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 Nomen, numen, lumen

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Jay

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MessageSujet: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyVen 24 Mar - 12:19

Quand il eut terminé, quand les soleils épars,
Éblouis, du chaos montant de toutes parts,
Se furent tous rangés à leur place profonde,
Il sentit le besoin de se nommer au monde ;
Et l’Être formidable et serein se leva ;
Il se dressa sur l’ombre et cria : Jéhovah !
Et dans l’immensité ces sept lettres tombèrent ;
Et ce sont, dans les cieux que nos yeux réverbèrent,
Au-dessus de nos fronts tremblants sous leur rayon,
Les sept astres géants du noir septentrion.
 
Victor Hugo
Minuit, au dolmen du Faldouet, mars 1855.

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lécafar

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 3:18

lécafar a écrit:Oui, on sait que Victor Hugo a souvent cité le nom divin sous cette forme ;
Lorsqu'avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes, 
Echeveulé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah, ...

Victor Hugo
La légende des siècles : la conscience.


Dernière édition par lécafar le Dim 26 Mar - 3:24, édité 2 fois
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Jay

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 3:20

lécafar a écrit:
Oui, on sait que Victor Hugo a souvent cité le nom divin sous cette forme ;
Lorsqu'avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes, 
Echeveulé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah, ...

Victor Hugo
La légende des siècles : la conscience.
Wow merci lécafar, je ne le connaissais pas celui la.
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lécafar

lécafar


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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 3:24

Le voici en entier :


Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l’homme sombre arriva
Au bas d’une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d’haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l’ombre fixement.
« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l’espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s’asseyait, il vit dans les cieux mornes
L’oeil à la même place au fond de l’horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l’aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Etends de ce côté la toile de la tente. »
Et l’on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l’eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l’enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l’aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours ! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d’elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu’il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d’Enos et les enfants de Seth ;
Et l’on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d’enfer ;
L’ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l’épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d’entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l’aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L’oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit :  » Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C’est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

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Jay

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 3:41

lécafar a écrit:
Le voici en entier :


Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l’homme sombre arriva
Au bas d’une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d’haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l’ombre fixement.
« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l’espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s’asseyait, il vit dans les cieux mornes
L’oeil à la même place au fond de l’horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l’aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Etends de ce côté la toile de la tente. »
Et l’on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l’eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l’enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l’aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours ! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d’elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu’il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d’Enos et les enfants de Seth ;
Et l’on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d’enfer ;
L’ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l’épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d’entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l’aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L’oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit :  » Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C’est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn.
J’en tremble 😅
Merci lécafar
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mipoune




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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 3:53

lécafar a écrit:
lécafar a écrit:Oui, on sait que Victor Hugo a souvent cité le nom divin sous cette forme ;
Lorsqu'avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes, 
Echeveulé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah, ...

Victor Hugo
La légende des siècles : la conscience.

Victor Hugo a dit Jéhovah parce qu'il pensait que c'était Jéhovah,
Un poème de Victor Hugo n'est pas parole d'évangile.
Victor Jugo est un homme, il se trompe.
Un poème est une oeuvre littéraire, pas une preuve.

Même si on aime Victor Hugo, le citer pour tenter de faire croire que le nom de dieu est jéhovah est ridicule, mais c'est justement parce qu'on l'aime que le citer est une tentative de manipulation honteuse.
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Jay

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 4:45

mipoune a écrit:
lécafar a écrit:
lécafar a écrit:Oui, on sait que Victor Hugo a souvent cité le nom divin sous cette forme ;
Lorsqu'avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes, 
Echeveulé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah, ...

Victor Hugo
La légende des siècles : la conscience.

Victor Hugo a dit Jéhovah parce qu'il pensait que c'était Jéhovah,
Un poème de Victor Hugo n'est pas parole d'évangile.
Victor Jugo est un homme, il se trompe.
Un poème est une oeuvre littéraire, pas une preuve.

Même si on aime Victor Hugo, le citer pour tenter de faire croire que le nom de dieu est jéhovah est ridicule, mais c'est justement parce qu'on l'aime que le citer est une tentative de manipulation honteuse.
Je suis d’accord avec toi!
Je ne cite pas ce poème pour prouver quoi que soit.
Je le cite car quand je lis toute mon âme frisonne devant la divinité.
Et j’en suis ébranlé au plus profond de mon être.
C’est ce que je ressens. Et j’avais envie de le partager pour ceux qui ressentent la même chose.
Mais je peux comprendre que ça te file des boutons de lire ce poème... 😅
Bien qu’à mon sens l’Amour soit le seul chemin qui mène à Dieu, on n’utilise pas tous le même véhicule pour y cheminer.
Et heureusement, j’ai envie de dire 😅

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mipoune




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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 4:52

Jay a écrit:


Mais je peux comprendre que ça te file des boutons de lire ce poème... 😅
pas du tout, j'aime beaucoup Victor Hugo
je répondais à lécafar, car on connait ses théories
d'ailleurs les TJ eux-mêmes citent VH pour dire que c'est vrai

en ce qui me concerne, je me fiche pas mal que ce soit jéhovah ou autre chose. Si c'était jéhovah, je dirais jéhovah, ça ne me pose pas de problème.
Il se trouve que ce n'est pas le cas, et j'aime la vérité et l'exactitude.

D'autre part, même si c'était jéhovah, ça ne prouverait pas non plus que ceux qui se sont appropriés ce nom sont son peuple ni qu'ils ont la vérité.
l'habit ne fait pas le moine.
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Jay

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 5:10

mipoune a écrit:
Jay a écrit:


Mais je peux comprendre que ça te file des boutons de lire ce poème... 😅
pas du tout, j'aime beaucoup Victor Hugo
je répondais à lécafar, car on connait ses théories
d'ailleurs les TJ eux-mêmes citent VH pour dire que c'est vrai

en ce qui me concerne, je me fiche pas mal que ce soit jéhovah ou autre chose. Si c'était jéhovah, je dirais jéhovah, ça ne me pose pas de problème.
Il se trouve que ce n'est pas le cas, et j'aime la vérité et l'exactitude.

D'autre part, même si c'était jéhovah, ça ne prouverait pas non plus que ceux qui se sont appropriés ce nom sont son peuple ni qu'ils ont la vérité.
l'habit ne fait pas le moine.
Je suis d’accord mais je trouve le débat stérile et inutile...
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mipoune




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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 5:13

Jay a écrit:
mipoune a écrit:

pas du tout, j'aime beaucoup Victor Hugo
je répondais à lécafar, car on connait ses théories
d'ailleurs les TJ eux-mêmes citent VH pour dire que c'est vrai

en ce qui me concerne, je me fiche pas mal que ce soit jéhovah ou autre chose. Si c'était jéhovah, je dirais jéhovah, ça ne me pose pas de problème.
Il se trouve que ce n'est pas le cas, et j'aime la vérité et l'exactitude.

D'autre part, même si c'était jéhovah, ça ne prouverait pas non plus que ceux qui se sont appropriés ce nom sont son peuple ni qu'ils ont la vérité.
l'habit ne fait pas le moine.
Je suis d’accord mais je trouve le débat stérile et inutile...

Ce sont les débats qui font réfléchir et avancer.
Ce n'est pas nouveau, même la bible le dit:
proverbes 15:22 Les projets échouent, faute d'une assemblée qui délibère; Mais ils réussissent quand il y a de nombreux conseillers.

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Jay

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 5:15

mipoune a écrit:
Jay a écrit:

Je suis d’accord mais je trouve le débat stérile et inutile...

Ce sont les débats qui font réfléchir et avancer.
Ce n'est pas nouveau, même la bible le dit:
proverbes 15:22 Les projets échouent, faute d'une assemblée qui délibère; Mais ils réussissent quand il y a de nombreux conseillers.
Haha okay je t’accordes celui la 🤣
Je reste ouvert 😊
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L'abbé Morère

L'abbé Morère


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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 5:36

Jéhovah est le nom catholique romain inventé par Raymond Martin au XIIIe siècle Nomen, numen, lumen 2764
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La nuit qui tombe et le train qui passe
par Maurice Du Plessys


Tableau qui mes peines dissipe,
Je contemple en m'attendrissant
Le village fumant sa pipe
Aux pieds du soir incandescent.

Soleil, mourant témoin des crimes
Absous par le jour qui s'en va,
Sur l'autel de tes feux sublimes,
Satisfais, frère, à Jéhovah !

Nuit, tombeau du ciel sans mystère,
Chasses-en ce jour qui nous ment !
Viens faire oublier à la terre
Qu'elle ne te plaît qu'un moment !

C'est à cet instant de l'automne
Qu'on voudrait partir d'ici-bas...
Mais de temps en temps au loin tonne
Un train passant qu'on ne voit pas.


Insondable, immuable, éternel, absolu
par Victor Hugo

Insondable, immuable, éternel, absolu ;
Face de vision ; être qui toujours crée ;
Centre ; rayonnement d'épouvante sacrée ;
Toute-puissance ayant des devoirs et des lois ;
Présence sans figure et sans borne et sans voix ;
Seul, pour prunelle ayant l'immensité sereine ;
Regardant du même oeil ce qu'un puceron traîne,
Ce que dévore un ver, ce qu'un ciron construit,
Et le fourmillement des soleils dans la nuit ;
Volonté, d'où le monde en jets vivants s'élance,
Qui pour matériaux a la nuit, le silence,
Le vide, le néant, rien ; et pour canevas
L'infini reflétant de vagues Jéhovahs ;

Pensée aboutissant, lumineuse, aux prodiges ;
Moi gouffre où tous les moi tombent, pris de vertiges ;
Essence inexprimable en qui tout se confond ;
Tourbillonnement d'ombre et de lueur au fond
D'on ne sait quoi de grand, de splendide et de sombre ;
Espèce de forêt de facultés sans nombre ;
Il est là, formidable, unique, illimité,
Stupéfiant les cieux de son énormité ;
Et, sous le porche immense et brumeux de l'abîme,
Au degré le plus noir du chaos, sur la cime,
Tous les êtres créés, en haut, en bas, partout,
Astres, globes, édens, enfers dont le flot bout,
Les rochers, les volcans, les monts, les mers houleuses,
Les âmes, les esprits, les foules nébuleuses,
La bête dans les bois, l'ange dans l'éther bleu,
Se courbent effarés devant l'horreur de Dieu.


Nuit troisième
par Théophile Dondey

Rodomontade

Il était appuyé contre l'arche massive
De ce vieux pont romain, dont la base lascive
S'use aux attouchements des flots :
L'astre des nuits lustrait son visage Dantesque,
Et le Nord dérangeait son manteau gigantesque
Avec de sauvages sanglots.

À voir son crâne ardu, sa fauve chevelure,
De son cou léonin la musculeuse allure,
Ses yeux caves, durs, éloquents,
Ses traits illuminés d'orgueil et d'ironie,
On l'eût pris volontiers pour le rude génie
Des tempêtes et des volcans.

Il disait : Oh ! pourquoi le culte de ma mère
N'est-il que jonglerie, imposture, chimère !
Pourquoi n'a-t-il jamais été
Ce Jésus, clef de voûte et fanal de notre âge !
Pourquoi son Évangile est-il à chaque page
Contempteur de la vérité !

Si, dans le firmament, des signes, des symboles,
Amenaient ma superbe à croire aux paraboles
Du charpentier de Nazareth ;
Si pour me révéler à moi, débile atome,
Que le grand Jéhovah n'est pas un vain fantôme,
Un archange ici se montrait ;

Ne croyez pas qu'alors, pénitent débonnaire,
Dans une église, aux pieds d'un prêtre octogénaire,
J'advolerais tout éperdu !
Ni qu'en un beau transport, affublé d'un cilice,
J'irai de saint Bruno renforcer la milice,
Dos en arcade et chef tondu !

Non, non. Je creuserais les sciences occultes :
Je m'en irais, la nuit, par des sites incultes ;
Et là, me raillant du Seigneur,
Je tourbillonnerais dans la magie infâme,
J'évoquerais le Diable... et je vendrais mon âme
Pour quelques mille ans de bonheur !

Pour arsenal j'aurais l'élémentaire empire
Le gobelin, le djinn, le dragon, le vampire,
Viendraient tous me saluer roi.
Je prendrais à l'Enfer ses plus riches phosphores,
Et, métamorphosant mes yeux en météores,
Partout je darderais l'effroi.

J'enlèverais alors la belle châtelaine
Que, dans un château fort, centre de son domaine,
Retient l'ire d'un vil jaloux,
Depuis l'heure damnée où, dans la salle basse,
Plus tôt que de coutume arrivant de la chasse,
Il me surprit à ses genoux.

Aux mers de l'Orient, dans une île embaumée,
Mes sylphes porteraient ma pâle bien-aimée,
Et lui bâtiraient un séjour
Bien plus miraculeux, bien autrement splendide
Que celui qu'habitaient, dans la molle Atlantide,
Le roi de féerie et sa cour.

Amour, enthousiasme, étude, poésie !
C'est là qu'en votre extase, océan d'ambroisie,
Se noieraient nos âmes de feu !
C'est là que je saurais, fort d'un génie étrange,
Dans la création d'un bonheur sans mélange,
Être plus artiste que Dieu !!!...


Jehovah, ou l'idée de Dieu
par Lamartine

Sinaï ! Sinaï ! quelle nuit sur ta cime !
Quels éclairs, sur tes flancs, éblouissent les yeux !
Les noires vapeurs de l'abîme
Roulent en plis sanglants leurs vagues dans tes cieux !

La nue enflammée
Où ton front se perd
Vomit la fumée
Comme un chaume verd;
Le ciel d'où s'échappe
Eclair sur éclair,
Et pareil au fer
Que le marteau frappe,
Lançant coups sur coups
La nuit, la lumière,
Se voile ou s'éclaire,
S'ouvre ou se resserre,
Comme la paupière
D'un homme en courroux !

Un homme, un homme seul gravit tes flancs qui grondent,
En vain tes mille échos tonnent et se répondent,
Ses regards assurés ne se détournent pas !
Tout un peuple éperdu le regarde d'en bas;
Jusqu'aux lieux où ta cime et le ciel se confondent,
Il monte, et la tempête enveloppe ses pas !

Le nuage crève;
Son brûlant carreau
Jaillit comme un glaive
Qui sort du fourreau !
Les foudres portées
Sur ses plis mouvants,
Au hasard jetées
Par les quatre vents,
Entre elles heurtées,
Partent en tous sens,
Comme une volée
D'aiglons aguerris
Qu'un bruit de mêlée
A soudain surpris,
Qui, battant de l'aile,
Volent pêle-mêle
Autour de leurs nids,
Et loin de leur mère,
La mort dans leur serre,
S'élancent de l'aire
En poussant des cris !
Le cèdre s'embrase,
Crie, éclate, écrase
Sa brûlante base
Sous ses bras fumants !
La flamme en colonne
Monte, tourbillonne,
Retombe et bouillonne
En feux écumants;
La lave serpente,
Et de pente en pente
Etend son foyer;
La montagne ardente
Paraît ondoyer;
Le firmament double
Les feux dont il luit;
Tout regard se trouble,
Tout meurt ou tout fuit;
Et l'air qui s'enflamme,
Repliant la flamme
Autour du haut lieu,
Va de place en place
Où le vent le chasse,
Semer dans l'espace
Des lambeaux de feu !

Sous ce rideau brûlant qui le voile et l'éclaire,
Moïse a seul, vivant, osé s'ensevelir;
Quel regard sondera ce terrible mystère ?
Entre l'homme et le feu que va-t-il s'accomplir ?
Dissipez, vains mortels, l'effroi qui vous atterre !
C'est Jehova qui sort ! Il descend au milieu
Des tempêtes et du tonnerre !
C'est Dieu qui se choisit son peuple sur la terre,
C'est un peuple à genoux qui reconnaît son Dieu !

L'Indien, élevant son âme
Aux voûtes de son ciel d'azur,
Adore l'éternelle flamme
Prise à son foyer le plus pur;
Au premier rayon de l'aurore,
Il s'incline, il chante, il adore
L'astre d'où ruisselle le jour;
Et le soir, sa triste paupière
Sur le tombeau de la lumière
Pleure avec des larmes d'amour !

Aux plages que le Nil inonde,
Des déserts le crédule enfant,
Brûlé par le flambeau du monde,
Adore un plus doux firmament.
Amant de ses nuits solitaires,
Pour son culte ami des mystères,
Il attend l'ombre dans les cieux,
Et du sein des sables arides
Il élève des pyramides
Pour compter de plus près ses dieux.

La Grèce adore les beaux songes
Par son doux génie inventés;
Et ses mystérieux mensonges,
Ombres pleines de vérités !
Il naît sous sa féconde haleine
Autant de dieux que l'âme humaine
A de terreurs et de désirs;
Son génie amoureux d'idoles
Donne l'être à tous les symboles,
Crée un dieu pour tous les soupirs !

Sâhra ! sur tes vagues poudreuses
Où vont des quatre points des airs
Tes caravanes plus nombreuses
Que les sables de tes déserts ?
C'est l'aveugle enfant du prophète,
Qui va sept fois frapper sa tête
Contre le seuil de son saint lieu !
Le désert en vain se soulève,
Sous la tempête ou sous le glaive :
Mourons, dit-il, Dieu seul est Dieu !

Sous les saules verts de l'Euphrate,
Que pleure ce peuple exilé ?
Ce n'est point la Judée ingrate,
Les puits taris de Siloé !
C'est le culte de ses ancêtres !
Son arche, son temple, ses prêtres,
Son Dieu qui l'oublie aujourd'hui !
Son nom est dans tous ses cantiques;
Et ses harpes mélancoliques
Ne se souviennent que de lui !

Elles s'en souviennent encore,
Maintenant que des nations
Ce peuple exilé de l'aurore
Supporte les dérisions !
En vain, lassé de le proscrire,
L'étranger d'un amer sourire
Poursuit ses crédules enfants;
Comme l'eau buvant cette offense,
Ce peuple traîne une espérance
Plus forte que ses deux mille ans !

Le sauvage enfant des savanes,
Informe ébauche des humains,
Avant d'élever ses cabanes,
Se façonne un dieu de ses mains;
Si, chassé des rives du fleuve
Où l'ours, où le tigre s'abreuve,
Il émigre sous d'autres cieux,
Chargé de ses dieux tutélaires :
Marchons, dit-il, os de nos pères,
La patrie est où sont les dieux !

Et de quoi parlez-vous, marbres, bronzes, portiques,
Colonnes de Palmyre ou de Persépolis ?
Panthéons sous la cendre ou l'onde ensevelis,
Si vides maintenant, autrefois si remplis !
Et vous, dont nous cherchons les lettres symboliques,
D'un passé sans mémoire incertaines reliques,
Mystères d'un vieux monde en mystères écrits ?
Et vous, temples debout, superbes basiliques,
Dont un souffle divin anime les parvis ?

Vous nous parlez des dieux ! des dieux ! des dieux encore !
Chaque autel en porte un, qu'un saint délire adore,
Holocauste éternel que tout lieu semble offrir.
L'homme et les éléments, pleins de ce seul mystère,
N'ont eu qu'une pensée, une oeuvre sur la terre :
Confesser cet être et mourir !

Mais si l'homme occupé de cette oeuvre suprême
Epuise toute langue à nommer le seul Grand,
Ah ! combien la nature, en son silence même,
Le nomme mieux encore au coeur qui le comprend !
Voulez-vous, ô mortels, que ce Dieu se proclame ?
Foulez aux pieds la cendre où dort le Panthéon
Et le livre où l'orgueil épelle en vain son nom !
De l'astre du matin le plus pâle rayon
Sur ce divin mystère éclaire plus votre âme
Que la lampe au jour faux qui veille avec Platon.

Montez sur ces hauteurs d'où les fleuves descendent
Et dont les mers d'azur baignent les pieds dorés,
À l'heure où les rayons sur leurs pentes s'étendent,
Comme un filet trempé ruisselant sur les prés !

Quand tout autour de vous sera splendeur et joie,
Quand les tièdes réseaux des heures de midi,
En vous enveloppant comme un manteau de soie,
Feront épanouir votre sang attiédi !


Quand la terre exhalant son âme balsamique
De son parfum vital enivrera vos sens,
Et que l'insecte même, entonnant son cantique,
Bourdonnera d'amour sur les bourgeons naissants !

Quand vos regards noyés dans un vague atmosphère,
Ainsi que le dauphin dans son azur natal,
Flotteront incertains entre l'onde et la terre,
Et des cieux de saphir et des mers de cristal,

Ecoutez dans vos sens, écoutez dans votre âme
Et dans le pur rayon qui d'en haut vous a lui !
Et dites si le nom que cet hymne proclame
N'est pas aussi vivant, aussi divin que lui ?


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Jay

Jay


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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyDim 26 Mar - 5:53

L'abbé Morère a écrit:
Jéhovah est le nom catholique romain inventé par Raymond Martin au XIIIe siècle  Nomen, numen, lumen 2764
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La nuit qui tombe et le train qui passe
par Maurice Du Plessys


Tableau qui mes peines dissipe,
Je contemple en m'attendrissant
Le village fumant sa pipe
Aux pieds du soir incandescent.

Soleil, mourant témoin des crimes
Absous par le jour qui s'en va,
Sur l'autel de tes feux sublimes,
Satisfais, frère, à Jéhovah !

Nuit, tombeau du ciel sans mystère,
Chasses-en ce jour qui nous ment !
Viens faire oublier à la terre
Qu'elle ne te plaît qu'un moment !

C'est à cet instant de l'automne
Qu'on voudrait partir d'ici-bas...
Mais de temps en temps au loin tonne
Un train passant qu'on ne voit pas.


Insondable, immuable, éternel, absolu
par Victor Hugo

Insondable, immuable, éternel, absolu ;
Face de vision ; être qui toujours crée ;
Centre ; rayonnement d'épouvante sacrée ;
Toute-puissance ayant des devoirs et des lois ;
Présence sans figure et sans borne et sans voix ;
Seul, pour prunelle ayant l'immensité sereine ;
Regardant du même oeil ce qu'un puceron traîne,
Ce que dévore un ver, ce qu'un ciron construit,
Et le fourmillement des soleils dans la nuit ;
Volonté, d'où le monde en jets vivants s'élance,
Qui pour matériaux a la nuit, le silence,
Le vide, le néant, rien ; et pour canevas
L'infini reflétant de vagues Jéhovahs ;

Pensée aboutissant, lumineuse, aux prodiges ;
Moi gouffre où tous les moi tombent, pris de vertiges ;
Essence inexprimable en qui tout se confond ;
Tourbillonnement d'ombre et de lueur au fond
D'on ne sait quoi de grand, de splendide et de sombre ;
Espèce de forêt de facultés sans nombre ;
Il est là, formidable, unique, illimité,
Stupéfiant les cieux de son énormité ;
Et, sous le porche immense et brumeux de l'abîme,
Au degré le plus noir du chaos, sur la cime,
Tous les êtres créés, en haut, en bas, partout,
Astres, globes, édens, enfers dont le flot bout,
Les rochers, les volcans, les monts, les mers houleuses,
Les âmes, les esprits, les foules nébuleuses,
La bête dans les bois, l'ange dans l'éther bleu,
Se courbent effarés devant l'horreur de Dieu.


Nuit troisième
par Théophile Dondey

Rodomontade

Il était appuyé contre l'arche massive
De ce vieux pont romain, dont la base lascive
S'use aux attouchements des flots :
L'astre des nuits lustrait son visage Dantesque,
Et le Nord dérangeait son manteau gigantesque
Avec de sauvages sanglots.

À voir son crâne ardu, sa fauve chevelure,
De son cou léonin la musculeuse allure,
Ses yeux caves, durs, éloquents,
Ses traits illuminés d'orgueil et d'ironie,
On l'eût pris volontiers pour le rude génie
Des tempêtes et des volcans.

Il disait : Oh ! pourquoi le culte de ma mère
N'est-il que jonglerie, imposture, chimère !
Pourquoi n'a-t-il jamais été
Ce Jésus, clef de voûte et fanal de notre âge !
Pourquoi son Évangile est-il à chaque page
Contempteur de la vérité !

Si, dans le firmament, des signes, des symboles,
Amenaient ma superbe à croire aux paraboles
Du charpentier de Nazareth ;
Si pour me révéler à moi, débile atome,
Que le grand Jéhovah n'est pas un vain fantôme,
Un archange ici se montrait ;

Ne croyez pas qu'alors, pénitent débonnaire,
Dans une église, aux pieds d'un prêtre octogénaire,
J'advolerais tout éperdu !
Ni qu'en un beau transport, affublé d'un cilice,
J'irai de saint Bruno renforcer la milice,
Dos en arcade et chef tondu !

Non, non. Je creuserais les sciences occultes :
Je m'en irais, la nuit, par des sites incultes ;
Et là, me raillant du Seigneur,
Je tourbillonnerais dans la magie infâme,
J'évoquerais le Diable... et je vendrais mon âme
Pour quelques mille ans de bonheur !

Pour arsenal j'aurais l'élémentaire empire
Le gobelin, le djinn, le dragon, le vampire,
Viendraient tous me saluer roi.
Je prendrais à l'Enfer ses plus riches phosphores,
Et, métamorphosant mes yeux en météores,
Partout je darderais l'effroi.

J'enlèverais alors la belle châtelaine
Que, dans un château fort, centre de son domaine,
Retient l'ire d'un vil jaloux,
Depuis l'heure damnée où, dans la salle basse,
Plus tôt que de coutume arrivant de la chasse,
Il me surprit à ses genoux.

Aux mers de l'Orient, dans une île embaumée,
Mes sylphes porteraient ma pâle bien-aimée,
Et lui bâtiraient un séjour
Bien plus miraculeux, bien autrement splendide
Que celui qu'habitaient, dans la molle Atlantide,
Le roi de féerie et sa cour.

Amour, enthousiasme, étude, poésie !
C'est là qu'en votre extase, océan d'ambroisie,
Se noieraient nos âmes de feu !
C'est là que je saurais, fort d'un génie étrange,
Dans la création d'un bonheur sans mélange,
Être plus artiste que Dieu !!!...


Jehovah, ou l'idée de Dieu
par Lamartine

Sinaï ! Sinaï ! quelle nuit sur ta cime !
Quels éclairs, sur tes flancs, éblouissent les yeux !
Les noires vapeurs de l'abîme
Roulent en plis sanglants leurs vagues dans tes cieux !

La nue enflammée
Où ton front se perd
Vomit la fumée
Comme un chaume verd;
Le ciel d'où s'échappe
Eclair sur éclair,
Et pareil au fer
Que le marteau frappe,
Lançant coups sur coups
La nuit, la lumière,
Se voile ou s'éclaire,
S'ouvre ou se resserre,
Comme la paupière
D'un homme en courroux !

Un homme, un homme seul gravit tes flancs qui grondent,
En vain tes mille échos tonnent et se répondent,
Ses regards assurés ne se détournent pas !
Tout un peuple éperdu le regarde d'en bas;
Jusqu'aux lieux où ta cime et le ciel se confondent,
Il monte, et la tempête enveloppe ses pas !

Le nuage crève;
Son brûlant carreau
Jaillit comme un glaive
Qui sort du fourreau !
Les foudres portées
Sur ses plis mouvants,
Au hasard jetées
Par les quatre vents,
Entre elles heurtées,
Partent en tous sens,
Comme une volée
D'aiglons aguerris
Qu'un bruit de mêlée
A soudain surpris,
Qui, battant de l'aile,
Volent pêle-mêle
Autour de leurs nids,
Et loin de leur mère,
La mort dans leur serre,
S'élancent de l'aire
En poussant des cris !
Le cèdre s'embrase,
Crie, éclate, écrase
Sa brûlante base
Sous ses bras fumants !
La flamme en colonne
Monte, tourbillonne,
Retombe et bouillonne
En feux écumants;
La lave serpente,
Et de pente en pente
Etend son foyer;
La montagne ardente
Paraît ondoyer;
Le firmament double
Les feux dont il luit;
Tout regard se trouble,
Tout meurt ou tout fuit;
Et l'air qui s'enflamme,
Repliant la flamme
Autour du haut lieu,
Va de place en place
Où le vent le chasse,
Semer dans l'espace
Des lambeaux de feu !

Sous ce rideau brûlant qui le voile et l'éclaire,
Moïse a seul, vivant, osé s'ensevelir;
Quel regard sondera ce terrible mystère ?
Entre l'homme et le feu que va-t-il s'accomplir ?
Dissipez, vains mortels, l'effroi qui vous atterre !
C'est Jehova qui sort ! Il descend au milieu
Des tempêtes et du tonnerre !
C'est Dieu qui se choisit son peuple sur la terre,
C'est un peuple à genoux qui reconnaît son Dieu !

L'Indien, élevant son âme
Aux voûtes de son ciel d'azur,
Adore l'éternelle flamme
Prise à son foyer le plus pur;
Au premier rayon de l'aurore,
Il s'incline, il chante, il adore
L'astre d'où ruisselle le jour;
Et le soir, sa triste paupière
Sur le tombeau de la lumière
Pleure avec des larmes d'amour !

Aux plages que le Nil inonde,
Des déserts le crédule enfant,
Brûlé par le flambeau du monde,
Adore un plus doux firmament.
Amant de ses nuits solitaires,
Pour son culte ami des mystères,
Il attend l'ombre dans les cieux,
Et du sein des sables arides
Il élève des pyramides
Pour compter de plus près ses dieux.

La Grèce adore les beaux songes
Par son doux génie inventés;
Et ses mystérieux mensonges,
Ombres pleines de vérités !
Il naît sous sa féconde haleine
Autant de dieux que l'âme humaine
A de terreurs et de désirs;
Son génie amoureux d'idoles
Donne l'être à tous les symboles,
Crée un dieu pour tous les soupirs !

Sâhra ! sur tes vagues poudreuses
Où vont des quatre points des airs
Tes caravanes plus nombreuses
Que les sables de tes déserts ?
C'est l'aveugle enfant du prophète,
Qui va sept fois frapper sa tête
Contre le seuil de son saint lieu !
Le désert en vain se soulève,
Sous la tempête ou sous le glaive :
Mourons, dit-il, Dieu seul est Dieu !

Sous les saules verts de l'Euphrate,
Que pleure ce peuple exilé ?
Ce n'est point la Judée ingrate,
Les puits taris de Siloé !
C'est le culte de ses ancêtres !
Son arche, son temple, ses prêtres,
Son Dieu qui l'oublie aujourd'hui !
Son nom est dans tous ses cantiques;
Et ses harpes mélancoliques
Ne se souviennent que de lui !

Elles s'en souviennent encore,
Maintenant que des nations
Ce peuple exilé de l'aurore
Supporte les dérisions !
En vain, lassé de le proscrire,
L'étranger d'un amer sourire
Poursuit ses crédules enfants;
Comme l'eau buvant cette offense,
Ce peuple traîne une espérance
Plus forte que ses deux mille ans !

Le sauvage enfant des savanes,
Informe ébauche des humains,
Avant d'élever ses cabanes,
Se façonne un dieu de ses mains;
Si, chassé des rives du fleuve
Où l'ours, où le tigre s'abreuve,
Il émigre sous d'autres cieux,
Chargé de ses dieux tutélaires :
Marchons, dit-il, os de nos pères,
La patrie est où sont les dieux !

Et de quoi parlez-vous, marbres, bronzes, portiques,
Colonnes de Palmyre ou de Persépolis ?
Panthéons sous la cendre ou l'onde ensevelis,
Si vides maintenant, autrefois si remplis !
Et vous, dont nous cherchons les lettres symboliques,
D'un passé sans mémoire incertaines reliques,
Mystères d'un vieux monde en mystères écrits ?
Et vous, temples debout, superbes basiliques,
Dont un souffle divin anime les parvis ?

Vous nous parlez des dieux ! des dieux ! des dieux encore !
Chaque autel en porte un, qu'un saint délire adore,
Holocauste éternel que tout lieu semble offrir.
L'homme et les éléments, pleins de ce seul mystère,
N'ont eu qu'une pensée, une oeuvre sur la terre :
Confesser cet être et mourir !

Mais si l'homme occupé de cette oeuvre suprême
Epuise toute langue à nommer le seul Grand,
Ah ! combien la nature, en son silence même,
Le nomme mieux encore au coeur qui le comprend !
Voulez-vous, ô mortels, que ce Dieu se proclame ?
Foulez aux pieds la cendre où dort le Panthéon
Et le livre où l'orgueil épelle en vain son nom !
De l'astre du matin le plus pâle rayon
Sur ce divin mystère éclaire plus votre âme
Que la lampe au jour faux qui veille avec Platon.

Montez sur ces hauteurs d'où les fleuves descendent
Et dont les mers d'azur baignent les pieds dorés,
À l'heure où les rayons sur leurs pentes s'étendent,
Comme un filet trempé ruisselant sur les prés !

Quand tout autour de vous sera splendeur et joie,
Quand les tièdes réseaux des heures de midi,
En vous enveloppant comme un manteau de soie,
Feront épanouir votre sang attiédi !


Quand la terre exhalant son âme balsamique
De son parfum vital enivrera vos sens,
Et que l'insecte même, entonnant son cantique,
Bourdonnera d'amour sur les bourgeons naissants !

Quand vos regards noyés dans un vague atmosphère,
Ainsi que le dauphin dans son azur natal,
Flotteront incertains entre l'onde et la terre,
Et des cieux de saphir et des mers de cristal,

Ecoutez dans vos sens, écoutez dans votre âme
Et dans le pur rayon qui d'en haut vous a lui !
Et dites si le nom que cet hymne proclame
N'est pas aussi vivant, aussi divin que lui ?


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Tu m’as fait pleurer, c’est magnifique.
Merci beaucoup!
Le dernier est incroyablement beau.

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Tanaka-midori

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MessageSujet: Re: Nomen, numen, lumen   Nomen, numen, lumen EmptyLun 27 Mar - 22:51

La France a les plus grands poètes ❤
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