Le traffic de messes de l'abbé SaunièreArrêt là !Ne sont connus des chercheurs castelrennais que deux carnets de messes de l’abbé Saunière. Le premier s’ouvre le 9 juillet 1891 et se referme le 30 septembre 1896. Le second prend la suite en débutant le 10 octobre 1896 pour se finir le 29 novembre 1897. L’ensemble couvre une période de 6 années, 4 mois et 21 jours. L’existence même de ces carnets prouve indéniablement que l’abbé Saunière affirmait volontairement à tort à sa hiérarchie, qui lui réclamait des comptes sur ses dépenses jugées démesurées, ne noter que sur des feuilles volantes les messes qu’il recevait. Nonobstant, leur analyse montre plusieurs aspects du caractère de l’abbé et notamment son tiraillement de ne pouvoir, à la longue, se conformer aux directives religieuses de gestion des messes.
Dès la première page, on peut constater plusieurs faits. Les messes sont inscrites individuellement et dites journellement pour 2 ou 3 bénéficiaires. Mais elles le sont avec plusieurs mois de retard. En effet, en mai 1892, l’abbé Saunière honore celles reçues en juillet 1891 ... avec 10 mois et demi de retard.
Le 25 mai 1892, Bérenger Saunière dit des messes reçues le 9 juillet 1891
L’agencement du tableau de l’abbé SaunièreÀ gauche figure une colonne Dates, elle-même scindée en deux pour inscrire le mois et le jour de la réception des messes. On peut confirmer ces dates en les confrontant avec les carnets de correspondances du curé pour l’année 1892 ; l’année précédente étant inconnue.
Correspondances de l’abbé Saunière en janvier 1892Les 4 et 10 janvier 1892, le curé reçoit des intentions de messes envoyées respectivement par M. Benazeth et M. Alfred (le frère de Bérenger) ; intentions que l’on retrouve dans son carnet de messes aux mêmes dates que celles indiquées dans le relevé précédent.
Vient ensuite une colonne Donateurs dans laquelle l’abbé Saunière note leurs noms. La colonne suivante Intentions indique le motif des messes qui lui ont été confiées. Suit alors la partie comptable concrétisée par une colonne Honoraires dans laquelle est reporté le montant de la page précédente (en l’occurrence 143,50 francs sur la première page). Cette colonne comprend deux rubriques : l’une pour inscrire le montant de la messe, variant entre 1 et 2 francs, l’autre pour en signifier la réception. La dernière colonne Jour d’acquit, qui devient simplement Acquit à partir de mai 1892, se scinde en trois rubriques dans lesquelles Bérenger Saunière réunit les 2 ou 3 messes dites chaque jour pour autant de bénéficiaires en marquant en bout de flèche le montant total journalier de ces messes. Dans l’exemple ci- dessus, l’abbé Saunière a dit, le 25 mai 1892, 2 messes à 1,50 franc envoyées par l’abbé Sarda, d’où le total de 3 francs. Le jour suivant, l’abbé a dit 3 messes au même tarif soit 4,50 francs. Le jour (noté à droite hors colonne), le mois et l’année indiquent la date où les messes ont été effectivement dites.
Les retardsDans l’exemple des deux donateurs, M. Benazeth et M. Alfred, on ne peut que constater que leurs intentions de messes n’ont été acquittées par l’abbé Saunière qu’en septembre 1892, soit avec 8 mois de retard. Et c’est là une préoccupation pour le curé de
Rennes-le-Château qu’il va s’efforcer de pallier.
Même s’il s’évertue à dire le plus souvent 2 ou 3 messes par jour, il en reçoit en si grand nombre, qu’à cette cadence, il ne peut combler les retards. Alors, de temps à autre, il déroge à la règle en disant une seule messe pour plusieurs bénéficiaires, quelquefois plusieurs dizaines. Puis, une partie du retard refaite, quelquefois 1 ou 2 mois, il revient à sa première façon.
L’exemple ci-dessus est significatif. En fait l’abbé Saunière dit une messe par donateur et donc pour autant de bénéficiaires que ce dernier a recommandés. En l’espèce, le 16 juillet 1892, il dit une seule messe pour les douze intentions qu’a envoyées l’abbé Iché le 12 novembre 1891 (soit avec un retard de 8 mois et demi), pour 12 bénéficiaires différents. Le jour même, il célèbre les autres messes en provenance du même donateur conformément aux règles et restera dans cette conformité de septembre 1892 à septembre 1893.
Arrêté là !Le 6 septembre 1893, l’abbé honore seulement les messes reçues en janvier 1893, c’est-à- dire avec 8 mois de retard. Alors, il prend la décision de généraliser l’exceptionnel en ne disant plus une messe pour chacun des bénéficiaires mais pour plusieurs.
L’expression
Arrêté là semble former un réel aveu d’impuissance face au retard que l’abbé n’a jamais pu combler malgré des raccourcis infructueux tant le nombre de messes qu’il reçoit va toujours croissant au fil du temps. Sans asséner au lecteur des colonnes entières de chiffres et de calculs fastidieux pour démontrer la progression des intentions de messes qu’il reçoit, il n’est que de comparer simplement le nombre de pages utilisées dans le même carnet par l’abbé pour les noter : 26 pages pour 1892, 26 pages pour 1893, 37 pages pour 1894, 83 pages pour 1895 et 79 pages de janvier à septembre 1896, mois où le premier carnet s’interrompt.
Quoiqu’il en soit, désormais, l’abbé n’inscrira plus rien dans la colonne Acquit ! Et alors qu’il rayait par un trait de règle les messes individuelles
ligne par ligne, elles le seront à présent par groupe et par donateur à l’aide d’une croix.
Conclusion :Cette expression a conduit quelques chercheurs et auteurs à tirer la conclusion que, dès lors qu’il l’a inscrite, Bérenger Saunière ne dit plus les messes qu’il reçoit. Mais la question est- elle si simple ? Non ! Car comment expliquer deux choses ?
1) Pourquoi, s’il ne les dit plus, continue t-il d’enregistrer méticuleusement les messes une à une alors qu’il lui serait plus facile de résumer la même chose en une seule ligne ?
Ne serait-ce pas plus aisé pour lui d’inscrire par exemple ces deux pages d’intentions de messes à 1,25 franc envoyées le 25 septembre 1896 par l’abbé Gazel sous la forme :
Septembre / 25 / Gazel / Ad intention / 59 messes / 1,25 / R / 73,75 francs2) Pourquoi, s’il ne dit plus les messes, s’évertue t-il à continuer de les rayer régulièrement et infailliblement, par une croix dans son carnet, sans aucune exception ?
Le curé était un simoniaque. :twisted: