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| La mise par écrit des évangiles | |
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undesdouze
Messages : 959 Date d'inscription : 06/04/2019
| Sujet: La mise par écrit des évangiles Ven 18 Nov - 16:54 | |
| MISE PAR ECRIT DES EVANGILES d’après Pierre Perrier et les Pères orientaux« Les Apôtres furent poussés à écrire lorsque la persécution les fit quitter leurs communautés (résumé du texte précédant la citation d’Eusèbe) : « Ainsi Matthieu parmi les Hébreux produisit au dehors aussi dans leur propre dialecte un texte écrit d’Evangile, Pierre et Paul étant en train parmi les Romains d’évangéliser et de fonder l’Ecclesia. Et après le départ en exil de ceux-ci, Marc, le disciple et traducteur de Pierre, lui aussi nous transmit une mise en écrit de ce qu’était en train de prêcher Pierre. Et Luc aussi l’accompagnateur de Paul établit dans un manuscrit l’Evangile qu’était en train de prêcher Paul. Après Jean... aussi livra au delà de son entourage un texte... » 1EVANGILE SELON MATTHIEU (en 37 après J.C.)« C’est en 37 que Matthieu fait mettre par écrit la forme orale qu’il a développée pour célébrer le cycle catéchétique-liturgique. C’est un texte qu’il a lui-même recueilli et ordré à partir des Mémoires des Apôtres. En tant que lévite, il éprouve le besoin de disposer d’un texte de référence. On peut donc considérer cette année comme une date charnière dans l’histoire de l’Eglise. Elle correspond au moment où les persécutions contraignent l’apôtre à quitter Jérusalem et où l’Eglise va commencer sa marche vers le monde païen. Grâce à des copies, le texte écrit de l’Evangile selon saint Matthieu va servir d’outil pour l’enseignement aux communautés juives de la diaspora et pour les célébrations liturgiques de leurs synagogues. Il restera d’ailleurs le texte commun de toutes les liturgies orientales qui parfois iront jusqu’à ignorer complètement le texte de Marc. » 2Textes patristiques« Matthieu a une autre habitude dans son annonce : lorsqu’il met dans son ordrage les paroles de Jésus, il les met « vives », sans rien ajouter venant de lui-même. » (Théodore Bar Koni, Scholies, V).« Matthieu a mis par écrit son annonce après la mort d’Etienne quand les fidèles ont vu que les Apôtres allaient être séparés d’eux. Ils ont demandé à Matthieu que tout ce que le Seigneur avait fait et dit leur soit transmis par écrit. Mais il n’a pas fait la mise par écrit de sa Karozoutha en suivant ce que le Seigneur avait dit et fait mais selon un autre plan, celui de donner son enseignement par cœur : l’ordrage qu’il s’est choisi l’a été en vue de donner un tissage solide à cet enseignement. Ainsi n’a-t-il pas utilisé ses éléments dans l’ordre selon lequel le Seigneur avait parlé ou agi : il n’a pas mis au début ce qui s’est passé au début ni à la fin ce qui s’est passé à la fin, mais il a choisi un autre façon d’ordrer. » (Théodore Bar Koni, Scholies, VII).« Matthieu mit sous forme ordrée les paroles du Seigneur dans la langue des Hébreux » (Papias cité par Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique., 3, 39, 16).« Matthieu l’évangéliste a dicté son Evangile, sept ans après l’Ascension du Seigneur à Antioche en langue des Hébreux . » (Abdisho Bar Briha, Marganitha).« Matthieu se mit à réciter son Evangile pour le publier sept ans après l’Ascension à Antioche. » (Ischo Dad, morceaux choisis).« Matthieu a dicté son Evangile dans la langue parlée par les Hébreux pendant qu’il résidait à Antioche. » (manuscrit de Mardin).« Matthieu en effet prêcha d’abord aux Hébreux. Comme il devait aussi aller vers d’autres, il livra à l’écrit dans la langue de ses pères son Evangile comme aide pendant son absence pour ceux dont il s’éloignait. » (Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, 3, 24, 3).« On peut déduire de ces traditions très cohérentes et complémentaires que Matthieu à Antioche, dicta à un secrétaire sa Karozoutha alors qu’il résidait dans cette ville après sa fuite de Jérusalem en 37 ; que ce texte était en araméen et en scription de Jérusalem (l’écriture de l’araméen de référence des Hébreux, cf. Origène, commentaire sur Matthieu rapporté par Eusèbe H.E. 6, 23, 3 : « qui a été ordré pour ceux convertis du judaïsme à la foi et écrit en lettres hébraïques »). 3 « Matthieu mit sous forme ordrée les paroles du Seigneur en dialecte hébraïque et chacun en fit la traduction comme il pouvait. » (Papias cité par Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, 3, 39, 16). « Ce qui signifie qu’il n’y avait pas de traduction officielle en grec mais que, selon la tradition judéenne rigoureuse les targumim (ici en grec) étaient une tradition orale libre mais interdite d’écriture de référence puisque seul le texte araméen faisait foi. » 4 EVANGILE SELON MARC (45 après J.C.)« C’est seulement quand l’« enseigneur » s’en va qu’un texte de référence devient nécessaire. Et c’est ce qui se passe en 45, quand Pierre et Marc quittent Rome. Les chevaliers qui ont accueilli l’Evangile demandent alors à Marc de leur laisser un témoignage écrit de ce qu’ils ont appris. N’étant pas de culture orale, ne connaissant pas l’araméen, ils ont peur d’en perdre une partie et souhaitent disposer d’une bonne traduction. Or, à la fin du cycle de trois ans qui s’est déroulé de 42 à 45, il existe à Rome deux textes fixés : l’un est un récitatif araméen bien ordré qui va servir de référence à Marc ; l’autre est le premier targum grec bien construit. C’est ce dernier texte qui fait l’objet d’une demande singulière de la part des chevaliers romains. En bons lettrés appartenant à une civilisation de l’écrit, ils désirent que chacun d’entre eux puisse en conserver une copie. La réponse que fait Pierre à cette requête mérite d’être examinée attentivement. Bien qu’il se soit efforcé d’initier les Romains à l’oralité, le chef de l’Eglise sait bien que les gens auxquels il a affaire sont loin de pouvoir mémoriser la Parole comme le font les habitants de la Palestine. Néanmoins, il refuse de céder à la facilité d’une inculturation sans mémoire qui serait en fait une déculturation religieuse. Il ne veut pas que l’Evangile soit transformé en un texte coulant, à lire en grec, et écrit à la manière des littérateurs. Il préfère que l’on produise un texte qui ait le statut d’un targum. Ainsi a-t-il accepté la publication d’une traduction grecque mot à mot qui est le décalque d’un récitatif de référence « traditionné » oralement et en araméen. Il obtient ainsi un document qui reproduit l’original araméen, mot à mot et en mauvais grec, mais qui conserve avec soin tous les « trucs » oraux qui permettent la mémorisation et l’enchaînement des perles. » 5 Textes patristiques « D’après une tradition le Seigneur ordonna à ses Apôtres de ne pas s’éloigner de Jérusalem pendant douze ans. » (Appolonius, cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 18, 14).« Le Seigneur prescrit à ses Apôtres de se disperser après douze ans d’apostolat à Jérusalem. » (Clément d’Alexandrie, VII, 5-43).« Marc l’Evangéliste a dicté son « Evangelion » quinze ans après l’Ascension du Seigneur à Rome en langue des Romains. » (Abdisho Bar Briha, Marganitha).« Marc l’Evangéliste à dicté son Evangile à Rome, quinze ans après l’Ascension du Seigneur en langue de l’empire romain. » (Ischo Dad, morceaux choisis).« Par contre l’éclat de la piété brilla tellement dans l’esprit des auditeurs de Pierre qu’ils ne tinrent pas pour suffisant de l’avoir entendu une fois pour toutes, ni d’avoir reçu l’enseignement oral du message divin, mais que, par toutes sortes d’instances, ils supplièrent Marc, par lequel l’Evangile leur était parvenu et qui était le collaborateur de Pierre, de leur laisser son mémorial écrit de l’enseignement qui leur avait été transmis oralement : ils ne cessèrent pas leur demande avant d’avoir contraint Marc et ainsi ils furent cause de la mise par écrit de l’Evangile appelé « selon saint Marc ». L’Apôtre, dit-on, connut cela par une révélation de l’Esprit : ils se réjouit du désir de ces hommes et il confirma le livre pour la proclamation dans les assemblées. » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, n, 15-1).« Pierre annonçait la Parole publiquement à Rome et proférait l’Evangile sous l’inspiration de l’Esprit. Ceux qui étaient présents, et ils étaient nombreux, demandèrent à Marc, vu qu’il l’accompagnait depuis longtemps et savait par cœur les choses dites, de les mettre par écrit. Il le fit et donna « l’Evangelion » à ceux qui le demandaient. Ce qu’ayant appris, Pierre ne fit rien pour empêcher ni pour pousser ce projet. » (Clément d’Alexandrie, cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique,III).« Marc était l’interprète de Pierre, ainsi fixa-t-il par écrit sa traduction (en grec) exactement, mais il ne fit pas un ordrage de tout ce qu’on disait avoir été soit prononcé, soit fait par le Seigneur. Il n’avait pas été avec le Seigneur ni n’avait pu le suivre, aussi plus tard le reçut-il de Pierre comme je l’ai dit. Or, celui-ci donnait ses catéchèses selon les besoins mais sans faire un enchaînement des paroles du Seigneur. Ainsi Marc n’a pas fait d’erreur en mettant par écrit comme il se souvenait. Il n’a eu en effet qu’un seul dessein, celui de ne rien laisser de côté de ce qu’il avait entendu, sans se tromper sur le contenu de ce qu’il rapportait. » (Jean le Presbyte, cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique,III, 39-15).« Alors Pierre entra dans le triclinium et vit qu’on lisait l’Evangile. Il le réenroula et dit : « Hommes qui croyez et espérez dans le Christ, sachez comme la Sainte Ecriture de Notre Seigneur doit être proclamée. Ce que, par sa grâce, nous avons assimilé, bien que cela nous paraisse « encore faible », nous l’avons fait mettre par écrit selon nos forces. » (Actes de Pierre, 20).EVANGILE SELON LUC (Pentecôte 55 au plus tard) « On peut ainsi dater le texte final araméen avant 55 environ et le texte grec de référence avant son départ en 60. » 6 « La composition finale du texte de Luc s’est ainsi faite de façon coordonnée. Elle utilise le schéma de Pierre en le recentrant à partir de la mémoire de Jean et de celle d’autres témoins comme Simon d’Emmaüs et Zachée. En considérant la biographie de ces compilateurs, il n’est pas possible de la dater postérieurement à 54-55. C’est probablement à la Pentecôte 55, au plus tard, qu’elle a pu être approuvée par l’Eglise de Jérusalem. Bien entendu, la plupart des récitatifs qui la composent existaient déjà avant cette date. Ils étaient cohérents avec les textes de Jean et assez proches de ceux de Matthieu. Pour construire sa propre catéchèse, Paul avait mis les perles reçues d’Ananie dans un ordre dont la structure très solide devait trahir sa formation pharisienne. Cet ordre constitue la base de l’Evangile de Luc dont le travail a surtout consisté à recueillir, à vérifier et à compléter les récitatifs. On peut en effet restituer avec une forte certitude un « Evangile de Paul » qui a la forme d’un collier à pendentifs. C’est sans doute à Antioche que s’est faite la mise en forme définitive du texte de Luc. Plus que les autres Evangiles, il exprime la nature féminine de l’Eglise et présente la Vierge comme sa figure parfaite. L’apôtre y peint de Marie un portrait oral qui utilise les matériaux d’une tradition qu’elle a elle-même laissée. Soucieux de mettre par écrit et de transmettre fidèlement les témoignages approuvés par Jean, Luc procède à un tissage oral qui est très caractéristique du monde judéo-chrétien et n’est pas sans rappeler la fabrication des tissus égyptiens où le jeu du tisserand fait apparaître la peinture d’un visage. Luc compose ainsi un portrait exact, avec écrit de référence, qui présente la Sainte Vierge en filigrane comme centre et mémoire vivante de l’Eglise. » 7Certains textes patristiques parlent, en effet, d’une première mise par écrit quinze ans après l’Ascension, sans préciser dans quelle langue, et d’autres trente ans après l’Ascension, en précisant qu’il s’agit de la langue grecque. On peut donc penser que la première mise par écrit concerne la langue araméenne. On peut remarquer au passage que les textes affirment que Luc a écrit la version araméenne mais qu’il a dicté la version grecque.Textes patristiques « Luc a écrit la quinzième année après l’Ascension de notre Seigneur. » (codex géorgien 19). « Luc l’évangéliste a dicté son Evangile en langue des Grecs trente ans après l’Ascension du Seigneur. » (Isho Dad, morceaux choisis). « Luc l’évangéliste a dicté son Evangile trente ans après l’Ascension du Seigneur à Alexandrie en langue des Grecs. » (Abdisho bar Briha). D’autres textes précisent que l’Evangile de Luc est celui de Paul : « On dit que Paul a continué de rappeler l’Evangile selon Luc toutes les fois qu’il écrit comme s’il parlait d’un Evangile qui lui est propre : selon mon Evangile. » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, 2, 7). « Quand Paul dit « l’Evangile que je proclame au milieu des Grecs » (Ga 2, 2), qu’il présente à Jérusalem avec Tite, il s’agit de ce que rapporte Luc dans son Evangile. » (Bar Koni, Scholies). EVANGILE SELON JEAN (60, version araméenne, 80, version grecque) «L’Evangile selon saint Jean est le premier des Evangiles sinon l’Evangile primitif. » (Origène, PG 4, 5-6). « La première mise par écrit de l’Evangile de Jean avait été faite à Antioche. » (Ephrem, memra sur Jean). [Le passage de Jean à Antioche dans son voyage vers Ephèse où il s’installe à la suite de Paul a lieu vers 60]. « Jean l’Evangéliste fit mettre par écrit trente ans après l’Ascension du Seigneur à Ephèse. » (Isho Dad).« Jean a été mis par écrit la trente-deuxième année après l’Ascension de Notre Seigneur. » (codex géorgien, 19).« Jean l’évangéliste a dicté son Evangile cinquante ans après l’Ascension du Seigneur à Ephèse en langue des Grecs. » (Abdisho Bar Biha). ____________________________________________________ NOTES 1 Traduction d’Irénée de Lyon restituée par Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Les colliers évangéliques, Le Sarment, 2003, p. 775. 2 Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Le Sarment, 2000, p. 146.3 Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Les colliers évangéliques, Le Sarment, 2003, p. 776. 4 Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Les colliers évangéliques, Le Sarment, 2003, pp. 777-778. 5 Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Le Sarment, 2000, pp. 175-176.6 Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Les colliers évangéliques, Le Sarment, 2003, p. 783.7 Pierre PERRIER, Evangiles : de l’oral à l’écrit, Le Sarment, 2000, pp. 209-210. | |
| | | Babeth
Messages : 415 Date d'inscription : 13/11/2019
| Sujet: Re: La mise par écrit des évangiles Ven 18 Nov - 17:31 | |
| D'où venaient les originaux des évangiles canoniques ?Tous les pays, tous les rois ont partagé la même soif de manuscrits, de textes originaux et non corrompus. Si elles se sont développées au sein d'un univers chrétien, dont elles n'entendaient pas se séparer, et qui les a bornées, parfois freinées, elles y ont toutefois trouvé de réelles marges de manœuvre qu'elles ont aussi contribué à élargir. L'Eglise ne pouvait se passer de la culture antique, au sein de laquelle elle était née, et dont elle avait repris le patrimoine, à l'instar de Grégoire d'Agrigente utilisant à foison Aristote pour commenter L'Ecclésiaste. En outre, le dogme chrétien avait besoin d'une expression intellectuelle pour exposer clairement les mystères de la foi. L'appétit de savoir qui se manifeste à travers ces siècles présente ainsi à la fois continuité, progression - chaque époque prenant appui sur les acquis antérieurs - et élargissement, non seulement des méthodes ou des moyens mis en œuvre, mais aussi des perspectives. La liberté de penser s'est accrue, en dépit des obstacles, des critiques ou des interdits, et avec elle l'ensemble des connaissances au point de reconstituer un savoir, mais pas encore une science. Le mouvement est en effet plus littéraire, théologique et philosophique que scientifique: nul ne pratique alors d'expériences et la redécouverte des mathématiques des Anciens se fait à pas lents. La plupart des chrétiens d'Orient usaient communément de deux langues, le grec, langue de culture et de l'administration impériale byzantine, et le syriaque. Ce dernier s'étendit dans toute la Mésopotamie, parce qu'il était devenu la langue de la liturgie chrétienne. Le terme "syriaque" désigne ainsi tous les Araméens chrétiens, où qu'ils vivent (Syrie, Irak, Iran, Mésopotamie...). Les nestoriens parlaient le syriaque oriental et les monophysites usaient du syriaque occidental. Par sa structure, le syriaque est une langue proche de l'hébreu et de l'arabe, ce qui facilitera la tâche des traducteurs lorsqu'ils feront la transcription en arabe des œuvres grecques déjà traduites dans leur langue. Les Syriaques furent en effet les intermédiaires essentiels de la transmission en arabe des textes savants de !'Antiquité grecque. Comme le rappelle R. Le Coz: "Il faut bien se rendre compte que tous les savants de l'Islam n'ont jamais eu accès aux textes anciens originaux, tous leurs travaux ayant été effectués à partir de traductions."Il reste que, si l'on peut estimer plus novateurs les écrits contestataires, la société musulmane ne les a pas suivis, alors que les idées des philosophes des Lumières se sont imposées aux sociétés européennes. Il est par ailleurs significatif que D. Urvoy ait choisi le terme de "penseur libre" et non celui de "libre penseur". Les figures, originales sans nul doute, qu'il exhume de l'oubli sont des chrétiens (Hunayn ibn Ishaq), des convertis tardifs à l'islam (le Persan Ibn al-Muqaffa, mort vers 757/759, et qui semble même être resté fidèle au manichéisme de ses origines), ou des musulmans adeptes de courants marginaux, con1n1e le chiisne, voire tendant à l'hérésie. Ainsi Al-Warraq (1nort vers 861/862), qui accorde foi à la crucifixion de Jésus en vertu de témoignages historiques et ose donc prétendre le contre-pied du Coran, allant même jusqu'à < >, ou son disciple et ami Ibn al- Riwandi (mort entre 864 et 912), dont l'impiété est plus marquée encore. Tous se situent néannoins à l'intbieztr du fait religieux. Un auteur comme Al-Muhasibi (781-857) n'hésite toutefois pas à s'affranchir de certains versets cora- niques ou à user librement des chaînes de garants des hadiths. Le célèbre praticien Al-Razi (865-932) fait exception, lui qui se distingue par son opposition à toutes les religions prophétiques - ce que les manuels oublient souvent, ne retenant de lui que ses qualités de médecin. Al-Razi occupe une place à part: il affirme l'idée de progrès "contre tous les auteurs musulmans qui placent la perfection à l'origine" et se présentant comme le disciple d'un Socrate qu'il semble d'ailleurs bien connaître, alors que ses contemporains lui font en général "dire des choses qui sont propres à la civilisation arabe", note D. Urvoy117. Ces penseurs originaux ne sont pas plus d'une douzaine, au cours d'une période d'environ cinq siècles. Malgré son intérêt, le phénomène reste marginal en raison du poids de l'orthodoxie, de l'orthopraxie et de la fer111e association entre le politique et le religieux qui fonde la société abbasside.
Le dénombrement établi par L. Génicot (Le XIII siècle européen, Paris, PUF, "Nouvelle Clio" 1968, p. 213-218) indiquait qu'au XIIl0 siècle, on avait beaucoup plus traduit à partir des originaux grecs qu'au XII0 siècle (seize ouvrages sur quarante contre sept sur cent). Mais ces proportions sont faussées par l'oubli complet des traductions effectuées parJacques de Venise et les traducteurs anonymes du XII0 siècle. Les calculs de L. Génicot sont repris ne varietur - du moins pour ce qui est des traductions gréco-latines du XIIe siècle qui nous intéressent ici - dans la plupart des ouvrages d'histoire culturelle du Moyen Age.
La seule lecture comparée des Evangiles et du Coran montre combien les deux univers sont dissemblables face au Christ qui refuse de punir et de faire lapider la femme adultère, se dresse Mahomet (et maintenant la secte Watchtower des Témoins de Jéhovah) ordonnant, en de semblables circonstances, la mise à mort de la femme infidèle. On ne peut à la fois suivre Jésus et Mahomet. La violence des polémiques médiévales entre chrétiens et musulmans ne fait que révéler une opposition perçue comme radicale. Cette altérité conflictuelle pose le problème des identités respectives des deux civilisations. La violence des Témoins de Jéhovah depuis leur invention il n'y a qu'un siècle contre les catholiques est identique.
De plus, l'Islam ne pouvait sans s'autodétruire reconnaître une quelconque validité aux Evangiles: leur texte devait avoir été falsifié par les chrétiens et la révélation de l'islam - la soumission au Dieu unique - qu'ils contenaient à l'origine supprimée pour que le message coranique fût authentique. De nombreux versets du Coran exposent ce grief à l'encontre des juifs et des chrétiens. On parla d'abord d'altération (tahrij) des Ecritures, que les juifs et les chrétiens auraient sciemment lues de travers. Puis, avec Al-Jâhiz (776-868/9), apparut la critique - toujours actuelle - d'une falsification matérielle du texte. L'un des plus fameux reproches adressé aux chrétiens est d'avoir caché que Jésus aurait annoncé la venue de Mahomet58. Si Jésus est le fils de Dieu, alors Mahomet ne peut être son Prophète. Cette vérité vaut pour les deux mondes. L'islam est la continuité du judaïsme ébionite non rabbinique tandis que les Témoins de Jéhovah sont une vitrine maçonnique du rabbinisme talmudique radical.
La diffusion rapide de la Bible par l'Eglise catholique dans le monde entier. "Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création." Au total, au sein des scriptoria des monastères, plus de huit mille manuscrits ont été copiés qui nous sont parvenus. Plusieurs bibliothèques du temps comportent des centaines de codex: deux cent soixante en 831 à Saint-Riquier dans la Somme, près de deux cent quatre-vingts à Saint-Gall en Suisse alémanique au début du Xe siècle, plus de six cents (peut-être huit cents) à Bobbio, au nord de Gênes, à la même époque. Les livres circulent; les lettrés également. De la sorte, on laisse sous silence les échanges culturels, la circulation des manuscrits et des lettrés entre Byzance et l'Occident, ainsi que le rôle des traducteurs du grec en latin, authentiques passeurs de savoir. Au cœur de ces divers processus se situe l'œuvre immense réalisée au début du XIIe siècle par Jacques de Venise et les moines du Mont-Saint-Michel, encore trop ignorée - ou occultée. Egalement absents de nombreux livres ou publications, les chrétiens d'Orient, les savants nestoriens, qui, par un immense et séculaire effort de traduction du grec au syriaque puis du syriaque en arabe, conservèrent le savoir grec, pour finir par le transmettre à leurs conquérants musulmans. Il ne s'agira pas ensuite d'une quelconque convoitise pour les "richesses de l'Orient", mais bien de retrouver le savoir antique. Cette volonté est visible dans l'exploitation des manuscrits gréco-arabes découverts lors de la Reconquista espagnole aux XIe et XIIe siècles, ainsi que dans la quête des textes grecs eux-mêmes, conservés en Occident depuis la fin de !'Antiquité (Italie, Sicile, Nord de la France) ou parvenus au fil des siècles depuis Byzance, en particulier via l'Italie du Sud et la Syrie (et plus rarement par les Balkans ou Chypre).
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