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 Prière et contemplation

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PhilippeT

PhilippeT


Messages : 493
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MessageSujet: Prière et contemplation   Prière et contemplation EmptyVen 3 Mai - 18:51

PRIÈRE ET CONTEMPLATION

Prise de vue

La prière nest pas séparable de la totalité de lexpérience religieuse. Elle est le « verbe » qui donne forme articulée au commerce dabord indicible avec le divin ou le sacré. Verbe qui sorganise selon la cohérence des diverses croyances. Verbe qui accompagne souvent dautres activités religieuses : offrandes et sacrifices, oracles, rites divers, jeûne. Mais précisément parce quelle est verbe, cest-à-dire expression ordonnée et langage dun être aux prises avec son destin, elle est la plus représentative des manifestations de la relation de lhomme avec une transcendance. Envisagée dans une perspective phénoménologique, la prière apparaît comme naissant dun besoin qui pousse au recours. La croyance va préciser le recours possible et armer la prière de ses invocations, de ses arguments, bref de son langage. Grâce à elle, le besoin brut se structure en désir digne dêtre présenté aux dieux.



1. Le recours

Devant un danger imminent, dans une souffrance aiguë, un cri de prière peut jaillir de nimporte quelles lèvres humaines. Cest à peine une prière, cest le recours à létat pur : si quelque puissance écoute et peut quelque chose pour moi ! Jailli du sentiment de pure détresse, un tel cri est à peine articulé, et celui qui la lancé se reprend souvent, honteux davoir cédé à ce quil juge une faiblesse.

Par là se trouve posé le problème humain du besoin. Lhomme est un être de besoins. Enfant, il nest que cela. Adulte, que ce soit comme individu ou comme groupe, il a pris la mesure des besoins permanents à la satisfaction desquels il doit se consacrer sans trêve. Il lui faut bien les avouer et évaluer ses impuissances. Mais il doit aussi échapper à la tentation de la crainte excessive, de la démission, de la régression infantile, sans quoi cen est fait de lui dans la lutte pour lexistence.

Surgissement de la prière

Dès ses états archaïques, la prière représente une solution à ce problème. La prière : non plus le cri, mais la décision davoir recours à des puissances supérieures par une parole où, avouant sa dépendance, lhomme affirme paradoxalement sa dignité et son pouvoir. Car, pour le primitif, la parole qui implore est puissante à sa manière (on le voit, à lextrême, dans la magie). Ainsi, détenir le nom dun dieu, cétait lobliger à répondre à lappel quon en faisait. La prière : ruse de lhomme pour, dans son impuissance, maintenir la conscience de son pouvoir, concession dune dépendance à légard de forces obscures, mais dans la dignité dun être qui a le secret de la parole.

On ne sétonnera donc pas que la prière archaïque ait été, la plupart du temps, minutieusement organisée. Des prières étaient prévues pour toutes les situations dinsécurité. Ainsi lAfricain a-t-il un registre de prières pour la naissance, la puberté, le mariage et la mort ; car, en ces quatre seuils de lexistence, il y a lieu de conjurer linquiétude et les incertitudes de lavenir. Mais, outre ces temps forts, une foule de situations délicates ont chacune sa prière : besoin de pluie pour les récoltes, de gibier pour la chasse, de fécondité pour les troupeaux, danger de guerre. La prière a une fonction conjuratrice, rassurante, incantatoire, autant quune prétention opératoire ; et cest ce qui en fait la somptueuse variété, ce qui lui confère la qualité poétique et humaine qui touche encore lhomme daujourdhui. Fort de sa prière, le primitif avance avec tranquillité dans un univers où trop de facteurs échappent tant à sa raison quà sa maîtrise. On appellera « besoins de subsistance » ces besoins nés du manque, de la détresse, des nécessités concrètes. Lhomme est encore en proie à dautres types de besoins, quon pourrait appeler « besoins de sens » : comprendre le monde, y percevoir sa propre place, mettre de lordre dans le chaos des êtres. Pour ces besoins aussi, le primitif sest tourné vers plus grand que lui. Il a jalonné son univers à laide de repères chargés dun sens venu dailleurs : hiérophanies, ou manifestations du sacré, souvent matérialisées ensuite par des sanctuaires et commémorées dans les légendes et les mythes dont sétoffèrent les liturgies. Une bipolarité affective caractérise ces phénomènes : dune part, la crainte dêtre anéanti par ce que le numineux a de terrible (« Nul ne peut voir Dieu et vivre », dit une des maximes les plus archaïques de la Bible) ; dautre part, laspiration à se hausser soi-même au niveau de cette surexistence, qui semble détenir le secret du vrai réel. En outre, devant lhiérophanie et sil surmonte la crainte, lhomme religieux éprouve ce quon pourrait désigner comme lembryon du mysticisme : un sentiment de fusion heureuse avec une présence englobante, la certitude davoir entrevu les racines des choses, ou ce fameux sentiment de dépendance analysé par Rudolph Otto, « sentiment de la créature qui sabîme en son propre néant et disparaît devant ce qui est au-dessus de toute créature ». Ainsi naît la gamme variée de la prière : adoration, louange, reconnaissance, etc.

Contestation de la prière

Par rapport à ce point de départ assez universel, la civilisation occidentale a vu se développer deux sortes de pensée rationnelle, dailleurs étroitement conjointes, qui sont lentement devenues des facteurs de dissuasion de la prière. La première est la pensée philosophique, qui, au cours dune tradition quasi ininterrompue, a récusé lanthropocentrisme de la prière « intéressée ». Celle-ci est, à ses yeux, inconciliable avec Dieu même, lequel ne peut être un pourvoyeur pour les convoitises humaines. Elle est indigne de lhomme raisonnable, lequel ne vise que des biens supérieurs et nattend la satisfaction de ses légitimes besoins que de son propre effort. « Combien es-tu fou de prier pour avoir un bon esprit quand tu peux te le procurer toi-même », disait Sénèque. Au surplus, le recours à une Providence est une absurdité, puisquil laisse entendre que la divinité pourrait satisfaire les caprices ou les besoins dun individu en dérogeant aux lois universelles de la nature, dont elle est auteur et gardienne. Bref, la croyance à lefficacité surnaturelle de la prière « relève dune structure mentale qui contredit aux conditions rationnelles de la réflexion humaine » (L. Brunschvicg).

Elle contredit aussi à la mentalité issue de la civilisation industrielle, qui constitue le second facteur de dissuasion. Dans cette société, tous les besoins anciens ne sont pas satisfaits, dautres y sont créés, bien des risques et des détresses subsistent ; mais lidée vient de moins en moins en de telles situations davoir recours à une Providence. Lhomme se sent assez autonome, assez sûr de lui, assez puissant pour assumer seul et sans angoisse excessive (ce qui ne veut pas dire sans souffrance ni misère) ce quil lui reste dévidente impuissance.

En va-t-il de même pour les besoins de sens ? Les philosophes ici ont été plus nuancés, beaucoup ont admis la légitimité dun certain type de prière. Épicure ne demandait rien aux dieux, puisquil nen attendait rien ; du moins adressait-il ses hommages à leur beauté. Kant méprise « la mentalité paresseuse et pusillanime, qui se défie entièrement delle-même et attend une aide étrangère », mais il accueille « lesprit de prière », cest-à-dire « lintention accompagnant toutes nos actions de les accomplir comme si elles sexécutaient pour le service de Dieu », et létat dadoration qui naît « de la contemplation de la profonde sagesse de la création divine dans les plus petits objets et de sa majesté dans les grands aspects » (La Religion dans les limites de la simple raison). Le philosophe justifie volontiers la prière par sa fonction psychique délever lâme vers les valeurs supérieures : Comte la conçoit comme « une solennelle effusion, individuelle ou collective, des sentiments généreux, toujours liés aux vues générales » (Pensées et préceptes). Et Jaspers : « Quand elle est vraiment personnelle et jaillie des origines, la prière se trouve à la limite de la pensée philosophique ; elle devient philosophie dans linstant où sabolit toute relation intéressée avec la divinité » (La Foi philosophique).

La pensée contemporaine se préoccupe de plus en plus du sens. Le développement des sciences, tant celles de la nature que celles de lhomme, les problèmes posés à une humanité qui saccroît très vite sur une planète rétrécie nont fait quapprofondir les besoins de sens et quen accroître lurgence. Lhomme est à la recherche des sources du sens. Lhistoire de cette évolution est trop neuve pour quon puisse déjà en apprécier la portée. Il semble bien, cependant, que, par insurrection contre l« unidimensionnalité » de la civilisation industrielle, beaucoup cherchent à renouer le contact avec les grandes énergies cosmiques et avec ces réserves obscures des profondeurs que la rationalité scientifique a dabord refoulées comme irrationnelles, mais qui pourraient bien fournir à la raison humaine de demain ses meilleures ressources. Pour linstant, on se trouve en face dattitudes qui ne sont pas sans analogie avec des attitudes de prière : le verbe poétique, lharmonie ou la transe musicale ou chorégraphique, voire lusage des hallucinogènes ont pu être désignés comme de la « prière sécularisée ». Disons quon peut y voir lexpectative dune donation de sens advenant de plus loin que la conscience individuelle et rationalisée. Mais à quoi cette attitude demeure-t-elle ouverte ? À lhomme seulement, à la totalité indéfinie et close de lunivers, ou à une transcendance ? Lambiguïté subsiste.

2. Le rôle de la croyance

On se ferait une idée caricaturale de la prière si on ny voyait que lexpression dun besoin signifié et transmis à une instance supérieure à fin dexaucement. Le besoin incite au recours, mais le recours va être lui-même conditionné par le type de relation qui unit lorant et son dieu. Cest la croyance qui encourage, justifie et structure le recours.

Une question capitale se pose : nest-il pas essentiel à la prière que son terme transcendant soit conçu comme personnalisé ? Une puissance impersonnelle peut être crainte, célébrée, conjurée ; mais peut-elle être priée ? Pour interpréter correctement tant lexpérience que les croyances, il convient, en fait, daccepter une certaine ambivalence.

La mentalité primitive, remarque Mircea Eliade, ne raisonne pas dans la perspective distinguant personnel et impersonnel, mais « en termes ontologiques : ce qui existe, ce qui est réel dune part ; et ce qui nexiste pas dautre part ». La plupart des primitifs ont perçu deux degrés dans le sacré : dune part, ils ont reconnu, à travers les hiérophanies ouraniennes (dont le support sensible est la voûte céleste), lexistence « dun Être divin céleste, créateur de lunivers et garant de la fécondité de la terre » ; dautre part, ils ont eu tendance à laisser tomber dans loubli cet Être conçu comme personnel mais lointain, pour accorder leur attention à des formes inférieures, telluriques, du sacré (génies, démons, esprits, divinités locales). À ce dernier niveau, cest lanimisme qui prévaut sans que soit réellement posée la question de la nature personnelle ou impersonnelle des forces avec lesquelles on entre en relation.

Les grandes religions ont sur ce point des croyances plus fermes mais non dénuées de nuances. Si lon considère lhindouisme, par exemple, on ne sera pas peu surpris de voir les interprétations demeurer hésitantes. Les manifestations du brahman (ou réalité suprême) dans la nature sont infiniment variées et il est légitime de les vénérer sous une foule de formes personnalisées ; celles-ci ne contredisent pourtant pas limpassible impersonnalité du brahman, car plus fondamentale que toute représentation du divin est la croyance que lunivers sensible, avec sa contingence et sa multiplicité, nest quune succession de formes se résorbant toujours dans lunité primordiale. Selon une autre façon de voir, la relation personnelle que noue le fidèle à légard de lune ou lautre divinité majeure se nourrit de la croyance ferme dans le caractère personnel du dieu. Ainsi Toukârâm chanta-t-il Vishnu incarné en Krishna : « Toi, mon Dieu, tu es ma mère, mon père, mon trésor, ma famille, mon tout. Tu es celui qui façonne mon bonheur, ô Dieu ! »

Le bouddhisme, né, au Ve siècle avant lère chrétienne, dune réaction contre la prolifération des divinités dans lhindouisme populaire, se désintéresse de la nature métaphysique de la réalité ultime. À son sujet, les avis sont encore partagés : on la longtemps considéré comme un athéisme, puisquaucun dieu ny est proprement invoqué ni conçu. On tend aujourdhui à reconnaître que les choses ne sont pas si simples. Ce qui est certain, cest quen dehors des prières adressées au bouddha lui-même, plus ou moins divinisé dans la suite des temps, ou aux bodhisattvas dans le Grand Véhicule, lexercice orant principal du bouddhisme est la méditation, qui nest nullement méditation sur les uvres ou les attributs dune divinité, mais réalisation du vide intérieur, prélude à lillumination (dans le zen, par exemple), ou concentration de lesprit pour obtenir la suppression de la souffrance.

Les religions révélées, judaïsme et christianisme, professent le caractère éminemment personnel de Dieu, qui est justement conçu comme « Dieu vivant », comme celui qui le premier interpelle lhomme par une parole intelligible. Il sensuit que la prière y est essentiellement une réponse à lavance divine, la poursuite dun dialogue qui, à travers les faits de lhistoire et les circonstances de la vie, va sintensifiant et sapprofondissant. « Lhomme qui prie se place « devant la Face », se place dans laccomplissement du mot-principe sacré « Je-Tu » qui signifie mutualité active » (Martin Buber). La personnalité de lorant sy trouve à la fois contestée et purifiée, mais aussi affermie et développée. Toute la gamme des sentiments personnels, tous les registres du dialogue, depuis la plaidoirie passionnée (Abraham, Gen., XVIII) ou laffrontement hardi (Moïse, Ex., XXXII) jusquà la reconnaissance émerveillée (David, II Sam., VII) et labandon confiant (Ps. CXXXI), alimentent cette relation qui nest plus fondée sur la croyance seulement, mais sur la foi, cest-à-dire non sur ce que lhomme peut se représenter ou conjecturer de Dieu mais sur ce quil connaît de Dieu par Dieu lui-même.

La critique philosophique a souvent estimé inconvenante cette conception de la prière, qui inclut une représentation trop anthropomorphique de Dieu. À supposer quil admette un Dieu, le philosophe sen fera une idée épurée, la seule qui lui semblera digne de labsolu. Il le dépouillera des traits par lesquels le croyant le personnalise. À la limite, Dieu « cesse dêtre un autre pour nous [...] il est la vérité éternelle en qui une âme pensante acquiert le sentiment et lexpérience intime de léternité de la pensée » (L. Brunschvicg). Dans des contextes de pensée différents, il existe des courants théologiques contemporains qui aboutissent au même résultat : Dieu nest pas « un autre » pour lhomme, et la prière doit dépérir en tant que dialogue avec un Dieu personnel.

Ces courants attirent lattention sur lambivalence de la conception personnaliste de Dieu. À présenter trop naïvement la prière comme « dialogue avec Dieu », on risque dinduire en erreur. Dailleurs, la tradition chrétienne a toujours connu avec faveur une autre définition de la prière, qui la présente comme « élévation de lâme vers Dieu », définition moins précise mais qui peut mieux laisser entendre la distance qui sépare la créature du Créateur. Le fait est que toute une lignée de mystiques chrétiens (Grégoire de Nysse, Maître Eckhart, Jean de la Croix) ont éprouvé ce quil y avait de nocturne, dabyssal, dimpersonnel en un sens, dans le visage divin dont ils sapprochaient. Leur expérience, cependant, demeurait expérience de la foi, et il serait erroné de la confondre avec lattitude intellectualiste du philosophe.

Lislam, autre religion monothéiste, a connu en quelque sorte le problème inverse. La prière qui scande la journée du musulman est bien adressée à un Dieu personnel, mais, axée sur la reconnaissance de la grandeur de Dieu, cest comme à distance quelle lui offre son tribut de louange et dadoration. Ici, cest lorsque, tel al-Halladj, il prétend rencontrer Dieu dans une véritable intimité amoureuse que le mystique détonne et surprend. Un mystique persan sécrie : « Ma prière nest pas ma prière, Seigneur, si mon âme ne te voit face à face. »

Ainsi, de tous les titres sous lesquels est invoquée la divinité, le plus universel est celui que lantique Égypte accordait déjà au dieu Amon, « le dieu qui écoute les prières ». Cest dans le secret de son cur, cest dans lintelligence de sa tradition que chaque croyant, chaque communauté religieuse détiennent les raisons quils ont daccorder créance à cette affirmation. Celui qui juge du dehors, et surtout en moderne, se dira simplement : ou bien Heisenberg a totalement raison en constatant que « pour la première fois, lhomme se trouve seul avec lui-même sur cette terre, sans partenaire ni adversaire », et alors il nest nulle part de dieu qui écoute les prières ; ou bien cest Victor Hugo qui maintenait la vérité minimale, dont on ne peut se départir, en sécriant dans une intuition de poète : « Il y a une oreille dans lInconnu ! »

3. L'affinement du désir

La croyance offre au recours issu du besoin un langage, ne serait-ce que la seule invocation de la divinité, mais rares sont les invocations qui nincluent déjà une théologie ou toute une conception de lhomme. Mieux informé aujourdhui des fonctions du langage, on sait que le langage de la prière nest pas du type informatif (faire savoir quelque chose à quelquun), mais évocatif, communicatif, exclamatif. La demande « qui offre lhomme à la bienveillance dautrui [...] invoque Dieu dans la langue du chur de la tragédie grecque, dans celle du psaume hébraïque, dans celle des liturgies chrétiennes, dans celle, toute proche du quotidien, de la prière spontanée du croyant. La parole qui prie est par excellence la langue de lexclamation. Le cri a été relayé par le chant » (P. Ricur).

Effectivement, aussi fruste soit-il, le langage de la prière est une victoire sur le mutisme ou sur le cri inarticulé du besoin brut. Le cri est relayé par le chant, et le besoin par le désir. La croyance inspire, éduque une configuration originale des dispositions affectives fondamentales comme de la volonté, qui permet à lorant de ressaisir « lexpression quotidienne de la douleur et de la joie, de la colère et de la peur, pour lélever au niveau lyrique dune expression purifiée » (P. Ricur), et en meilleur accord avec la perfection du Dieu invoqué.

Ce ressaisissement des préoccupations, soucis, désirs, ne se traduit pas seulement par la qualité de lexpression, mais aussi par celle de lintériorisation qui lui est nécessairement liée. La prière conduit lhomme à habiter ses propres profondeurs, à se retremper non dans son moi narcissique mais dans son « cur ». On admirera ce « conseil pour bien prier au temple du sage Ani » (Égypte ancienne), dont on trouve des équivalences dans toutes les religions : « La maison de Dieu a les cris en horreur. Prie pour toi avec les désirs de ton cur, dont toutes les paroles sont cachées ; alors Dieu fera ce que tu désires, alors il texaucera. »

Dans toutes les religions également, les liturgies ont joué le rôle de matrice exemplaire de la prière. Conformes à la pureté de la croyance comme au génie expressif dune communauté humaine, elles instruisent (en tous les sens du mot) les fidèles et, en leur proposant un langage et des modèles de prière, orientent leur piété personnelle.

Bien entendu, cet affinement du désir nest pas luvre des propriétés formelles dun langage. En toutes les religions, chacun sait quune prière qui se réduit à son formalisme verbal nest plus prière, et ce nest pas parce quon a composé un discours au vocatif émaillé de quelques « mon Dieu » quon a accru le trésor réel de la prière ! Ce qui compte, cest laffrontement mystérieux avec lAutre, qui sopère dans le champ ouvert du langage invocatif. Le Christ a vécu le modèle et le paroxysme de cet affrontement dans sa prière à Gethsémani : son « agonie », son combat, consistait à se mettre tout entier en accord avec la volonté reconnue et aimée de son Père. Pour le chrétien, cette prière du Fils est la prière parfaite et, sous les multiples formes que revêt sa prière, il sait quil ne prie vraiment que lorsque son désir rejoint la volonté de son Père céleste, volonté qui nest pas pour lui énigme celée, mais dont il déchiffre les lignes de force dans la Révélation.

Pour lhindou ou le bouddhiste, le combat se situe par rapport aux tentations que présente ce monde de karma et dillusion. Le désir se structure dans celui de la délivrance du moi pour rejoindre la béatitude du brahman ou le nirvana, tout comme il se structure pour le musulman dans celui de la soumission au Très-Haut.

Une grave question, cependant, demeure posée au sujet de la prière. Aussi splendide que soit ce lyrisme, aussi humanisante que se révèle cette éducation du désir, aussi noble et, en fin de compte, raisonnable que soit cette attitude de lhomme devant Dieu, Marx na-t-il pas raison de dénoncer son aspect néfaste ? Les hommes modelés par leurs croyances et leurs prières sont-ils aptes à transformer le monde pour la plus grande libération de lhomme ? Le fatalisme des musulmans, lindifférence des hindous à légard de leur propre état social, pour ne pas parler de ce christianisme du XIXe siècle où la piété servait à désamorcer la révolte des plus déshérités, ne donnent-ils pas à la question une force considérable ? Tout croyant qui prie doit en percevoir le tranchant. Son expérience lui apparaît trop solidement fondée en vérité humaine et religieuse pour quil ait à douter de son sens, de son prix, de sa fécondité. Mais les maîtres spirituels de toutes les traditions ont suffisamment dénoncé les déformations et falsifications de la prière pour que simpose à chacun un examen lucide de ce quest en fait sa propre prière. La véritable réponse à lobjection viendra dhommes de prière qui feront la preuve par leur vie que prière et raison, prière et action, prière et efficacité ne sexcluent pas nécessairement. De tels hommes, en fait, ont toujours existé. L'avenir de la prière est du côté de ceux qui manifesteront quelle est attitude de maturité, non dinfantilisme, et de responsabilité, non de désertion.

Source et recherches à approfondir :
Prière et contemplation Kwda
https://www.universalis.fr/
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