MYTHE - Approche ethnosociologique
Prise de vue
L’existence des mythes est attestée dans toutes les sociétés étudiées ou même simplement abordées par les ethnologues, qu’il s’agisse des sociétés les moins évoluées sur le plan technologique ou des civilisations les plus complexes.
À quoi reconnaît-on un mythe ? C’est d’abord un type particulier de récit dont le modèle a été donné par les histoires des dieux de la Grèce antique. Toutefois, bien des mythes ne sont pas des histoires de dieux, ce sont des histoires de héros mais distinguées des contes ou des légendes, ce sont des histoires d’ancêtres mais distinguées des récits historiques, des histoires d’animaux distinguées des fables. La plupart des sociétés opèrent elles-mêmes une classification des divers types de récits, dans laquelle il est facile de reconnaître la catégorie des mythes ; ceux-ci, à la différence des contes qui ne sont que des inventions, sont reconnus pour vrais par les sociétés qui les racontent alors que, contrairement à ce qui se passe pour les récits historiques, il n’y a pourtant là, aux yeux de l’observateur étranger, pratiquement rien de vraisemblable. Même dans les cultures qui ne classent pas les mythes à part, c’est ce divorce entre l’adhésion aux récits en question et leur contenu manifestement fictif qui permet à l’ethnologue de les reconnaître immédiatement comme tels, indépendamment des thèmes qu’ils véhiculent.
La place donnée à l’élucidation de ce paradoxe, c’est-à-dire à l’étude des mythes, est un des meilleurs repères de l’orientation méthodologique et théorique des diverses écoles ethnologiques car elle est significative du type d’intérêt porté à l’activité intellectuelle des hommes et plus spécialement aux rapports de cette activité avec la vie sociale.
1. Mythologie et sociologie
L’intérêt sociologique des mythes se marque de plusieurs façons. Ils sont d’une part reçus et acceptés par tous les membres du groupe tout en étant des œuvres anonymes, sans origine repérable, qui n’offrent d’autres garanties à la croyance des auditeurs que l’adhésion de ceux qui les leur transmettent. D’autre part, le contexte dans lequel ils sont contés offre un intérêt tout particulier pour l’ethnologue ; en effet, à moins qu’ils ne soient transmis systématiquement au cours de rites d’initiation, celui-ci recueillera les mythes le plus souvent, non en demandant, comme c’est possible pour les contes, de se les faire raconter, mais en posant de façon judicieuse les questions qui lui tiennent à cœur ; les mythes se présentent alors comme l’explication, avancée par la société elle-même, des problèmes soulevés par la démarche de l’ethnologue : Comment s’est constituée cette société ? Quel est le sens de telle ou telle institution ? Pourquoi telle fête ou tel rite ? À quoi répondent les interdits ? Qu’est-ce qui soutient le système de valeurs propre à ce groupe ? D’où le pouvoir tient-il sa légitimité ? Comment se définissent les rapports entre les hommes et le monde des dieux ou des esprits ou encore des ancêtres ? À quoi correspondent les prérogatives de tel sexe, telle classe d’âge, tel clan, telle famille, telle catégorie de parent ?
Ainsi, beaucoup de mythes parmi les plus caractéristiques sont, dans toutes les parties du monde, des mythes d’origine qui racontent la création du monde et l’apparition des humains, l’origine de leurs liens spéciaux avec certaines espèces animales et la nature en général, la constitution ou la différenciation des éléments qui composent le groupe, l’apparition des inégalités de divers types, l’origine de la mort, des maladies et de la définition des rapports avec le monde surnaturel, etc. La plupart des mythes renvoient à un temps primordial auquel on se réfère sans cesse comme à la matrice des temps présents et qui ne fait que poser plus profondément le problème de la croyance aux faits merveilleux dont ils sont pleins.
Ces caractéristiques font que pour l’ethnologue les mythes ne constituent pas simplement un genre parmi d’autres ; ils entretiennent un rapport intime avec la démarche du chercheur qui peut décider de les prendre en considération pour essayer d’en tirer des réponses plausibles à certaines des questions qu’il se pose, au risque de se trouver entraîné fort loin de son objectif initial, ou qui peut au contraire passer outre, au risque de les remplacer alors par ceux qu’il apporte avec lui de sa propre société et sans que cela le dispense d’essayer de justifier leur présence universelle.
2. Perspectives traditionnelles
L’évolutionnisme
Les fondateurs de l’anthropologie qui recevaient de toutes les parties du monde les informations recueillies par les voyageurs, les missionnaires, les administrateurs, etc., s’interrogèrent tout de suite sur le statut intellectuel des mythes. Ils se sont vite rendu compte que ceux-ci, en dépit de l’extraordinaire diversité des motifs qui s’explique par le fait que toutes les ressources de l’imagination semblent pouvoir s’y donner libre cours, présentaient finalement, quelle que soit leur origine, des similitudes profondes et surprenantes, non seulement au niveau des cultures exotiques, mais aussi avec les mythologies de l’Antiquité. Les mythes des prétendus primitifs devaient donc bénéficier du même intérêt que ceux de la Grèce antique dont on sait les rapports avec l’origine de la philosophie.
Dans le cadre général des théories évolutionnistes qui dominaient la pensée anthropologique du siècle dernier, les mythes furent alors conçus comme l’expression d’un effort intellectuel pour expliquer le monde, mais aussi comme la manifestation d’une pensée confuse, primitive, irrationnelle, « embryonnaire » pour citer J. G. Frazer. Pour celui-ci comme pour E. B. Tylor, le père de la théorie animiste, les mythes sont le fruit de croyances, résultant elles-mêmes d’une analyse confuse de la réalité. Pour expliquer le passage à la forme narrative, Tylor n’hésite pas à reprendre l’argument de Max Müller et des naturalistes ; ceux-ci voyaient dans la personnification des forces naturelles le résultat d’une sorte de maladie du langage liée au fait que des objets inanimés pouvaient être sujets de verbes qui servent aussi à décrire des actions humaines (exemple : le soleil se lève) ; pour Tylor cependant ce ressort ne fait que corroborer son hypothèse d’une croyance primitive universelle à l’omniprésence des âmes et des esprits, elle-même issue des illusions du rêve.
Le fonctionnalisme
Quand les théoriciens de l’ethnologie commencèrent à se rendre eux-mêmes sur le terrain dans le but non plus seulement de collectionner les faits mais de s’interroger précisément à leur endroit, les vues qu’on vient de résumer parurent vite insoutenables. En effet, ces gens avec lesquels on pouvait vivre, converser, raisonner, étaient manifestement de plain-pied avec la réalité qui les entourait même si celle-ci différait sur certains points de la réalité occidentale ; il était évident qu’aucune insuffisance intellectuelle ne venait entraver l’efficacité des rapports de ces hommes avec leur milieu ; ils ne confondaient pas les rêves avec la réalité, ni les choses avec les mots ; rien dès lors ne pouvait plus justifier l’hypothèse du recours inévitable à des récits fantasmagoriques pour soutenir les démarches d’une pensée mal assurée et d’une perception confuse.
La critique de B. Malinowski, initiateur de cette nouvelle orientation, est toute pénétrée de l’expérience des années qu’il passa pendant la Première Guerre mondiale dans les îles Trobriand (Mélanésie), et au cours desquelles il eut le loisir d’observer les mythes dans leur usage quotidien, vécu, et non comme des textes morts ne s’adressant à personne. Pour lui, les mythes ont pour fonction, non d’expliquer, de répondre à une curiosité de type scientifique, philosophique ou littéraire, mais de justifier, de renforcer, de codifier les croyances et les pratiques qui constituent les ressorts de l’organisation sociale. Comme les autres institutions, les mythes s’expliquent uniquement par leur fonction dans l’organisation sociale ; ils constituent « l’épine dorsale dogmatique de la civilisation primitive », ils en sont « la charte pragmatique ».
De cette conception qui devait dominer toute la tradition anthropologique subséquente découla en fait un profond désintérêt vis-à-vis du mythe comme d’ailleurs des autres genres oraux dont l’étude fut alors abandonnée aux hypothèses diffusionnistes des folkloristes. Elle impliquait en effet qu’il n’y avait rien de plus à trouver dans les mythes que ce qu’on pouvait appréhender dans l’organisation sociale elle-même ; ils n’en étaient qu’un reflet utilitaire, une sorte de rétroviseur qui ne montrait rien de plus que le paysage qu’on venait d’avoir devant soi.
L’école française
À partir des années trente se développe en France, sous l’impulsion de Marcel Griaule, une orientation ethnologique qui prend le contre-pied des hypothèses fonctionnalistes. Griaule et ses disciples africanistes accordent aussi la première place au terrain, mais c’est pour concentrer toute leur attention sur ce qu’on appellerait aujourd’hui le symbolisme, c’est-à-dire les mythes, les rites, l’idéologie, les modes de connaissance, la conception du monde. Les peuples soudanais, tels les Bambara et surtout les Dogon chez qui cette école mena et continue de mener ses recherches, semblent avoir eux-mêmes développé de façon particulièrement réfléchie et systématique des modes de pensée fondés sur le mythe, l’analogie, les signes symboliques, les systèmes de correspondance, l’ésotérisme initiatique. Griaule et ses disciples se sont donc mis à leur école pour essayer de saisir jusque dans ses plus profonds retranchements la cohérence de leur culture. La première place, dans cette perspective, revient à l’étude des mythes, ou plutôt de la mythologie conçue comme système cohérent et ordonné de mythes et de croyances diverses.
Le mérite de cette orientation est que, pour la première fois, les mythes sont étudiés dans leur intégralité ; chaque détail doit trouver sa place dans le système ; en revanche ce système, qui n’est pas autre chose que la pensée dogon ou bambara figée par le regard de l’ethnologue, ne fournit plus aucune prise à l’interprétation ; les mythes expliquent tout ; le symbole, l’analogie, la métaphore se suffisent à eux-mêmes comme explication. Tout le jeu social n’est qu’une mise en œuvre des mythes ; l’ethnologue n’a rien à dire de plus sur la société dogon que ce qu’en disent les Dogon eux-mêmes. La spécificité de chaque culture ainsi comprise exclut tout essai de comparaison et donc toute perspective anthropologique véritable. Ici c’est l’étude de la réalité sociale qui est négligée puisque celle-ci n’apparaît jamais que comme le reflet plus ou moins précis, l’aspect vécu de façon plus ou moins adéquate, des constructions idéologiques contenues dans les mythes.
3. L’analyse structurale
Les mythes étudiés en eux-mêmes
Bien qu’il se situe en dehors du domaine strict de l’ethnologie, Georges Dumézil doit être considéré comme le précurseur de l’analyse structurale des mythes ; dans ses travaux sur les mythes et l’idéologie des divers peuples indo-européens de l’Antiquité, il découvre comment la confrontation de plusieurs mythes permet de dégager des structures qui leur sont communes. Elles consistent en certains agencements de catégories sociologiques dans le cas du corpus qu’étudie Dumézil – catégories qui suggèrent un système de castes –, mais, contre son hypothèse de départ, il doit reconnaître que ces catégories ne reflètent pas nécessairement celles de la société qui produit les mythes en question : elles ne reflètent rien d’autre que l’activité de l’esprit, ne sont rien d’autre que des outils de l’intelligence.
Claude Lévi-Strauss devait tenter de fonder une véritable science des mythes en les étudiant enfin pour eux-mêmes ; on s’efforce de dégager leurs propriétés avant de leur assigner une fonction dans un système quelconque. Les mythes apparaissent alors déterminés beaucoup plus les uns par les autres que par leur contexte ; ils sont les transformations les uns des autres non seulement dans une culture donnée mais même à l’échelle des continents.
Pour Lévi-Strauss, il s’agit de savoir ce qu’il faut chercher derrière le sens manifeste des textes mythiques, ces histoires qui semblent gratuites et qui pourtant se ressemblent d’un bout à l’autre de la planète et sont prises tellement au sérieux par les sociétés les plus diverses. Il dégage des procédures d’analyse qui, appliquées avec toute l’intuition anthropologique nécessaire, donnent pour la première fois l’impression qu’on peut comprendre quelque chose aux mythes des sociétés exotiques, pénétrer dans l’intimité de leur univers mental. Pour analyser par exemple un mythe des Indiens Tsimshian (Colombie britannique) où le héros, Asdiwal, effectue un périple qui lui fait parcourir aussi bien l’aire géographique propre à cette tribu que voyager en mer, gagner le ciel et visiter le monde souterrain et cela en étant chaque fois confronté à des problèmes d’alliance avec diverses femmes et à des problèmes d’approvisionnement à diverses sources, Lévi-Strauss commence par isoler les niveaux où évolue le mythe : géographique, économique, sociologique, cosmologique ; ces différents niveaux marqués par le symbolisme qui leur est propre dans le cadre de la culture tsimshian sont alors comparés, et ils apparaissent chacun « comme une transformation d’une structure logique sous-jacente et commune à tous les niveaux ». Chacun est un code qui transmet le même message et renvoie à tous les autres. Il s’agit ici, à travers l’exposé d’une série de médiations impossibles entre des oppositions rangées en ordre décroissant, de confesser qu’un certain type de mariage lié à un certain mode de résidence ne parvient pas à surmonter une antinomie à laquelle sont assimilées d’autres antinomies conçues sur les plans les plus divers.
Les mythes ne cherchent pas à peindre le réel mais spéculent sur ses virtualités latentes ; si le contexte est indispensable à l’analyse, le sens des mythes ne se tire pourtant pas de lui mais de l’étude des agencements propres aux textes eux-mêmes. L’analyse structurale des mythes exige donc que d’une part on superpose à la lecture horizontale des textes une lecture verticale qui permet de dégager les oppositions pertinentes responsables de la cohérence de l’ensemble du texte, que d’autre part on compare entre eux plusieurs versions d’un même mythe et plusieurs ensembles de mythes pour saisir toutes les implications des différents niveaux sémantiques qui s’interpénètrent dans chaque texte. L’entreprise gigantesque des Mythologiques consacrée à l’étude des mythes des Indiens des deux Amériques fait apparaître l’importance de ces codes et le jeu par lequel ils renvoient indéfiniment les uns aux autres ; Lévi-Strauss montre que la cuisine, par exemple, ses opérations et les objets auxquels elle s’applique, est aussi « bonne à penser » ; ses catégories sensibles que font ressortir des systèmes d’opposition peuvent d’une part être utilisées pour penser d’autres réalités, d’ordre sociologique ou cosmologique par exemple, et d’autre part ouvrir la voie à des catégories plus abstraites. Dans cette optique, la structure des mythes reflète la structure de l’esprit humain. En outre, les mythes ne sont pas seulement un jeu de l’esprit mais le lieu privilégié où se forgent les catégories ; ils servent non seulement à marquer des écarts qui sont déjà donnés par la nature (exemple : l’homme et la femme, le ciel et la terre), mais aussi à introduire la discontinuité indispensable au travail de l’intelligence en creusant des écarts au sein du continu (exemple : nature et culture, nous et les autres). C’est à ce travail qu’on doit sans doute le caractère extravagant, emphatique des thèmes mythologiques ; on devine ce que peut être, par exemple, la fonction d’opérateur logique d’un personnage aussi universel que le trickster, médiateur impertinent en qui de façon incongrue se juxtaposent les contraires (le trickster, littéralement trompeur, personnage mythique du cycle winnebago, cf. Paul Radin, The Trickster et article FOLKLORE).
La fonction des mythes
On a souvent rapproché le mythe et le rêve. Le récit d’un rêve ressemble beaucoup à un mythe et, quelle que soit leur invraisemblance, les rêves sont partout considérés comme porteurs de significations profondes. On a démontré récemment que les rêves étaient indispensables au sommeil et donc à la santé mentale et physique des individus. Si rêver est une condition indispensable de l’activité intellectuelle, les mythes, eux, sont sans doute nécessaires à la mise en forme des produits de cette activité et à l’organisation des relations entre les individus. Dans la mesure où les mythes servent à constituer les catégories dans lesquelles s’enracinent les cultures, ils jettent à la fois les bases de la signification et celles de la communication. Par eux, l’ordre de la culture et l’ordre de la société sont intimement associés sans pour autant qu’il faille voir l’un comme le reflet de l’autre.
Sous cet angle, le problème de la croyance s’évanouit ; celui qui apprend à parler ne met pas en question l’arbitraire du signe, est tenu de croire que, comme on le lui a appris, il y a, malgré les apparences, un rapport étroit entre tel ensemble de sons et tel objet qu’on désigne, de même celui qui apprend à penser ne peut mettre en doute au départ ce qui est mise en place de la pensée. Le problème de la foi n’est jamais mis en avant dans les petites sociétés qu’étudie l’ethnologue ; c’est seulement dans un contexte où plusieurs systèmes possibles s’affrontent qu’il surgit et qu’il peut même être placé au centre du système comme une nouvelle catégorie mythique.
4. Les mythes et la société moderne
Si la fonction des mythes est bien celle qu’on vient de désigner, elle est évidemment universelle et rien ne permet de supposer que notre civilisation puisse se dispenser de mythes ou de leur équivalent. Deux remarques cependant s’imposent. En premier lieu, dans la mesure où la fonction des mythes est liée à l’adhésion qu’on leur accorde, on est enclin à ne jamais reconnaître comme mythes que les mythes des autres. Au sein d’une civilisation aussi complexe que la civilisation industrielle, des sous-groupes peuvent certes relativiser la position d’autres sous-groupes en les accusant de s’abandonner à des mythes ; ainsi le marxiste face au chrétien, l’artiste face à l’homme d’affaires, une génération face à une autre, et réciproquement. Mais, pour découvrir ce qu’est le travail des mythes dans son propre esprit, il faut automatiquement faire référence à d’autres mythes, fût-ce celui de la « science ». En second lieu, les mythes s’insèrent toujours dans un système de genres oraux ou écrits qui diffère selon les cultures et qui influe sur la forme particulière qu’y prennent les mythes eux-mêmes. Les sociétés qui se conçoivent comme immuables et ne retiennent rien de leur histoire auront une mythologie dont l’axe se situe autrement que dans une société où l’histoire est mise au premier plan. Tous les genres, aussi bien les genres littéraires comme le conte, la poésie ou le théâtre, que l’histoire ou la philosophie, entretiennent un rapport direct avec les mythes qui façonnent les significations dont ils sont porteurs. Dans la civilisation industrielle, les récits de la Bible et des Évangiles, mais aussi l’Histoire en général telle qu’elle est utilisée dans l’éducation ou pour expliquer ou justifier des choses actuelles, sont des mythes qui ont bien ce caractère de récits dont l’intérêt réside dans la cohérence qu’on y suppose et le crédit qu’on leur accorde. Il est probable que la fonction des mythes puisse être assumée non seulement par des récits se référant nécessairement à un passé supposé réel et façonné d’une certaine manière, mais aussi par des modèles axés sur le futur tels qu’en proposent certaines philosophies politiques ou certaines visions scientifiques. L’idée de progrès, par exemple, commence déjà à prendre à nos yeux tous les caractères d’un mythe, c’est-à-dire que nous nous en dégageons pour lui en substituer d’autres, celui de la relativité peut-être. La science elle-même, dès qu’on la conçoit comme un tout cohérent et qu’on en tire des modes de représentation et de comportement, joue le rôle d’un mythe : ce qu’on appelle la vérité, fût-elle scientifique, n’est sans doute rien d’autre qu’un effet de signification et la signification elle-même le produit des mythes.