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 Le nihilisme

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AuteurMessage
PhilippeT

PhilippeT


Messages : 535
Date d'inscription : 05/04/2019

Le nihilisme Empty
MessageSujet: Le nihilisme   Le nihilisme EmptySam 4 Mai - 0:52

NIHILISME

Prise de vue

Vers les années 1887-1888, alors que le développement de la société industrielle se poursuivait à un rythme accéléré sous limpulsion dune raison scientifique qui semblait garantir le progrès indéfini de la moralité et de la culture, le philosophe Nietzsche lançait ce cri dalarme : « Ce que je raconte, cest lhistoire des deux prochains siècles. Je décris ce qui viendra, ce qui ne peut manquer de venir : lavènement du nihilisme » (XV, 137, éd. Kröner). Le drame annoncé par Nietzsche sest produit. Quand Freud examine, à la lumière des découvertes psychanalytiques, « le malaise dans la civilisation », ce malaise est un symptôme du nihilisme. Dun autre côté, lorsque Husserl réfléchit sur « la crise de la conscience européenne » et sinquiète du démantèlement de la rationalité, cest encore le nihilisme quil débusque. Laudience qua rencontrée la philosophie dite « existentialiste », avec ses thèmes privilégiés : langoisse, la nausée en face de la contingence, la hantise de labsurde, confirme que lhumanité est entrée dans lère des grandes convulsions.

Le mot nihilisme évoque spontanément les idées de négation, de destruction, de violence, de suicide et de désespoir. Camus a souligné les affinités entre nihilisme et révolte. On devine que cette crise nihiliste procède des événements qui ont, depuis la Réforme et la Renaissance, miné la représentation médiévale, anthropocentrique et théologique, du monde. La proclamation de Nietzsche : « Dieu est mort » traduit cette soudaine prise de conscience que la foi chrétienne a perdu son fondement et que tout notre système de valeurs sen trouve déséquilibré. On devine également que les horreurs du dernier demi-siècle reflètent lanxiété morbide qui ronge lâme moderne et la volonté fanatique déchapper à cette détresse en imposant, par la force des armes ou la contrainte idéologique, un nouveau système de valeurs capable de redonner un sens à lexistence humaine. Mais on narrive pas à former un concept précis du nihilisme en labsence dune méditation philosophique radicale. Cest ici que Nietzsche, en tant que prophète et théoricien du nihilisme, apporte à la pensée moderne une contribution denvergure. Certes, dautres explications ont pu, depuis, être avancées ; il nempêche que toute analyse du nihilisme entre dans le sillage de Nietzsche. Car cest Nietzsche qui, en prouvant lenracinement du nihilisme dans lIdéal métaphysique, a ouvert le chemin vers lessence du nihilisme et donc vers la possibilité de son dépassement.



1. Le nihilisme, essence de la modernité

On peut aller chercher très loin, dans lhistoire et dans la légende, les précurseurs du nihilisme : citer, par exemple, Prométhée, Caïn, rappeler les doctrines dÉpicure et de Lucrèce, la gnose ; plus près de nous, évoquer Sade ou le Méphistophélès de Goethe, dégager le rôle du dandysme et du romantisme. Le mot lui-même se rencontre chez F. H. Jacobi et chez Jean-Paul, qui lutilise pour caractériser la poésie romantique. Mais il importe surtout de voir que lesprit de rébellion, limmoralisme, la justification du meurtre et le défi lancé au monde ne prennent une tonalité nihiliste quà partir de la fin du XVIIIe siècle ; cest dire que le nihilisme, dans son principe, est un phénomène moderne, un phénomène que Paul Bourget, dans ses Essais de psychologie contemporaine, décrivait déjà, en 1885, comme « une mortelle fatigue de vivre, une morne perception de la vanité de tout effort ».

Révolte et nihilisme

En fait, le nihilisme commence à prendre conscience de soi lorsque D. I. Pissarev déclare la guerre aux institutions et à la culture existantes et lorsque V. G. Biélinski a laudace décrire : « La négation est mon dieu. » Il en découle le refus de toute autorité qui némane pas du jugement individuel. Sous linfluence de Max Stirner, le pressentiment de la catastrophe incita les esprits les plus lucides à chercher refuge dans lexaltation du moi. Mais derrière ce narcissisme hautain et vindicatif se profile lombre de labsurdité universelle. Tourgueniev , dans Père et fils (1860), imagine le personnage de Bazarov, qui laisse sépancher une amertume proprement schopenhauerienne : « Nous navons à nous glorifier que de la stérile conscience de comprendre, jusquà un certain point, la stérilité de ce qui est. » On ne supporte plus le réel, parce que le réel est maintenant privé de justification. La contradiction saccuse entre lattente humaine et linhumanité du monde. Tout dépend alors de lattitude que lon adopte en face de cette découverte. On peut sabîmer dans une méditation morose sur la vanité de toute vie. Dostoïevski, dans les « Carnets » de Crime et châtiment, note : « Le nihilisme, cest la bassesse de la pensée. Le nihiliste, cest le laquais de la pensée. » Mais on peut aussi joindre conscience de labsurde et protestation : dévoilant dans linjustice sociale la cause du nihilisme, on assume la tâche de détruire le vieux monde afin dinstaurer une nouvelle image de lhomme. Le nihilisme fait se dresser le héros révolutionnaire. Bismarck mesure bien le danger : « Le zèle nihiliste vers la destruction de tout ce qui existe trouve effectivement dans les abus du gouvernement russe une nourriture abondante. » Mikhail Bakounine aide à comprendre cette relance de la négation en affirmation quand il avertit fièrement que « la passion de la destruction est une passion créatrice ». Mais la négativité déploie ses propres conséquences, en deçà des motivations généreuses : lutopie bakouniniste dun monde de lanarchie qui serait la glorification de la liberté absolue, justifie à lavance, dans la mesure où elle requiert la médiation dune dictature implacable, les théories dun Sergheï Netchaïev qui, de labsolutisation de lidéal révolutionnaire, déduisait le « tout est permis » où le cynisme des bureaucraties totalitaires puisera une apparence de légitimité rationnelle. Tous les révolutionnaires néprouvent pas les scrupules des authentiques martyrs que furent Ivan Kaliaïev et Voinarovski. Déjà, chez Tkatchev, on glisse à une conception militaire du socialisme, où le nihilisme se pare des prestiges fallacieux du rendement et de lefficacité. Le terrorisme étatique est bien fils du nihilisme.

Dieu est mort

Le fou qui, dans Le Gai Savoir de Nietzsche, apostrophe les passants, une lanterne à la main, en criant : « Je cherche Dieu ! » et qui, blessé des moqueries de ses auditeurs, leur jette au visage laccusation : « Nous sommes tous les assassins de Dieu » est un héros nihiliste. Il proclame « la mort de Dieu », cest-à-dire que « la croyance au dieu chrétien est tombée en discrédit » (V, 271). Certes, pour les esprits bien trempés, cet événement marque labolition des anciens dogmes, donc lémancipation de lhomme, qui recouvre lexercice de ses vertus créatrices si longtemps aliénées en Dieu. Mais puisque la mort de Dieu, représentée symboliquement, est aussi un meurtre, auquel a poussé la volonté de vengeance (on reconnaît là le drame du « plus hideux des hommes » mis en scène dans Ainsi parlait Zarathoustra), elle est hypothéquée par de dangereuses équivoques, qui ne manquent pas de développer leurs conséquences funestes : lhomme, affronté à ce vide, ne sera-t-il pas tenté, à lexemple de Kirilov, un des « possédés » de Dostoïevski, de se déifier lui-même par un suicide de provocation et de blasphème ? Ou encore, ne se précipitera-t-il pas dans une agitation furieuse, comme celle qui mobilise autour dune prétendue Grande Idée  en vérité simple baudruche idéologique  les membres de lAction parallèle et son animatrice Diotime, dans le roman de Robert Musil, LHomme sans qualités ? La surenchère morale nest-elle pas un narcotique précieux pour se dissimuler linanité dun monde déserté par le divin ? Hermann Broch a dépeint avec une rare maîtrise toute la gamme des ivresses frelatées et des capitulations plus ou moins ignominieuses que provoque lirruption du nihilisme. Le Huguenau des Somnambules, criminel qui « achève naïvement son rêve denfance dans la réalité », préfigure le Marius du Tentateur chez qui le crime revêt la sauvagerie préhistorique dun sacrifice rituel. On débouche alors inéluctablement sur la trilogie du nazisme dénoncée par Rauschning dans sa Révolution du nihilisme : « La mort de la liberté, la domination de la violence et lesclavage de lesprit. » Devant une telle désolation, comment ne pas se souvenir de lavertissement de Nietzsche : « Si nous ne faisons pas de la mort de Dieu un grand renoncement et une perpétuelle victoire sur nous-mêmes, nous aurons à payer pour cette perte » (XII, 167) ?

2. L'origine du nihilisme : le néant de l'Idéal

Que recouvre le mot « Dieu » dans la proposition « Dieu est mort » ? Nietzsche lexplique : Dieu est la dénomination de lêtre dans la philosophie occidentale et il cautionne un idéalisme métaphysique pour lequel lêtre désigne une réalité intelligible, identifiée au Bien absolu et située au-delà du monde sensible. Or, la spéculation idéaliste, si elle a triomphé historiquement avec le christianisme, « ce platonisme pour le peuple », navait jamais complètement comblé la fissure entre le réel et cet être en-soi paré de toutes les perfections. Le nihilisme coïncide très exactement, selon Nietzsche, avec la découverte que cette contradiction trahit une fatale erreur dinterprétation ; lêtre-idéal nest, en vérité, quun pseudo-fondement, un nihil qui frappe de nullité toutes les valeurs quon lui accroche. Le sentiment de labsurde exprime alors notre désenchantement en présence dun monde dont linhumanité est scandaleuse pour une conscience éduquée selon des canons moraux anthropomorphiques. « Le nihilisme radical, cest la conviction que lexistence est absolument intenable, si on la compare aux valeurs les plus hautes que nous connaissions ; il sy ajoute cette constatation que nous navons pas le moindre droit de supposer un au-delà ou un en-soi des choses qui serait « divin », qui serait la morale incarnée » (XV, 145). Le nihilisme est laveu lucide que lancien fondement métaphysique des valeurs, lêtre identifié à Dieu, nest quune fabulation autour du néant : « Si un philosophe pouvait être nihiliste, conclut Nietzsche, il le serait parce quil trouve le néant derrière tous les idéaux » (VIII, 139-140).

Les mensonges de la décadence

Appliquant une nouvelle méthode critique, la méthode généalogique, qui consiste à détecter, sous les arguments rationnels, les articles de croyance ou « valeurs », puis, en deçà des valeurs, le type de vie qui en use pour dominer, Nietzsche impute à un phénomène de déchéance vitale, quil nomme la Décadence, la responsabilité de la crise nihiliste. Le nihilisme est l« idéologie » ou encore la « morale » de cette espèce dhommes qui a besoin des chimères idéalistes pour se consoler de son impuissance à maîtriser le devenir, les contradictions, la douleur inhérents à la réalité véritable. La décadence correspond à lune des possibilités de la volonté de puissance, qui se manifeste soit comme volonté de vie, soit comme volonté du néant. Or la décadence a submergé les instincts de vie et a établi le règne universel de sa morale idéaliste, provoquant la domestication des tempéraments délite, le nivellement de la hiérarchie naturelle, la falsification cauteleuse des faits, la prépondérance des impératifs grégaires, la calomnie du corps et, au bout du compte, lenlaidissement nihiliste du monde.

Comment a-t-elle pu obtenir ce résultat ? Par une méthode expéditive qui consiste à détourner les catégories logiques de leur fonction propre (valeurs au service de la vie, selon les points de vue où sexprime le perspectivisme de la volonté de puissance) en les hypostasiant au-delà du monde sensible à titre de vérités absolues. La décadence construit de cette manière la fiction dun monde « inhumain et dénaturé » et cest précisément ce « néant céleste » (VI, 43) qui allume lincendie du nihilisme.

Idéal et vérité

Mais, pour que le néant soit démasqué, il faut dabord que se produise une mutation à lintérieur de la morale décadente. La véracité ne triomphe du vieux mensonge idéaliste quà partir du moment où, selon une impulsion authentiquement dialectique, la morale se surmonte elle-même, engendrant la passion de la connaissance et la probité intellectuelle. Cependant, il ne suffit pas davoir laudace de renier le mensonge métaphysique, il faut accumuler la force apte à bâtir un nouveau monde, uvre de la volonté de puissance ascendante, et cela nest concevable que si la décadence, qui apporte avec elle lesprit (Geist), le sens du négatif et de lintériorité, se conjugue avec les types de volonté de puissance préservés de la contamination nihiliste, pour produire « lesprit libre », tel que le souhaite Nietzsche, cest-à-dire unissant « à la supériorité intellectuelle la santé et la surabondance des énergies » (XVI, 307), ou, selon une splendide formule, « un César romain qui aurait lâme du Christ » (XVI, 353).

La victoire de la véracité, derechef, ne doit pas entraîner la folle surestimation de la puissance du vrai. On saperçoit, en effet, que lIdéalisme métaphysique sanctionne la présomption de lhomme qui confond abusivement la vérité avec le Bien, selon les sollicitations de son désir. On veut croire en un être qui, dêtre vrai, mériterait dêtre adoré comme Dieu. Or la mystique de la vérité cache le fanatisme du néant, et la volonté inconditionnelle du vrai nest quune ruse de la pulsion de mort : tuer la vie  par la connaissance ! Aussi la compréhension du nihilisme dans son essence exige-t-elle quon plaide en faveur du mensonge utile à la vie, quon prenne la défense de lillusion dans la mesure où elle stimule la volonté de puissance créatrice ; on échange donc le mensonge idéaliste de la morale contre cette illusion délibérée pour laquelle la véracité elle-même porte témoignage et que Nietzsche nomme lArt. De sorte que, si le nihilisme est le fanatisme de lAbsolu, on saffranchit du nihilisme par cette provocation du « rien nest vrai, tout est permis », qui, assignant une limite à lexigence de la véracité, protège les droits de lart, ce maître de la vie elle-même. On surmonte le nihilisme grâce à un extrémisme esthétique enseignant « quil ny a pas de vérité ; quil ny a pas de nature absolue des choses, de « chose en soi ». Ce nest là que du nihilisme et du plus extrême. Il place la valeur des choses justement dans le fait quil ny a aucune réalité qui corresponde ou qui nait jamais correspondu à ces valeurs, mais quelles sont au contraire un symptôme de force chez le créateur de valeurs, une simplification « utile à la vie » (XV, 152).

3. La logique du nihilisme

Ayant dégagé lessence du nihilisme, Nietzsche retrace lhistoire du nihilisme européen suivant les étapes de sa radicalisation.

Du pessimisme au nihilisme actif

Prélude au nihilisme, le pessimisme traduit le dégoût de laction, le vertige de labsurde, lexaspération morbide de la pitié. La métaphysique de Schopenhauer est la théorie de ce pessimisme ; elle prêche la sainteté, ou négation du vouloir-vivre par lascèse. Thomas Mann, dans Les Buddenbrooks, a décrit la déception paralysante qui accompagne la découverte que notre monde est « le pire des mondes imaginables ». Encore cette lucidité est-elle éphémère. Un réflexe de panique jette le pessimiste dans la recherche affolée dune compensation, qui caractérise le nihilisme incomplet. Un certain militantisme, un certain athéisme cramponné aux valeurs morales, le scientisme, le socialisme enfin : autant dessais fébriles pour « échapper au nihilisme, sans renverser les anciennes valeurs ». Tout spécialement, Nietzsche redoute que, sous le couvert de son optimisme moral, le socialisme ninstaure la domination du Dernier Homme, ce parasite de la vie à labri dune société égalitaire, qui fait du bonheur, gagé sur la technique, sa nouvelle idole. Le nihilisme passif surgit alors, pour relever le défi de la lucidité intransigeante. Il refuse les expédients du nihilisme incomplet, mais, par manque dénergie, il pousse la probité intellectuelle jusquau pur négativisme : « Tout est faux ! » Sur cette constatation lugubre, on croit en finir avec langoisse, on naspire plus quau repos, à loubli, à une espèce de bouddhisme de la torpeur. Les forces restées intactes sinsurgent contre une telle démission. Elles senflamment à la perspective dun anéantissement universel. Le nihilisme devient volontarisme terroriste. Les esclaves révoltés « veulent eux aussi exercer la puissance, en obligeant les puissants à être leurs bourreaux » (XV, 185). Fête sinistre de la volonté de puissance décadente qui essaie de se procurer une ultime jouissance dans les spasmes du meurtre et du sacrifice. Cest le nihilisme actif.

Le dépassement du nihilisme

Seule une décision qui maîtrise toutes les conséquences du nihilisme peut arracher lhumanité à la catastrophe. Cette décision inaugure un pessimisme héroïque, ou pessimisme de la force dans le style grec, que Nietzsche appelle un « nihilisme extatique » ou « classique ». On se propose de couper aux décadents toute retraite vers des consolations chimériques, afin de contraindre lhumanité à se dépasser vers le surhomme. Lhomme est destiné au surhomme dès linstant où il découvre, à la lumière du nihilisme, quil na pas dessence préétablie mais que la définition de son être doit jaillir de sa propre volonté de puissance démiurgique. « Tous les dieux sont morts, ce que nous voulons à présent, cest que le Surhumain vive ! » (VI, 115.) Il faut alors « philosopher à coups de marteau » : briser les idoles, fracasser les vieilles valeurs métaphysiques, sanctifier le corps, engager une « grande politique » qui désavoue les rêveries égalitaires, dissipe les mirages de lÉtat, bafoue les plaisirs moroses de la société de consommation. Le marteau que Nietzsche confie aux mains du philosophe de lavenir, cest la doctrine du Retour Éternel. Doctrine éminemment sélective, puisquelle pousse les faibles au suicide, en enseignant : tout se répète, donc seule une vie qui, à chaque instant, adhère dun élan dionysiaque au monde réel peut gagner sa justification et transmuter labsurde en jubilation créatrice. Plus de tergiversations, de dérobades, de fuites vers les arrière-mondes, de dualisme moral ! Un immoralisme constructif brasse tous les contraires, tire la raison de linstinct et les vertus des passions les plus explosives. Le néant du nihilisme est exorcisé par la ferveur dune véracité qui réconcilie, dans la puissance, les valeurs du savoir et les valeurs esthétiques de la vie.

4. Les interprétations du nihilisme après Nietzsche


Nihilisme et marxisme

Les philosophes dobédience marxiste qui ont ouvert le dialogue avec la pensée nietzschéenne ne pouvaient pas, bien entendu, entériner sa critique du socialisme et pas davantage les solutions quelle suggère à la crise nihiliste ; ils inclinent plutôt à voir dans ses explications les reflets idéologiques dune situation de classes et cherchent donc, dans la ligne du matérialisme dialectique, à expliquer lirruption du nihilisme par les luttes de classe et les contradictions entre forces productives et rapports de production qui déchirent la société bourgeoise. Ainsi, aux yeux de György Lukàcs, la philosophie nietzschéenne étant « la morale de la classe dominante », ses concepts majeurs ont pour fonction objective de légitimer lexploitation du prolétariat par le capitalisme. Le mythe du surhomme serait alors une apologie de la « brute blonde » livrée à ses instincts : la volonté de puissance, la formulation idéologique de loppression bourgeoise dans sa phase ultime, celle de limpérialisme. Enfin, le nihilisme, sil est correctement décrit par Nietzsche, serait le symptôme de la décrépitude qui frappe les idéaux bourgeois. Le néant du nihilisme na aucun contenu ontologique ; il traduit, au niveau des représentations subjectives, la contradiction réelle dont la bourgeoisie est en train de mourir.

La seule issue authentique est donc la révolution prolétarienne. Et, sans nul doute, la critique marxiste a raison déclairer ce que Nietzsche laisse dans lombre : les conditions économico-sociales du nihilisme. Mais elle ne réfute quune caricature de nietzschéisme. Et tant quelle naura pas intégré la problématique nietzschéenne de la vérité et de lillusion, elle ne pourra parer lobjection décisive que lui adresse Nietzsche : dêtre un nihilisme incomplet.

Nihilisme et oubli de lêtre

Quant à Heidegger, il accorde à lanalyse du nihilisme par Nietzsche une signification cruciale : « Le nihilisme, indique-t-il, est le mouvement universel des peuples de la terre engloutis dans la sphère de puissance des Temps modernes. » Mais il estime que Nietzsche, loin de surmonter le nihilisme, la porté à son achèvement, parce quil na jamais pu saisir lessence intime de la métaphysique, dont le nihilisme procède. La preuve en est, selon Heidegger, que les concepts nietzschéens sont tous marqués du sceau de la métaphysique : volonté de puissance et Retour éternel sont définis, en fonction de la dualité spécifiquement métaphysique de lessentia et de lexistentia, tandis que, de son côté, le thème du surhomme est lexpression paroxystique de la «  subjectivité » de lhomme en tant quanimal raisonnable, conformément à la conception dAristote. Simplement, la hiérarchie des termes est inversée, cest désormais lanimalité qui sexhibe dans le déchaînement des instincts, de même que, par leffet du retournement du platonisme, la réalité sensible vient occuper la place tenue par le monde intelligible. La méditation nietzschéenne reste ainsi inféodée au destin de la métaphysique, qui requiert lobjectivation illimitée de l« étant » afin de garantir à la subjectivité humaine et à sa « représentation » la domination absolue. Rien détonnant, alors, si cette subjectivité, encore cachée dans le thème platonicien de lIdée, saffirme chez Nietzsche volonté de puissance, puisquil appartient à la nature de cette subjectivité de revendiquer un pouvoir inconditionnel et que la volonté de puissance, précisément, est la volonté qui se veut elle-même dans le cercle du Retour. La métaphysique nietzschéenne de la vie relaie la métaphysique de lesprit qui avait, chez Hegel, capté le sens du cogito cartésien et de la raison pratique kantienne. De ce point de vue, la volonté de puissance manifeste le sens métaphysique de la technique moderne, ainsi quen témoignent, tout spécialement, deux uvres dErnst Jünger, La Mobilisation totale et Le Travailleur, dans lesquelles Heidegger reconnaît la pensée extrême du nihilisme actif guidée par ce concept nietzschéen de la volonté de puissance.

Ultime confirmation : Heidegger insiste sur le fait que Nietzsche traite toujours le néant du nihilisme comme un néant de valeur, et non comme un néant dêtre. Ou, plus subtilement, Nietzsche nappréhende que le néant qui se donne dans lexpérience de la non-valeur, cest-à-dire le néant qui concerne « létantité de lêtre », et jamais le néant authentique que Heidegger réfère à la vérité de lÊtre dont il serait ainsi le « voile ». Cest pourquoi, également, Nietzsche manque le sens de lillusion qui dissimule lêtre, il sobstine à fixer le statut de lillusion à partir dune analyse de lArt, maintenant par là sa réflexion dans lorbite du platonisme.

Pour vaincre le nihilisme, Heidegger suggère de renoncer à toutes les catégories métaphysiques et de questionner inlassablement vers lÊtre. Car il sagit de penser, non point (à lexemple de la métaphysique) lêtre de létant, ou la totalité des étants, ou lÉtant suprême appelé Dieu, mais la « vérité de lêtre » dans sa différence avec létant, différence que Heidegger nomme le Pli. À cette condition seule, on arrachera à la métaphysique le secret de sa puissance nihiliste, qui est dêtre lhistoire de « loubli de lêtre ».

Très stimulantes en soi, les thèses heideggériennes, quand elles sappliquent aux idées de Nietzsche, leur infligent cependant trop de distorsions pour être convaincantes. Mais leur mérite est de fixer lattention sur lénigme ontologique du nihilisme moderne, dont chacun subit la formidable menace, et de souligner lactualité des interprétations nietzschéennes. Philosophe du nihilisme, Nietzsche est bien, à cet égard, ce quil prétendait être : un « élément fatal et décisif placé aux portes qui séparent deux millénaires ».

Source et recherches à approfondir :
Le nihilisme Kwda
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