New Criticism (« nouvelle critique »), voit le texte comme un « miroir » réfléchissant un monde dans lequel le lecteur est invité à pénétrer (un exposé descriptif et de mise au point : J.-L. Ska, « La Nouvelle Critique et lexégèse anglo-saxonne », in Recherches de sciences religieuses, cit.).


 5. Le judaïsme ancien et les études bibliques


Une autre riposte à ce que lon peut considérer comme limpérialisme méthodologique allemand sagissant des études bibliques consiste dans les travaux et publications sur lhistoire sociale et littéraire du judaïsme ancien. Dune certaine façon, la Bible, le Nouveau Testament y compris, fait partie de cet univers ancien, dont elle est une pièce intimement solidaire.


Il faut noter la participation très large de la communauté scientifique internationale aux recherches et aux publications sur lhistoire juive allant du IIIe ou même IVe siècle avant J.-C. à lachèvement du Talmud, au VIe siècle après. Sont à souligner aussi : la dominante anglo-saxonne, les fortes montées espagnole et surtout italienne, la moindre représentation germanique et la modestie relative de la francophonie. Le nombre important des femmes contribuant à ces travaux est à signaler, ce qui nest pas, à plus dun titre, sans signification (quelques noms parmi bien dautres : Judith R. Baskin, Bernadette J. Brooten, Deborah Dimant, Marguerite Harl).


Aujourdhui, tous les secteurs socialement et littérairement constitutifs dudit judaïsme sont explorés. Cest là une chose nouvelle qui doit beaucoup à limpulsion donnée par les découvertes de Qumran. Or cinq secteurs méritent une attention particulière :


 Il y a dabord tout ce qui touche aux traductions araméennes de la Bible, ou targoums. Lintérêt des savants catholiques est très grand, ce qui est nouveau. LInstitut biblique pontifical, avec R. Le Déaut, à qui lon doit limpressionnante édition en traduction française du Targum du Pentateuque (5 vol., Le Cerf, Paris, 1978-1981), y est pour beaucoup. Grâce au défunt professeur Diéz Macho, nombre dEspagnols se sont mis fructueusement à la tâche.


Tenus pour suspects car trop glossateurs par rapport au texte biblique original et trop tardifs, les targoums avaient été laissés très longtemps de côté. Ils ont à présent droit de cité, et tout dabord comme composants, diversifiés certes, dune Bible araméenne véritable. Leur étude rejoint aussi nombre dautres investigations sur les traditions populaires des juifs anciens, par exemple les études sur le traitement des grands personnages bibliques (ainsi : Caïn et Abel, Noé, Seth, Melkisédeq, Élie, Hénoch, Job, Jéthro, Balaam) ou des images fameuses, le serpent dairain par exemple. Les targoums sont, de plus, dexcellents témoins de la société juive à une époque, dans une situation et dans un milieu donnés. Ils sont enfin lillustration de la dialectique écriture-tradition, propre à la Bible. De ce point de vue, leur étude relève de lexamen, dans lespace et dans le temps, de lAntiquité à nos jours, des lectures populaires et souvent fragmentaires de la Bible chez les juifs, et aussi chez les chrétiens. Le fait targoumique est de quelque façon un acte permanent, constitutivement lié à lhistoire de la Bible, dans sa relation au culte certes mais aussi à lenseignement, voire à la culture.


 Il existe un autre ensemble, très important quantitativement et qualitativement, duvres juives anciennes : les écrits dits pseudépigraphiques. On en prépare ou possède les éditions en dix pays différents, à savoir : le Danemark, lItalie, lAllemagne, la Grèce, le Japon, les Pays-Bas, lEspagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis. Le corpus des pseudépigraphes et leur appellation varient dune édition à lautre : « apocryphes » de lAncien Testament dans les pays latins comme lItalie et lEspagne, « écrits juifs de lépoque gréco-romaine » en Allemagne. En 1987, on a pu saluer la parution du recueil sélectionné par les chercheurs français dans la Bible de la Pléiade, sous le titre : Écrits intertestamentaires. (Lédition la plus complète à ce jour est anglaise, réalisée en deux volumes avec léminent Américain J. H. Charlesworth comme maître duvre, sous le titre The Old Testament Pseudepigrapha, Londres, 1983 et 1985.)


Il faut noter le développement étonnant des études en ce vaste domaine de lAntiquité juive. On a relevé, de 1976 à 1986, sept cent cinquante titres de publications nouvelles, avec deux cent soixante-quatre noms de chercheurs jusque-là inconnus. Jusquen 1950 environ, les biblistes ne se référaient à ces uvres que rarement, comme à des textes marginaux, estimés très inférieurs aux livres bibliques tant littérairement que sur le plan religieux. La non-canonicité semblait être un péché littéraire dont on se prévenait par la relégation. Mais tout a aujourdhui changé. On est en présence dune vaste bibliothèque où sont conservés de grands restes dune des plus exceptionnelles productions littéraires jamais connues dans lhistoire. Culturellement, la Bible en fait partie. Il est dès lors souhaitable quun jour on puisse reconnaître et homologuer ces immenses richesses à égalité avec les grands ensembles littéraires, antiques ou non, que nous honorons comme nos classiques.


 Nous retiendrons encore ce que lon appelle couramment la littérature rabbinique. Inaugurée par la Mishnah à la fin du IIe siècle de notre ère, elle comprend surtout les Talmuds et les Midrashim. Elle est énorme. Ici aussi, les choses ont grandement bougé. Le savant juif américain J. Neusner y est pour beaucoup : na-t-on pas parlé de Neusnerian Revolution ! Cet extraordinaire connaisseur de sa propre tradition ancienne na pas hésité à traiter la Mishnah et nombre de documents rabbiniques, et ce jusque dans la traduction quil en propose, avec loutil le plus affiné de la critique. Acte diconoclaste en quelque sorte, mais acte dhistorien dont le souci premier est de distinguer les formes et autres éléments constitutifs du texte, pour les classer et les situer dans le temps et si possible dans lespace. Dès lors, dans le commentaire apparaît la plus grande partie des faits sociaux, culturels et juridiques contemporains des artisans de la Mishnah. Par rapport aux études bibliques, lun des résultats marquants de ce travail critique est la mise en cause radicale du normative judaism institué surtout par louvrage de G. F. Moore, Judaism in the First Centuries of the Christian Era. The Age of Tannaim (3 vol., Cambridge, 1932) : instrument de référence quasi canonique pour les exégètes du Nouveau Testament durant plusieurs décennies, cette publication, prestigieuse sil en est encore aujourdhui chez la plupart des biblistes, a été décisivement détrônée par J. Neusner dans son grand ouvrage : Judaism. The Evidence of the Mishnah (Chicago, 1981). Les anachronismes nombreux de Moore sont à présent patents ; et est aberrante la projection sur la diversité complexe des mouvements et des enseignements juifs davant 70, dun modèle amplement discutable et de toute façon bien tardif. Un autre résultat du traitement critique des textes rabbiniques, cest la réhabilitation de ceux-ci, longtemps considérés comme sans valeur sur ce point comme sur dautres, comme sources véritables de lhistoire sociale et religieuse des juifs, davant et daprès 70 (on doit saluer ici la solide et exemplaire étude de M. Goodman). Il faut donner acte désormais aux chercheurs de léclatement ou du moins de la diversité de fait du judaïsme antérieur à la ruine du Temple. Ce qui est très important pour létude scientifique adéquate du Nouveau Testament et des origines chrétiennes. Le christianisme, en effet, ne peut plus être présenté impunément comme la dérive ou le développement dune secte juive par rapport à un système doctrinal prétendument unique et fondé sur une prétendue orthodoxie. Linterprétation des textes du Nouveau Testament dépend grandement des implications dun tel constat.

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptySam 4 Mai - 8:53

[...]suite et fin

 Les études bibliques, tant pour lAncien Testament que pour le Nouveau, ne peuvent omettre de souvrir aux recherches, très actives depuis une bonne dizaine dannées, sur la littérature mystique dite de la Merkabah. Jusquau début des années 1980, on ne connaissait guère que les publications de G. Scholem, auteur, entre autres, de Jewish Gnosticism. Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition (New York, 2e éd. 1965). Pour ce savant, à qui lon doit la formule « mystique de la Merkabah » (Merkabah mysticism), ladite littérature, appelée aussi par lui « gnose juive » (Jewish gnosticism), est, dans lhistoire juive et considérée dans la continuité dun courant quasi marginal, le pont significatif entre lapocalyptique ancienne, biblique et non biblique, et la kabbale. Sans que pour autant elle soit devenue totalement caduque, aujourdhui cette thèse se trouve, sur plusieurs de ses points majeurs, sérieusement nuancée pour ne pas dire modifiée. Connu grâce à dautres travaux significatifs sur le judaïsme ancien, le savant berlinois P. Schäfer simpose aujourdhui, avec un groupe dassistants et de disciples, comme le leader véritable. On lui doit la publication des textes des Hékhalot sous la forme dune Synopse, celle des fragments de la Guénizah, et des traductions de plus en plus nombreuses.

Les études récentes ont signalé des traces de la Merkabah tant dans les textes juifs prérabbiniques que dans la littérature rabbinique elle-même. Le chapitre XIV du Premier Livre dHénoch est, après le premier chapitre du livre dÉzéchiel, le témoin littéraire le plus ancien, dès le IIIe siècle avant J.-C. Un siècle plus tard au moins, nous trouvons le « songe de Moïse », une vingtaine de vers de la fameuse Exagôgè, pièce dramatique sur lExode, du poète juif dAlexandrie connu sous le nom dÉzéchiel le Tragique. Un autre jalon se rencontre dans les textes de Qumram ; avec la description dune liturgie céleste dont le « Trône du Char » est limage centrale (dans le fragment 1QS1 40, XXIV, 2-9, publié dans La Bible. Écrits intertestamentaires, La Pléiade, Paris, 1987).

La période de lhistoire juive dite talmudique et surtout celle qui la suit immédiatement ont vu la compilation dune sorte de corpus assez peu organique douvrages appelés Hékhalot (« Palais »). Ce que lon appelle la « mystique de la Merkabah » sy trouve recueillie. Or, ces dernières années, la question de la nature exacte des liens de ces écrits avec le rabbinisme ancien a été réexaminée sur la base dune étude exhaustive et renouvelée des textes eux-mêmes. On na plus tendance à marginaliser la littérature mystique, pas plus dailleurs quon ne marginalise les uvres apocalyptiques. Il sagit bien dun élément authentique du judaïsme. Authentique certes, mais non moins original et spécifique de par son idéologie, qui fait de lui un mouvement foncièrement polémique au sein même de la communauté et de lenseignement juifs, où lidéal rabbinique dominait largement. Les Hékhalot, semble-t-il, émanent dun milieu d« élus », dune élite de juifs contemplatifs qui, envers et contre tout, et malgré leur volonté de négliger toute médiation, y compris pour la connaissance de la Torah, conservaient néanmoins leur place au sein du judaïsme. Dans son étape la plus ancienne, cette littérature ne peut que prendre en compte tels ou tels textes volontiers homologués comme apocalyptiques, dans le corpus biblique, avec, par exemple, Ézéchiel, certains passages des lettres de Paul de Tarse (ainsi : II Corinthiens, XII, 1-4, où lauteur fait allusion à son enlèvement au paradis, texte proche du fameux récit rabbini que de lentrée au pardès de quatre rabbins célèbres) et lApocalypse de Jean.

 Sagissant toujours de lévolution du champ scientifique des études sur le judaïsme ancien en tant quelles intéressent lapproche de la Bible et du milieu biblique, il faut mentionner en dernier lieu le rôle grandissant des sources et disciplines dites non littéraires, particulièrement larchéologie. Ces sources ont connu assez récemment une vraie victoire sur les sources littéraires, quelles ont un temps quasi détrônées. Ainsi, les textes du Nouveau Testament, et dautres non canoniques comme les uvres de Philon et surtout de Josèphe, furent très longtemps considérés comme sources historiques principales sinon exclusives, les sources non littéraires ne servant guère que dinformation dappoint ou délément de vérification. La situation a changé ; le temps de la revanche passé, léquilibre a pu sinstaurer progressivement entre ces voix différentes, mises vraiment en relation car traitées comme adultes et autonomes. Cela se vérifie par exemple dans létude des Évangiles : la redécouverte, cette dernière décennie, de la Galilée au temps de Jésus est redevable à la fois au travail des archéologues, aux données socio-administratives et économiques des Évangiles de nouveau prises au sérieux, ainsi quaux informations des écrits rabbiniques elles-mêmes, reçues comme témoins véritables de la société juive contemporaine. Le réseau déchanges économiques et celui, connexe, des communications tant financières que culturelles peuvent être aujourdhui reconstitués et décrits. Il sensuit que la Galilée de Jésus, à la différence de ce que lon a longtemps avancé, dE. Renan (Vie de Jésus, 13e éd., Paris, 1864) à G. Vermes (Jésus le juif, trad. fr., Paris, 1978), ne doit plus être présentée comme étant celle des champs, opposée à celle des villes. Quant à la distinction faite par Bultmann, à lintérieur des Évangiles synoptiques, entre traditions ou couches palestiniennes et traditions ou couches hellénistiques, elle na plus de support scientifique ni, dès lors, de raison dêtre. Dailleurs, la désignation dun judaïsme hellénistique comme différent dun judaïsme palestinien ne subsiste plus que dans les programmes et les conventions académiques.

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MessageSujet: Re: Bible juive, puis catholique, puis protestante   Bible juive, puis catholique, puis protestante - Page 2 EmptySam 4 Mai - 8:57

JÉRÔME (SAINT) 347 environ  419-420 : le saint patron des traducteurs

Prise de vue

Après Ambroise de Milan ( 397), avant Grégoire le Grand (VIe s.), et avec son contemporain (et correspondant) Augustin, Jérôme appartient à ce « quatuor » des Pères latins, qui se sont vu conférer par excellence le titre de docteurs de lÉglise. Seul dentre eux, il navait été ni évêque ni pape. Lexception a valeur dindice. De même la très riche tradition manuscrite et iconographique qui illustre la stature de lascète et du moine, et perpétue son renom dintransigeante orthodoxie et de considérable érudition. La Vulgate, surtout, cette Bible latine dont Jérôme établit lAncien Testament daprès lhébreu et qui, vers le VIIe siècle, simposera (sauf le Psautier) à tout lOccident, est, malgré le relatif effacement qui échoit au traducteur, un formidable monument à sa gloire. Mais luvre entière de Jérôme (il faudrait prolonger à cet égard les intuitions de E. R. Curtius) occupe une position clé dans la transmission de la culture que le Moyen Âge héritera de lAntiquité. Ce rôle médiateur à la charnière de deux époques  il voit Rome envahie par les Barbares en 410  redouble la jonction quaura opérée toute sa vie entre Orient et Occident : outre les voyages et les échanges épistolaires qui la scandent, les fonctions de traducteur et de commentateur  transferts de langue à langue et de culture à culture  y occupent une place remarquable.



1. Du premier au second départ pour lOrient : transits

Né aux confins de la Dalmatie vers 347 (vers 331 selon certains), ce fils dune famille aisée, chrétienne et provinciale, monte à Rome pour ses études (auprès, notamment, du fameux grammairien Donat), puis à Trèves (où il escompte peut-être une carrière à la cour impériale). Mais, bientôt rentré en Italie du Nord, il est impressionné par la ferveur des clercs dAquilée. Là, comme à Trèves, on se souvenait dAthanase, le champion exilé de la cause antiarienne, lauteur dune très vite célèbre Vie dAntoine (lermite égyptien), archétype de la littérature hagiographique ultérieure (et Jérôme y contribuera par ses Vies de Paul, de Malc et dHilarion). LÉgypte, berceau du monachisme, fascinait alors  avec les Lieux saints  les chrétiens dOccident. Vers 372, Jérôme part pour lOrient. Malade à Antioche, il décide de se retirer au désert voisin de Chalcis, peuplé de nombreux ascètes. Lexpérience tourne court assez vite, les relations sétant gâtées entre le Latin, amateur de livres, qui se piquait dapprendre lhébreu, et les moines autochtones dont linculture et les dissensions lexcédaient. Jérôme regagne donc les villes. À Antioche, puis à Constantinople, il parachève sa formation exégétique auprès dApollinaire de Laodicée et surtout de Grégoire de Nazianze, et il traduit du grec des homélies dOrigène et la Chronique dEusèbe de Césarée. En 382, le concile convoqué à Rome le ramène en Occident dans la suite des évêques dAntioche (où il avait été ordonné) et de Salamine. Apprécié comme interprète et expert, il reste à Rome, promu conseiller du pape Damase (ce qui lui vaut  anachronisme de liconographie  dêtre souvent représenté en cardinal). Reçu dans laristocratie, il devient le guide spirituel et intellectuel de plusieurs dames (Marcella, Paula...). Pour elles et pour Damase, il multiplie les exposés sur lexégèse et sur lascèse (notamment dans la fameuse lettre XXII à Eustochium, traité sur la virginité, où Jérôme illustre par le récit dun songe son cas de conscience de chrétien séduit par la culture profane) ; il traduit les Pères grecs (Origène, Didyme) ; il révise le texte latin des Évangiles et des Psaumes. Mais, observateur aigu, il profite aussi de sa position pour sériger en censeur des murs romaines. À la mort de Damase (fin 384), on se coalise pour dénoncer la dureté de ses exigences ascétiques  lui dont les relations féminines faisaient jaser  et la nouveauté de ses travaux bibliques. Sa disgrâce fut consommée lors dun procès ecclésiastique. À lété 385, il dut partir. Transformant cet exil en pèlerinage, il sembarqua à nouveau pour lOrient.

2. Savant et moine à Bethléem

Par Chypre et Antioche  escales qui lui donnent de renouer avec les évêques suivis à Rome en 382 , il gagne Jérusalem, où il retrouve Rufin dAquilée, un condisciple et ami intime de naguère, qui y avait fondé et y dirigeait avec la Romaine Mélanie deux couvents latins. Jérôme, quavait rejoint Paula, finit par faire de même, mais à Bethléem. Entre autres charges (direction des moines, gestion dune hôtellerie pour les pèlerins, instruction denfants  dans une sorte décole monastique ?...), il y poursuit, infatigable, ses travaux décrivain, à la requête et avec le soutien damis dItalie. Il continue dentretenir une vaste correspondance (près de cent vingt lettres subsisteront de lui, allant du simple billet jusquà damples traités). Pionnier, à cet égard, parmi les Latins, il dresse en cent trente-cinq notices, sous un titre repris de Suétone (Des hommes illustres), le bilan de quatre siècles de littérature chrétienne (sinspirant dEusèbe pour les auteurs grecs). DOrigène, il traduit de nouvelles homélies, et il lexploite abondamment, avec dautres Pères grecs, pour commenter saint Paul, lEcclésiaste, plus tard tout le corpus des Prophètes, ainsi que saint Matthieu. Il se remet aussi à réviser sur le grec la Bible latine. Mais les Hexaples dOrigène (donnant en parallèle sur six colonnes les diverses versions de lAncien Testament), quil consulte dans cette intention à la riche bibliothèque de Césarée, vont raviver son intérêt pour lhébreu et donner corps à laudacieux projet dune nouvelle traduction de lAncien Testament conforme à lauthenticité de la langue originale. Cet idéal de la veritas hebraica visait moins à disqualifier lancienne Vulgate quà permettre aux chrétiens de défendre face aux juifs les titres messianiques du Christ. Mené sur quelque quinze années, cet immense travail se heurtera à beaucoup de défiance : Jérôme ne cesse de se justifier contre ceux (et non des moindres : Rufin, Augustin...) qui y voyaient plutôt une dangereuse concession faite aux juifs (reconnus détenteurs dune vérité du texte) et une troublante innovation (risquant de discréditer la version traditionnelle aux yeux du peuple chrétien).

Progressiste sur ce plan, Jérôme défend simultanément des positions conservatrices sur dautres fronts. Champion de lascétisme chrétien, il avait, en 383, réfuté Helvidius, qui niait la virginité perpétuelle de Marie. Dix ans plus tard, au laxisme de Jovinien, qui, à Rome toujours, avait en somme pris le relais en rabaissant les mérites du célibat et du jeûne, Jérôme opposa, de Bethléem, un rigorisme à tous crins (qui dailleurs fit scandale). En deux livres pétris de rhétorique et bourrés de références tant païennes (Sénèque, Pline, et même l« impie » Porphyre étaient enrôlés) que chrétiennes, il entendait balayer la « vomissure » adverse, donnant la pleine mesure dun talent de polémiste digne de la grande tradition satirique latine. Et quand, plus tard, Vigilance sen prendra au culte des martyrs et à tels usages monastiques, il se verra à son tour éreinter rudement. Autrement redoutable, la longue controverse dite « origéniste » (393-402) allait opposer Jérôme, en Palestine et à Rome, à des adversaires (Jean et Rufin) de bien plus grande envergure. Depuis longtemps grand admirateur dOrigène  cet exégète alexandrin du IIIe siècle, quil avait appris à apprécier en Orient à lécole de Grégoire de Nazianze et de Didyme et quil avait vu exploiter par des prédécesseurs occidentaux comme Victorin, Hilaire, Ambroise , Jérôme lavait, à Antioche, à Constantinople, à Rome, non seulement traduit, mais loué sans restriction. À Bethléem, ses travaux bibliques emboîtent le pas à ceux dOrigène, dont lexégèse nourrit  et jusquau décalque pur et simple  les commentaires de Jérôme. Celui-ci, cependant, sétait lié avec Épiphane. Lévêque de Salamine, antiorigéniste forcené, déclencha en 393 une campagne inquisitoriale en Palestine contre lévêque Jean de Jérusalem (et son prêtre Rufin). Sommé de se prononcer, Jérôme, qui ne supportait pas de voir son orthodoxie suspectée, ni son goût pour Origène pris pour gage dun arianisme larvé (ainsi quÉpiphane y était enclin), ne put rester en paix à la fois avec Jean et avec Épiphane. Excommunié par le premier, il faillit même être expulsé du pays (395). Mais une réconciliation intervint (397), qui nempêcha pas Jérôme dexpédier à Rome son pamphlet Contre Jean. De retour en Italie, Rufin traduisit alors dOrigène le Traité des principes, se donnant, non sans malice, pour fidèle continuateur de Jérôme. Averti par le parti antiorigéniste de Rome quil était compromis, celui-ci retraduisit le traité de façon à y souligner les « hérésies » édulcorées par Rufin. Finalement, Jérôme et Rufin consommèrent leur rupture en échangeant de virulentes « apologies » (mais ils nen continuèrent pas moins à puiser, implicitement pour le premier  comme commentateur , explicitement pour le second  comme traducteur , dans luvre, décidément irremplaçable, dOrigène). Dans le même temps, Jérôme servait la propagande du patriarche dAlexandrie, devenu ladversaire brutal des moines antiorigénistes dÉgypte, en traduisant en latin ses réquisitoires contre leurs « hérésies ».

Par-delà cette période scabreuse où Jérôme fait, peu glorieusement, figure de combattant pris entre deux feux, les dernières années furent sombres : nouvelles controverses (contre Vigilance, en 404-406 ; contre les pélagiens, en 414-415, Jérôme faisant, pour lors, cause commune avec Augustin pour attaquer lexcessive confiance faite à la nature humaine) ; deuils successifs de disciples que Jérôme vieillissant salue par des panégyriques funèbres (notamment la lettre CVIII, en 404, pour la mort de Paula) ; menaces dinvasions barbares (doù lafflux, à Bethléem, de réfugiés) ; incendie des monastères (peut-être par représailles de la part de pélagiens). Jusquà sa mort cependant (419 ou 420), Jérôme fait face, poursuivant ses travaux et répondant aux lettres qui nauront cessé de lui parvenir, dItalie, de Gaule, dAfrique.

3. Enjeux et images

« Lu dans le monde entier », « incomparable en toutes sciences », « tout entier dans les livres », et « ne se reposant ni jour ni nuit », tel apparaît Jérôme aux yeux dun contemporain (Postumianus, cité par Sulpice Sévère). Mais dautres avaient été moins flatteurs, comme Pallade, dénonçant dans lHistoire lausiaque son « esprit de dénigrement ». Ambivalence révélatrice dun tempérament dont la riche sensibilité, souvent traduite en une langue superbe de vigueur incisive, de mouvement coloré, defficacité rhétorique (son style « brille comme lébène », disait Joubert), est portée à des élans contrastés, au service du double idéal assigné avec intransigeance à soi-même et aux autres : « la lutte contre la nature et la passion de la culture » (J. Fontaine) ; cest bien autour de ces deux pôles, ascétique et intellectuel, que se seront organisées tenacement la vie et luvre de Jérôme. Non sans conflits, relatifs notamment à lélucidation des rapports entre technique littéraire et orthodoxie religieuse, entre esthétique profane et éthique chrétienne, ainsi quà laffrontement de cette triple altérité que représentaient pour un chrétien latin de ce temps une culture païenne aux séductions suspectes (Cicéron, Virgile, Horace  que Rufin accuse Jérôme de citer « à chaque page »), une tradition grecque riche mais controversée (Origène) et des Écritures juives fascinantes dêtre à la fois comme telles irrecevables et cependant incontournables. Questions de fond, et qui débordent de beaucoup les aléas dune psychologie individuelle, même si lacharnement combatif dont Jérôme aura fait preuve en vrai « chien de garde »  limage est de lui  de lorthodoxie romaine (et nicéenne, par-delà la crise arienne) peut aussi, chez cet homme longtemps voué à litinérance et toujours anxieux de conjurer par lécriture une instabilité menaçante (celle que toute hérésie représente à ses yeux), sinterpréter en termes de besoin didentification à linstance de vérité. Lui-même disait sans fard « avoir mis tout en uvre pour faire des ennemis de lÉglise ses propres ennemis ».

Sil na certes brillé ni par loriginalité créatrice ni par la vigueur spéculative qui distinguent entre autres un Origène ou un Augustin, Jérôme aura su être à la hauteur des ambitions proprement encyclopédiques qui lanimaient et qui répondaient à des besoins bien réels de ses contemporains (ses uvres se présentent dailleurs quasi toutes comme « de commande »). En témoigne la gamme très large des registres quil aura pratiqués : épistolaire, polémique, exégétique, hagiographique, homilétique, historiographique (et avec toutes les variations et interférences dont ils sont susceptibles), ainsi que le volume considérable de sa production littéraire. Inégale sans doute (de hâtives compilations y voisinent avec les morceaux dapparat les plus sophistiqués), celle-ci vaut jusquen ses aspects les moins « personnels ». Cest, en effet, la loi du commentaire et plus encore de la traduction que de se subordonner aux originaux à transmettre, de conjuguer appropriation et effacement du propre. En se consacrant par priorité à de telles tâches, Jérôme répondait aux urgences dun temps où la possession dune triple culture latine, grecque et hébraïque constituait un privilège rarissime et où commençaient à se distendre pour longtemps les liens entre Orient et Occident. Cest à lui notamment (ainsi quà son ex-ami Rufin) quon devra  et la dette est considérable  davoir prévenu la perte dune part majeure du corpus origénien.

La postérité ne sy trompera pas, quitte à idéaliser quelque peu la figure de Jérôme et à en gommer les outrances. « Les disputes qui ont tenu tant de place dans [sa] vie [...] sont devenues avec le temps les tribulations du saint Docteur », notait Valery Larbaud. Il faut attendre les Mémoires de Tillemont, à lorée du XVIIIe siècle, pour que la déférence envers le saint nempêche plus de souligner les « quelques défauts [...] mêlés parmi ses grandes vertus ». Liconographie, rituel de représentation édifiante, ignorera toujours en lui le polémiste (la violence y apparaît bien plutôt domptée par Jérôme, sous la figure dun lion, héritée en fait  confusion des noms  de la légende de saint Gérasime). Celui quelle exalte tour à tour, cest lermite pénitent, le savant penché sur ses livres, le dévot de la Nativité, lhomme dÉglise (signifié par les attributs de cardinal). Stéréotypes certes, mais dont le jeu combine judicieusement fonctions exemplaires (lascète et le docteur) et lieux symboliques (Bethléem et Rome, « villes saintes » de lIncarnation et de lÉglise). Lensemble dessine une véritable topique, dont les catégories stables donnent lieu à des réalisations changeantes et à de significatifs déplacements daccent selon les époques et les artistes. Ainsi la Renaissance paraît marquer une prédilection pour lhomme détudes, faisant implicitement du savant trilingue le patron des humanistes (tels, entre cent, certains Jérôme dAntonello de Messine, de Dürer, de Cranach lAncien), alors que des esthétiques plus tardives  maniériste, luministe, baroque ou autres  se complairont, semble-t-il, davantage dans lévocation des affres du pénitent ou des fastes du supposé cardinal (par exemple, chez Titien, Greco, Caravage, Bernin...). Il faudrait nuancer infiniment (divers Jérôme se rencontrant souvent dans luvre dun même artiste). Reste que des inflexions analogues seraient repérables dans les regards variés portés au cours des temps sur Jérôme par des humanistes, théologiens, historiens. Du XVIe au XXe siècle, notamment, il est frappant de voir les travaux et réflexions à son sujet refléter les visées apologétiques ou polémiques de leurs auteurs, selon quils sont catholiques ou protestants. Pour ne marquer que quelques repères aux extrêmes de cette période, il y a loin du Jérôme idéal que porte aux nues un Érasme, son éditeur et biographe passionné, à celui  trop « romain » ?  que méprise un Luther (dont la Bible allemande ne se laisse pourtant comparer quà la Vulgate pour la performance littéraire et pour lévénement culturel quelle aura constitués) ; et des infléchissements dus au clivage confessionnel demeurent encore discrètement perceptibles au XXe siècle, dans les interprétations plus ou moins sympathiques à Jérôme dun père Cavallera, dun chanoine Bardy, ou dun abbé Steinmann, dune part, dun Grützmacher ou dun Hagendahl, dautre part. Lhistoire des représentations données de Jérôme et des influences quil aura exercées au fil des âges serait, à coup sûr, révélatrice.

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