Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
forum marmhonie des religions
Forum franco-chinois de l'histoire des religions et des civilisations. 中法宗教與文明史論壇。日仏宗教史フォーラム。फ्रेंको-इंडियन फोरम ऑफ रिलिजन एंड सिविलाइजेशन। 종교와 문명사를 위한 한불포럼.
Sujet: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Lun 30 Oct - 4:44
Je viens de découvrir le forum Arlitto de religion où un certain Mikaël Malik poste "L'avenir de l'état sioniste menteur, voleur et criminel d'Israël" Quel sinistre personnage... Je ne cite pas évidemment ses messages de haine. Il suffit de constater.
La loi interdit et sanctionne le racisme et l'antisémitisme sous toutes leurs formes. Les peines varient en fonction de la façon dont ils s’expriment : des propos insultants, etc. Gouvernement français "Le droit sanctionne en revanche les manifestations de racisme ou d’antisémitisme à travers des propos ou des actes motivés par ce sentiment raciste ou antisémite. Il faut donc qu’un acte soit commis ou que des propos soient tenus pour tomber sous le coup de la loi. Les propos racistes sont interdits par la loi et punis en fonction de leur gravité. Lorsqu'ils sont tenus publiquement, les peines sont plus sévères. Les propos sont dits "publics" lorsque leur auteur a clairement voulu qu’ils soient entendus ou lus par d’autres personnes. Par principe, les propos tenus sur internet sont publics. La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciste, lorsqu'elle est publique, est punie d'un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, ainsi que des peines complémentaires telles que l’affichage ou la diffusion de la condamnation (art. 24 al. 6 et 8 de la loi du 29 juillet 1881).
La loi nous protège contre ces messages antisémites. Défenseur des Droits
simple curieu et Septik aiment ce message
simple curieu
Messages : 1018 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Sam 4 Nov - 4:44
Voila que le forum d'Arlitto a basculé dans l'antisémitisme
Ça mérite un sujet non ? C'est extrêmement grave
Après Mikaël Malik voici EX-Témoin et CL Watchtower qui alimentent une haine horrible contre la loi française. Quelle horreur c'est épouvantable. Alerte antisémitisme en ligne : Forum Arlitto antisémite
La République française n'acceptera jamais ces salissures racistes persécutant les israéliens et les juifs dans leur liberté de pratiquer le judaïsme.
pierre.b, Septik et kaboo aiment ce message
Septik
Messages : 418 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Sam 4 Nov - 5:00
Le lien d'alerte contre l'antisémitisme est le site du Gouvernement français
pierre.b, Adil et kaboo aiment ce message
pierre.b
Messages : 524 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Mar 7 Nov - 5:49
Depuis les années 2000, l'antisémitisme a fait place en Europe et particulièrement en France où le nombre de juifs est le plus élevé à l'anti sionisme. Nous oublions que dans le massacre barbare du Hamas qui s'est perpétué contre Israël le 7 octobre 2023, 40 Français ont été massacrés, sans compter nos disparus. On se demande ce qu'ils sont devenus et qui sont-ils. Au-delà des querelles politiques indignes il est urgent de rassembler les Français autour de la lutte et de la prévention à l'école contre l'antisémitisme et l'anti sionisme sous quelques formes que ce soit je suis fier d'être dans ce forum qui lutte contre toute forme de racisme et nous protège.
Adil, mobile et kaboo aiment ce message
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 2:42
Vous êtes pour les immigrés et contre les indigènes ?
mobile
Messages : 269 Date d'inscription : 16/11/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 2:53
Cher Saint Glinglin, Pierre.B est juif orthodoxe pratiquant ;)
L'abbé Morère, Adil et kaboo aiment ce message
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 2:56
Et donc il est pour les massacres loués par la Bible mais contre celui du Hamas. Je note.
Dernière édition par 王演宋 le Dim 21 Jan - 7:19, édité 2 fois
pierre.b
Messages : 524 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 3:24
Saint Glinglin a écrit:
Et donc il est pour les massacres loués par la Bible mais contre celui du Hamas. Je note.
C'est de la diffamation pure!!!!!!! J'accuse tout terroriste car il n'entend jamais un civil qui le supplie d'arrêter son carnage, musulman ou chrétien ou juif ou athée: le terroriste est du côté du fusil où on ne supplie pas. Benyamin Netanyahou est condamné par le peuple israélien. Il sera puni pour ses crimes lui aussi. Netanyahu attend son heure pour être jugé La seule solution est de créer un État palestinien. Mon pays doit quitter la bande de Gaza.
L'abbé Morère et kaboo aiment ce message
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 4:04
Diffamation ? Comment pouvez-vous être Juif et contre l'AT ?
Quant à la bande de Gaza, c'est une région sans eau potable.
Yamagata
Messages : 125 Date d'inscription : 19/01/2020 Localisation : 山形市
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 8:06
Cher Saint Glinglin, il ne faut pas faire dire aux gens ce qu'ils n'ont pas dit. pierre.b n'a jamais dit qu'il était "contre l'A.T."
kaboo aime ce message
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 19 Jan - 14:58
Alors je ne le diffame pas en disant qu'il approuve les massacres loués par l'AT.
Dernière édition par 王演宋 le Dim 21 Jan - 7:15, édité 2 fois
PhilippeT
Messages : 546 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Sam 20 Jan - 22:19
Le négationnisme n'a pas sa place ici. la provocation envers les juifs n'a pas sa place ici.
marmhonie et kaboo aiment ce message
PhilippeT
Messages : 546 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 3 Mai - 20:27
Saint Glinglin a écrit:
Alors je ne le diffame pas en disant qu'il approuve les massacres loués par l'AT.
L'exemple du négationiste est bien représenté par SGG. Pour appuyer son discours il commence par accuser son prochain. Il inverse ensuite pour montrer quel serait le "bon" négationnisme. Il n.'y en a pas de bon, tout n'edt qu'horreur. Qu'est-ce que cette chose inhumaine ?
NÉGATIONNISME
Prise de vue
En raison de sa nature et de son ampleur, le génocide perpétré par le régime nazi contre les juifs a profondément marqué lhistoire contemporaine. La manifestation la plus paradoxale de cette empreinte est fournie par lentreprise qui consiste à nier la réalité de ce génocide. Qualifiée de « révisionniste » par ses promoteurs à partir des années 1970 pour lui donner un semblant de scientificité, celle-ci est désignée à juste titre comme négationniste par les historiens.
Réactualisant une longue tradition antisémite de lOccident, les négationnistes dénoncent un prétendu complot juif international qui aurait fabriqué de toutes pièces cette « escroquerie du XXe siècle » dans le but de justifier lexistence de lÉtat dIsraël et dextorquer de scandaleuses réparations à une Allemagne innocente.
Le négationnisme a connu en France un développement particulier. En effet, deux de ses principaux précurseurs Maurice Bardèche et Paul Rassinier étaient français. De plus, lhistoire de sa diffusion y est marquée, à partir des années 1970, par une convergence de vues et dactions entre des milieux dextrême droite et des personnes issues dun milieu radicalement opposé, celui des groupuscules dultra-gauche.
1. Le mensonge obligé de lextrême droite
La dénonciation négationniste apparaît dès lépoque de la guerre froide, qui a immédiatement succédé à la victoire des Alliés en 1945, dans les milieux dextrême droite de divers pays dEurope, puis en Amérique du Nord et du Sud, dans certains pays arabes, en Australie, notamment là où danciens responsables nazis ont trouvé refuge.
En 1950 a lieu la première rencontre des principaux chefs néo-fascistes européens, dont le Britannique Oswald Mosley, lancien Waffen SS Karl-Heinz Priester et le Français Maurice Bardèche. Lannée suivante voit la naissance, en France, de lhebdomadaire Rivarol, principale tribune des vichystes récemment épurés, favorables à lamnistie et à la réhabilitation du maréchal Pétain, puis de la revue Défense de lOccident, conçue dabord par son fondateur, Maurice Bardèche, comme lorgane français du Mouvement social européen, que lui et quelques autres admirateurs du IIIe Reich viennent de fonder à Malmö, en Suède. Adaptant son discours au nouveau contexte international, lextrême droite sempare du thème dune « nation Europe » en danger face à la menace communiste. Mais il lui faut également, pour espérer regagner en audience, réécrire lhistoire de la Seconde Guerre mondiale : euphémiser et minimiser les crimes nazis avant den venir à nier celui dentre eux qui, précisément, faisait la spécificité du nazisme, le génocide. Parallèlement à lexaltation des hauts faits de larmée du IIIe Reich, qui aurait défendu lOccident contre la barbarie communiste, et à la justification de la SS, qui naurait participé quà de rares massacres et dans le seul but de répliquer au « terrorisme », livres et pamphlets dextrême droite dénoncent sans relâche les crimes des Alliés, dans lesquels sont comptés, pêle-mêle, les bombardements de civils, les déplacements de populations, le pillage industriel de lAllemagne, la dénazification et le procès des responsables nazis.
Maurice Bardèche (1909-1998), ami intime et beau-frère de Robert Brasillach, lécrivain collaborationniste fusillé à la Libération, sest évertué dès 1947 à démontrer que les crimes des nazis et de leurs auxiliaires français nétaient en rien différents de ceux des Alliés. Pour blanchir les collaborateurs les plus engagés et rendre le nazisme historiquement supportable, il nie la réalité de lassassinat de millions dêtres humains tués pour la seule raison quils étaient nés juifs. Il décrète que cette extermination na été en fait quune falsification de lhistoire, inventée par les vainqueurs de la guerre. Dans un de ses tout premiers livres, au titre éloquent (Nuremberg ou la Terre promise, 1948), il accuse les juifs davoir entraîné la France « dans une guerre désastreuse mais souhaitable, parce quelle était dirigée contre un ennemi de leur race », ajoutant que « cette guerre quils ont voulue, ils nous ont donné le droit de dire quelle fut leur guerre et non la nôtre. Ils lont payée du prix dont on paie toutes les guerres. Nous avons le droit de ne pas compter leurs morts avec nos morts ». Cest ce livre, traduit en allemand dès 1950, avec un sous-titre particulièrement explicite, Nürnberg oder Europa (« Nuremberg ou lEurope »), qui donne le coup denvoi outre-Rhin à la campagne négationniste. Dans la revue Défense de lOccident, quil dirige durant les trente années de parution, divers auteurs exposent périodiquement « la vérité sur les camps de concentration allemands », et tout particulièrement ce quils appellent dabord le « mystère » puis le « mythe » des chambres à gaz. Bardèche, en antisémite conséquent, sévertue à propager la vulgate négationniste, le plus souvent associée dans les colonnes de sa revue à une dénonciation de lexistence dIsraël.
Tout en reconnaissant volontiers les mérites de Bardèche, cest Paul Rassinier (1906-1967) que les négationnistes, en France et ailleurs dans le monde, revendiquent la plupart du temps comme père fondateur de leur entreprise. Dans la même stratégie de légitimation qui les fait se réclamer dune « école révisionniste », la figure de Rassinier, dont ils rappellent à lenvi le parcours socialiste, résistant, déporté, député , est une référence autrement plus présentable, pour une société marquée par la Seconde Guerre mondiale, que celle dun Bardèche, qui, dans Quest-ce que le fascisme ?, en 1961, se définissait lui-même comme « un écrivain fasciste ».
2. Du pacifisme au négationnisme : Paul Rassinier
Le fait est que les prémices du négationnisme apparaissent chez Rassinier alors quil est encore inscrit dans un univers politique fort éloigné de celui de lextrême droite. Fils dun petit paysan du Territoire de Belfort, linstituteur Rassinier milite activement au Parti communiste de 1923 à 1932, puis, à partir de 1934, au parti socialiste S.F.I.O. « Munichois » acharné, de la tendance de Paul Faure opposée à celle de Léon Blum, il manifeste son adhésion au pacifisme intégral dans ses éditoriaux pour lhebdomadaire socialiste belfortain quil dirige jusquà la guerre. Le 7 mars 1942, dans Le Rouge et le Bleu, un mensuel collaborationniste publié par lancien socialiste Charles Spinasse, il écrit encore que « des millions de Français se sont trouvés jetés dans labsurde guerre de 1939 par fidélité à lesprit de parti ou par discipline de parti ». En 1943, il contribue néanmoins à la parution du premier numéro dun journal clandestin conçu par des étudiants parisiens en même temps quil fait partie dun groupe de résistants belfortains au sein du mouvement Libération-Nord. Mais, décidément pacifiste, il sy montre constamment hostile à toute action armée. Arrêté en novembre 1943, il est déporté au début de lannée suivante en Allemagne, où, après le camp de concentration de Buchenwald, il passe treize mois, jusquà la Libération, dans celui de Dora. Il rentre à Belfort en juin 1945. Souffrant des séquelles de son arrestation et de sa déportation, il est bientôt mis à la retraite anticipée. Malgré son état de santé, il reprend aussitôt son activité politique et militante. Nommé député en août 1946 lorsque le secrétaire de la fédération socialiste S.F.I.O. du Territoire de Belfort, dont il est ladjoint, démissionne en sa faveur, il est battu deux mois plus tard par une alliance locale que le maire radical de Belfort noue alors avec les communistes. Cette défaite survient dans lexistence de Rassinier alors même que, pour la première fois de sa longue vie de militant politique, il détenait enfin un mandat électif, une reconnaissance, une légitimité. Or cest de ce cuisant échec de lautomne de 1946 que datent ses premières manifestations publiques dantisémitisme, à lencontre de Pierre Dreyfus-Schmidt, son adversaire radical, dans les éditoriaux amers et violents quil publie en première page de lorgane local de la S.F.I.O., dont il est le rédacteur en chef.
À peine quelques mois après cet échec, Rassinier quitte, en 1947, ce Territoire de Belfort où il avait constamment vécu jusque-là. Durant le dernier tiers de son existence, successivement à Mâcon, à Nice et à Asnières, dans la banlieue parisienne, il se consacre essentiellement à lécriture, notamment de livres de dénonciations qui feront de lui, après sa mort en 1967, le père fondateur revendiqué par les négationnistes. Dès son premier ouvrage, Passage de la ligne, paru en 1949, il dédouane largement les nazis des atrocités commises dans les camps de concentration. Pour le deuxième, Le Mensonge dUlysse, publié lannée suivante, il a demandé à un pamphlétaire dextrême droite, Albert Paraz, décrire une préface, dans laquelle des déportés sont notamment dénoncés comme de « très basses fripouilles ». Ce qui vaut à Rassinier dêtre exclu de la S.F.I.O. en 1951. Deux ans plus tard, il adhère à la Fédération anarchiste. La petite réputation de spécialiste des questions économiques quil acquiert dans le milieu libertaire et pacifiste à travers ses publications et conférences nest pas remise en cause lorsque plusieurs de ses articles, à partir du bref passage au pouvoir de Pierre Mendès France en 1954, sont exclusivement consacrés à la dénonciation nominale de « M. René Mayer (alias Rothschild) » et dautres banquiers juifs. Le pamphlet sur le même thème quil publie en 1955 sous le titre Le Parlement aux mains des banques, toujours dans un bulletin anarchiste, nest en fait que la copie résumée dun ouvrage paru quatre mois plus tôt, Les Financiers qui mènent le monde, dHenry Coston (1910-2001), lun des auteurs antisémites les plus prolifiques de lextrême droite française depuis les années 1930. Également éditeur, ce dernier diffuse dailleurs dès cette année 1955 une réédition du Mensonge dUlysse, dont une traduction allemande paraît, quelques années plus tard, dans la maison dédition de lancien SS Karl-Heinz Priester. En 1962, Maurice Bardèche devient, à son tour, léditeur de Rassinier pour un premier livre, Le Véritable Procès Eichmann ou les Vainqueurs incorrigibles, où le génocide des juifs est présenté comme « la plus tragique et la plus macabre imposture de tous les temps » et dans lequel Rassinier, poursuivant une dérive déjà bien entamée vers les hommes et les idées dextrême droite, parle des « admirables livres » de Bardèche sur Nuremberg et de leur « rare objectivité ». Le deuxième ouvrage de Rassinier publié par Bardèche, en 1964, sintitule Le Drame des juifs européens, drame qui est, selon son auteur, « non pas que six millions dentre eux ont été exterminés comme ils le prétendent mais seulement dans le fait quils lont prétendu ». Paru en 1967, le tout dernier livre de Rassinier, Les Responsables de la Seconde Guerre mondiale, décrit de manière obsessionnelle les menées dun « judaïsme mondial » tirant les ficelles de tous les « bellicistes » Roosevelt, Churchill, les socialistes français tandis que seul Hitler sefforçait de sauver la paix. Cette dénonciation ultime de Rassinier paraît chez léditeur Fernand Sorlot, qui sétait fait connaître dès 1934 en publiant une traduction française de Mein Kampf. Il avait été condamné à vingt ans dindignité nationale pour avoir publié sous lOccupation les Appels aux Français du maréchal Pétain, des livres tels que LAllemagne nouvelle et, en 1942, LEnjeu de la guerre : les juifs, titre auquel Les Responsables de la Seconde Guerre mondiale du « socialiste » Rassinier, ainsi quil se qualifie encore lui-même dans cet ouvrage, feront comme un écho, vingt-cinq ans plus tard, chez le même éditeur.
3. De hypercritique littéraire au négationnisme : Robert Faurisson
Né en 1929, Robert Faurisson est en 1974 un obscur universitaire, maître de conférences en littérature. Il est sans affiliation politique connue et se dit apolitique. En 1960, professeur de français dans un lycée à Vichy, il a pourtant connu un affrontement plutôt musclé avec un commissaire de police venu ôter la plaque commémorative que les « Amis du maréchal Pétain » avaient apposée devant le bureau occupé par celui-ci pendant la guerre dans un grand hôtel de la ville. Il a brièvement fait parler de lui au sein du monde de la critique littéraire lorsquil a proposé en 1961 un article, dabord anonyme, sur le sonnet Voyelles de Rimbaud, dans lequel il explique que ce sonnet reposait tout entier sur une « mystification ». Chez Faurisson, lhypercritique des documents, qui conduit systématiquement à rejeter leur authenticité, est élevée au rang de méthode. Il poursuit ainsi son entreprise de « démystification » des uvres littéraires, proposant notamment une « traduction » en français des Chimères de Nerval après avoir consacré sa thèse de doctorat, soutenue en 1972, à démontrer que Les Chants de Maldoror de Lautréamont nétaient quune « supercherie » dont ont été victimes pendant un siècle « limmense cortège des dupes » où lon compte « quelques-uns des plus grands noms de la littérature, de la critique et de lUniversité ». Dans le livre issu de cette thèse (A-t-on lu Lautréamont ?, Gallimard, 1972), où il expose sa théorie, Faurisson évoque au passage les « mythes encore plus extravagants » suscités par la Seconde Guerre mondiale, en ajoutant qu« il ne fait pas bon sy attaquer » parce qu« on court quelque risque à vouloir démystifier ».
Il sy attaque néanmoins, à partir du milieu des années 1970, jusquà inonder les rédactions de journaux, en 1978, dun texte polycopié contenant ce quil appelle les « conclusions des auteurs révisionnistes », parmi lesquels figure en bonne place Paul Rassinier, dont la mort en 1967 avait empêché que leur contact aille au-delà dun bref échange épistolaire et dont Faurisson se proclame le disciple. Ces conclusions polycopiées, au nombre de sept, sont exposées comme des évidences afin dimpressionner le lecteur, dupé par ce que Faurisson appelle la version « exterminationniste » de lhistoire. Elles constituent le credo de la vulgate négationniste : « 1. Les chambres à gaz hitlériennes nont jamais existé. 2. Le génocide ou la tentative de génocide des juifs na jamais eu lieu : en clair, jamais Hitler na donné lordre (ni admis) que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion. 3. Les prétendues chambres à gaz et le prétendu génocide sont un seul et même mensonge. 4. Ce mensonge, qui est dorigine essentiellement sioniste, a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont lÉtat dIsraël est le principal bénéficiaire. 5. Les principales victimes de ce mensonge et de cette escroquerie sont le peuple allemand et le peuple palestinien. 6. La force colossale des moyens dinformation officiels a, jusquici, assuré le succès du mensonge et censuré la liberté dexpression de ceux qui dénonçaient ce mensonge. 7. Les artisans du mensonge savent maintenant que leur mensonge vit ses dernières années ; ils déforment le sens et la nature des recherches révisionnistes ; ils nomment résurgence du nazisme ou falsification de lhistoire ce qui nest quun juste retour au souci de la vérité historique. »
Le disciple Faurisson radicalisait ainsi ce qui navait été quesquissé par Rassinier. Celui-ci, en effet, avait peu traité des chambres à gaz dans ses ouvrages, cette « irritante question », comme il la qualifie à deux reprises, transformant en une quinzaine dannées ses doutes en affirmations et ses soupçons en dénonciations. Faurisson, lui, inscrit la question des chambres à gaz au cur de son propos : il affirme apporter les preuves scientifiques de leur inexistence et prétend vouloir ouvrir sur ce point une controverse de bon aloi avec les historiens. Mais, jusquà la fin de 1978, il ne trouve pas de tribune, à lexception de celle que Maurice Bardèche lui offre en juin dans Défense de lOccident.
Or, le 28 octobre suivant, le magazine LExpress fait paraître sous un titre choc « À Auschwitz on na gazé que les poux » un entretien avec loctogénaire Louis Darquier « de Pellepoix », réfugié en Espagne après avoir dirigé, de mai 1942 à février 1944, le commissariat général aux Questions juives sous le régime de Vichy. Dans cet entretien, Darquier assène que les juifs « avaient voulu la guerre », qu« il ny a pas eu de génocide », que « la solution finale est une invention pure et simple », entretenue par « cette satanée propagande juive », que « les juifs sont toujours prêts à tout pour quon parle deux, pour se rendre intéressants, pour se faire plaindre » et quaprès la guerre ils « ont fabriqué des faux par milliers » et qu« ils ont intoxiqué la terre entière avec ces faux ». Il précise alors : « Je vais vous dire, moi, ce qui sest exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, cest vrai. Mais on a gazé les poux. » À peine quelques jours après la parution de cet entretien, qui fait scandale, Faurisson, enseignant à lépoque à luniversité de Lyon II, adresse une lettre à plusieurs journaux, dans laquelle il dit espérer que les propos rapportés par LExpress « amèneront le grand public à découvrir que les prétendus massacres en chambres à gaz et le prétendu génocide sont un seul et même mensonge ». Le mois suivant, Le Matin puis Libération citent les conclusions du professeur et soulignent leur lien avec les déclarations de Darquier. On commence alors à parler dune affaire Faurisson, lequel obtient du même coup ses premiers droits de réponse. Le 28 décembre 1978, Le Monde décide de publier un article du même, intitulé « Le problème des chambres à gaz, ou la rumeur dAuschwitz », contrecarré sur la même page et le lendemain par plusieurs réfutations, mais en assortissant sa propre décision dun commentaire « M. Robert Faurisson a, dans une certaine mesure, réussi » qui posait à lui seul lépineuse question des choix et de la responsabilité de la presse. Le négationnisme devenait une affaire publique.
4. L'exploitation des circonstances
De 1945 à la fin des années 1960, la conscience de létendue et de la nature des crimes perpétrés par le régime nazi et ses complices avait rendu inacceptable, ou malaisé à faire entendre, un discours antisémite largement répandu avant la guerre. Cest pourquoi ni les écrits de Bardèche et de Rassinier ni ceux de leurs correspondants étrangers ne rencontrèrent décho au-delà dun cercle essentiellement composé de nazis, danciens de la collaboration et de militants dextrême droite. En revanche, à partir des années 1970, les circonstances favorisant la diffusion du négationnisme se multiplient.
En France, la parution des articles de Faurisson sinscrit dans une série dévénements qui contribuent à rappeler le passé collaborationniste, refermé officiellement depuis lépuration de 1945 : interview déjà mentionnée de Louis Darquier dans LExpress ; diffusion par la télévision française, qui sy était jusque-là refusée, de Holocauste, fiction télévisée américaine sur le sort des juifs pendant la guerre, vue dans le monde entier et dont la forme surtout déclenche des polémiques ; mais aussi, en 1979, inculpation pour crimes contre lhumanité de Jean Leguay, ancien délégué en zone occupée du secrétaire général de la police sous Vichy, René Bousquet, et responsable à ce titre de la déportation des juifs, une inculpation qui ne débouche pas sur un procès (Leguay meurt en 1989, au moment où, après dix ans, son dossier aboutit) mais qui précède et annonce celles de lancien milicien Paul Touvier en 1981, de Maurice Papon et de Klaus Barbie deux ans plus tard.
La recrudescence du négationnisme traduit aussi, sous une forme paroxystique, une modification progressive du regard porté sur les juifs dans le monde, en rapport avec lévolution géopolitique dIsraël. Déjà, les partis communistes aux ordres de Moscou, peu après avoir, stratégiquement, soutenu puis salué la création de lÉtat dIsraël en 1948, sétaient mis à dénoncer le « cosmopolitisme », quils qualifièrent bientôt de « sionisme ». Lexpédition de Suez en 1956 avait fait apparaître Israël comme lallié des puissances occidentales dans la région. Mais cest avec la victoire militaire des Israéliens lors de la guerre des Six-Jours de juin 1967 que cette évolution se radicalisa.
Pour la gauche française dans son ensemble, protester contre une politique israélienne dexpansion et de répression, défendre les droits des Palestiniens, soutenir leur revendication dun État nentraîna pas, ni sur le moment ni par la suite, le moindre dérapage antisémite, aussi chargé et inextricable que semblait être le conflit israélo-palestinien. Dans lextrême gauche cependant, ce changement géopolitique conduisit certains à de véritables révisions. Il y avait en somme deux images. Celle de rescapés du plus effroyable des massacres, trouvant enfin un pays Israël où vivre en paix et libres dêtre juifs. Et celle dagents « sionistes » de limpérialisme américain, persécutant les Palestiniens. La guerre des Six-Jours permettait enfin deffacer la première image, de ne plus voir que des bourreaux dans les anciennes victimes, des oppresseurs dans les anciens opprimés et luxe inouï , elle autorisait linversion suprême, traiter des juifs de nazis. Dix ans plus tard, pour une poignée de militants, qui venaient de connaître, après Mai-68, une longue période de quasi-chômage politique, les « conclusions » de Faurisson arrivèrent à point nommé, autrement plus audibles désormais que celles auxquelles était parvenu Rassinier, disparu au moment de la guerre des Six-Jours.
5. Des militants fourvoyés de lultra-gauche
De fait, en France, les alliés les plus actifs de Faurisson, lorsque celui-ci sort de lanonymat par le scandale, ne viennent pas en premier lieu de lextrême droite, comme on aurait pu sy attendre et comme cétait le cas ailleurs, mais bien dune frange particulièrement étroite de lextrême gauche.
Larchéologie de cette « conjonction des extrêmes » (R. Lewin) qui caractérise le négationnisme français permet de repérer une minuscule strate datant de 1960, un article publié dans Programme communiste, la revue confidentielle dune branche ultra-minoritaire de lextrême gauche, dite « bordiguiste », du nom dAmadeo Bordiga, un des fondateurs du Parti communiste italien. Dans cet article, intitulé « Auschwitz, ou le grand alibi », lavant-garde autoproclamée de la révolution que constitue ce groupuscule ne nie pas la réalité du génocide perpétré contre les juifs. Mais elle explique que celui-ci a été utilisé par les impérialistes vainqueurs des nazis comme un alibi destiné à duper les prolétaires en leur faisant croire à une différence, de fait fictive, entre démocraties et régimes fascistes. Pour ces bordiguistes, en effet, la pire conséquence du fascisme est bien cette idéologie antifasciste, produite par le capitalisme, expliquaient-ils, pour leurrer la classe ouvrière en lui désignant un faux ennemi, prétendument diabolique, et renforcer ainsi, en la dissimulant, lexploitation dont les prolétaires sont les victimes. En 1970, un certain Pierre Guillaume, né pendant la guerre, engagé successivement dans divers groupuscules révolutionnaires, reproduit cet article sous forme de brochure et le diffuse dans la librairie quil a ouverte en 1965 au quartier latin, La Vieille Taupe. Jusquà sa fermeture en 1972, les étudiants parisiens de la génération de Mai-68 viennent sy approvisionner en textes révolutionnaires de diverses obédiences et nourrir une réflexion destinée à changer le monde, et non à restaurer celui que regrettent les Bardèche et autres nostalgiques de lEurope national-socialiste.
Battant la semelle depuis que les derniers feux de Mai-68 se sont éteints sans déboucher sur le « grand soir » tant espéré, Pierre Guillaume découvre lexistence de Faurisson en 1978, lorsque celui-ci fait sa percée médiatique. Le spécialiste de la démystification littéraire révèle alors aux cadets des bordiguistes de 1960 quAuschwitz nétait pas seulement un alibi, mais tout bonnement un mythe. Les chambres à gaz navaient pas existé. Le génocide navait pas eu lieu. Les juifs avaient inventé toute cette histoire pour escroquer les Allemands au bénéfice dIsraël.
Rejoint par quelques autres militants de cette extrême gauche extrême, dite ultra-gauche, Pierre Guillaume met aussitôt au service de luniversitaire lyonnais sa pratique de la dialectique et de lagitprop, en diffusant des tracts, des pamphlets, les textes de Faurisson et en republiant Le Mensonge dUlysse de Rassinier dans une maison dédition créée pour la circonstance, au nom de son ancienne librairie, La Vieille Taupe. Durant les premières années de leur active collaboration avec Faurisson, les membres de ce regroupement dun genre particulier se défendaient des accusations dantisémitisme qui ne manquèrent pas de leur être adressées en affirmant nêtre animés que du désir de lutter contre « limpérialisme sioniste ». La révélation de Faurisson était certes de taille. Mais, de même que le « socialiste » Rassinier navait pas été arrêté dans son combat par le fait de le mener en collaboration avec Bardèche, Sorlot ou lancien SS Priester, de même les quelques théoriciens purs et durs de la nouvelle Vieille Taupe nont-ils pas été arrêtés dans leur engagement par les « conclusions » de Robert Faurisson, version contemporaine pourtant flagrante des dénonciations antisémites séculaires dun complot juif mondial et autres Protocoles des Sages de Sion.
Cette dérive des négationnistes français venus de lextrême gauche connut une sorte de point dorgue, le 12 septembre 1998, en léglise parisienne de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, confisquée depuis de nombreuses années par des catholiques intégristes. Une messe en latin y était célébrée ce jour-là à la mémoire de Maurice Bardèche, mort quelques semaines plus tôt, le 30 juillet. Jean-Marie Le Pen avait fait parvenir un hommage au défunt, en qui il saluait « un historien davant-garde » et « le prophète dune renaissance européenne ». Dans lassistance, où se côtoyaient plusieurs générations, fleurons et anonymes, de lextrême droite française, dont Pierre Sidos et Henry Coston, on remarquait la présence de Pierre Guillaume, qui avait donc parcouru en deux décennies la distance entre sa petite librairie révolutionnaire des alentours du Panthéon et léglise intégriste du quartier Maubert.
6. Entre tentative de légitimation académique et coups médiatiques
Depuis laffaire Faurisson, tous les efforts des négationnistes se sont portés sur des opérations médiatiques préparées selon une double stratégie : celle de la légitimation et celle du scandale, « agent par excellence de la dissolution du consensus » (P. Loraux).
Sur le premier terrain, lUniversité constituait une cible essentielle pour le succès de leur entreprise. En témoigne, en 1985, la tentative, soutenue par Faurisson et ses alliés de La Vieille Taupe, de faire obtenir à Nantes, grâce à un jury de complaisance, une thèse duniversité à un négationniste. Ingénieur agronome à la retraite inscrit en histoire à luniversité de Paris-IV, le candidat, Henri Roques, prétend, en usant des procédés hypercritiques systématiquement pratiqués par Faurisson, ôter tout crédit au témoignage portant sur les chambres à gaz de lofficier SS Kurt Gerstein. Roques se garde bien alors de rappeler son passé chargé de militant dextrême droite, notamment le fait que, de 1953 à 1956, il avait été, sous le pseudonyme dHenri Jalin, le secrétaire général dun mouvement ouvertement fasciste et raciste, la Phalange française. Le jury de Nantes lui accorde la mention « très bien ». Trois de ses membres, son président, le germaniste de luniversité de Lyon III Jean-Paul Allard, le directeur de thèse, Jean-Claude Rivière, professeur de littérature médiévale à Paris-IV, et le père mariste Pierre Zind, professeur dhistoire des religions à Lyon-II, sont liés au Groupement de recherche et détude pour la civilisation européenne (G.R.E.C.E.), principale organisation de la « nouvelle droite ». Le scandale néclate quau début de 1986, mais la tentative de légitimation est finalement déjouée en raison dune irrégularité : le procès-verbal de la soutenance porte la signature falsifiée du quatrième membre du jury, absent. Elle est annulée par le ministre délégué chargé de la Recherche, et le directeur de thèse est suspendu lannée suivante.
Au cours des années 1980 et 1990, divers cas de négationnisme apparaissent dans la recherche et lenseignement français. Serge Thion, chercheur au C.N.R.S, spécialiste de lAsie du Sud-Est, qui publie dès 1980 Vérité historique ou vérité politique ? Le dossier de laffaire Faurisson. La question des chambres à gaz à La Vieille Taupe, collabore à lorgane fondé par Pierre Guillaume, Annales dhistoire révisionniste, et crée en 1996 un des sites Internet les plus prolifiques de la propagande négationniste, Aaargh, (Association des anciens amateurs de récits de guerre et dholocauste). La concordance de ces faits sur vingt ans avec lutilisation de son appartenance au C.N.R.S. et la raréfaction de plus en plus manifeste de sa production scientifique pendant dix ans à mesure que se multipliaient ses textes négationnistes lui valent dêtre finalement révoqué du C.N.R.S. en 2000. Bernard Notin, maître de conférences en sciences économiques à Lyon-III et membre du conseil scientifique de cette université, est suspendu en 1990 après la parution, dans la revue Économies et sociétés, de son article « Le Rôle des médiats [sic] dans la vassalisation nationale : omnipotence ou impuissance ? », où il traite du thème des chambres à gaz comme dun exemple insigne de manipulation des masses par le pouvoir médiatique. La graphie du terme « médiat » affectée par lauteur devient vite un signe de reconnaissance chez les négationnistes.
Sur le terrain des provocations médiatiques, les initiatives viennent principalement du Front national. Les thèmes négationnistes y sont progressivement diffusés, de manière de plus en plus audible, par diverses composantes du parti, nationalistes-européens ou catholiques traditionnalistes, surtout à partir de la percée électorale de 1983, qui sort lextrême droite de son isolement pour la première fois depuis la guerre. En 1986, Jean-Marie Le Pen range Henri Roques parmi les « chercheurs » et autres « spécialistes » de la « technique historique » (National Hebdo, 5 juin 1986). En 1987, interrogé lors dune émission radiophonique sur ce quil pense des énoncés « révisionnistes », il répond que les chambres à gaz sont « un point de détail de lhistoire de la Deuxième Guerre mondiale ». Au journaliste qui sétonne dune telle formulation, le président du Front national réplique alors : « Voulez-vous me dire que cest une vérité révélée, à laquelle tout le monde doit croire, que cest une obligation morale ? » (Libération, 15 septembre 1987). Juste un an après cette déclaration, en septembre 1988, lors de luniversité dété du Front national, J.-M. Le Pen prolonge, au profit de sa propre stratégie doccupation du terrain politique, son exploitation de la tactique de scandale pratiquée par les négationnistes, en raillant le ministre de la Fonction publique, Michel Durafour, quil nomme au micro « Monsieur Durafour et Dumoulin » puis « Monsieur Durafour-crématoire ». Lexploitation périodique de cette rhétorique par le Front national a contribué à la banalisation de cette version contemporaine du discours antisémite quest le négationnisme, tout comme elle na cessé de contribuer, plus largement, à une forte banalisation du discours raciste.
Au printemps de 1996, leffet de scandale recherché par les négationnistes se manifeste à nouveau bruyamment lorsquon apprend que, au nom de lamitié, labbé Pierre apporte sa caution au collage antisémite paru sous le titre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, écrit par Roger Garaudy et publié en « samizdat » à linstigation de La Vieille Taupe. Lauteur, dabord chrétien, puis membre du bureau politique du Parti communiste français, chantre de lorthodoxie stalinienne jusquen 1970, était alors redevenu chrétien jusquà ce que, jugeant que le christianisme « relaie une certaine idéologie sioniste », il décide finalement, en 1983, de se convertir à lislam. Il qualifie son livre d« anthologie de lhérésie sioniste » lors de la conférence de presse qui lance cette parution. Il y fait sensation en donnant lecture de la lettre de soutien de labbé Pierre, qui lui livre une de ses « convictions relative à la portion juive de lunivers humain » et lui raconte le « choc horrible » quil avait ressenti à la lecture du livre de Josué en découvrant « comment se réalisa une véritable Shoah sur toute vie existant sur la Terre promise ».
7. Un réseau international
La France nest que lun des sièges de lentreprise négationniste, qui sest développée dans le même temps ailleurs en Europe et dans le monde et qui dispose depuis 1978 dun organe déchange et de communication basé à Los Angeles, lInstitut pour la révision historique (Institute for Historical Review) avec son Journal for Historical Review, fondé par léditeur dextrême droite Willis Carto. La littérature négationniste constitue en fait un seul corpus, une vulgate constamment répétée, souvent dans des termes semblables, les variantes dun même texte renvoyant les unes aux autres, dun rédacteur à lautre, de manière circulaire, à coups de citations et dattributions mutuelles de titres supposés honorifiques, chargés dimpressionner le lecteur non informé en gratifiant lentreprise dune légitimité intellectuelle et sociale qui lui fait défaut. Parmi ces rédacteurs, reviennent notamment, à côté des Français Roques ou Faurisson : Arthur Butz, professeur associé dinformatique à la Northwestern University (Illinois), auteur en 1976 de louvrage négationniste le plus diffusé dans le monde anglophone The canular of the Twentieth Century (LImposture du vingtième siècle) ; Wilhelm Stäglich, ancien magistrat allemand, auteur en 1978 du livre Der Auschwitz-Mythos (Le Mythe dAuschwitz) ; Ernst Zündel, figure centrale des mouvements néo-nazis nord-américains et allemands ; Fred Leuchter, prétendu « expert », dont le rapport sur les chambres à gaz a été écarté par le juge comme « ridicule » et « absurde » lors du procès du précédent au Canada, en 1988 ; Germar Rudolf, autre « expert », doctorant en chimie à lInstitut Max-Planck de Stuttgart ; enfin le Britannique David Irving, seul historien de profession parmi ces plumitifs.
Les nouveaux moyens de communication informatique permettent désormais à ce type de discours dêtre diffusé à léchelle de la planète. Le Front national a été, en France, le premier parti à se doter, en 1995, dun site sur Internet. Dans dautres pays, notamment aux États-Unis, ce nouveau média a été rapidement utilisé par divers groupements racistes et formations dextrême droite, auxquels Internet procure une force de propagande autrement plus efficace que la diffusion antérieure de pamphlets polycopiés ou les prises de parole devant des auditoires restreints et déjà acquis. La production négationniste y est également omniprésente, ses promoteurs cherchant à inonder le réseau de la même manière que Robert Faurisson saturait les rédactions des journaux français dans les années 1980, mais sur une tout autre échelle. La violence des textes antisémites sur les sites diffusant la littérature négationniste démontre à lenvi la collusion entre ces discours, et aussi jusquoù est allée la dérive de la frange dultra-gauche, qui prétendait, en adhérant aux dénonciations faurissonniennes, uvrer pour la révolution. Rassinier lavait bien montré : il est rare que quelquun revienne de dérives de cette sorte, entamées bien avant dêtre visibles, poussées par des ressentiments anciens mais demeurés imperceptibles jusquà ce quune cause telle que la cause antisémite, de manière autrement plus fondamentale que la cause révolutionnaire jusque-là proclamée, mobilise corps et âme ceux qui y trouvent enfin la vérité quils cherchaient. Cette diffusion sur Internet montre aussi combien la rhétorique négationniste, née en Europe au sujet dévénements qui sy sont déroulés, a été progressivement reprise, souvent au nom de lislam, dans de nombreux pays arabes, où, malgré les protestations dintellectuels indignés par le négationnisme et lexploitation qui en est faite, Roger Garaudy est souvent salué pour son pamphlet antisémite comme un héros de la liberté et de la cause palestinienne.
Un des sites négationnistes les plus actifs, qui sappelle précisément Radio Islam, a été fondé dans les années 1990 par un officier marocain fondamentaliste réfugié en Suède, Ahmed Rami, et hébergé dabord sur le serveur dune American Islam Society. En 1997, on pouvait y lire ce commentaire : « Nous dénonçons la campagne juive de calomnie dirigée contre le seul parti politique français libre, le Front national, et son leader Jean-Marie Le Pen, le seul vrai homme dÉtat français qui a osé dire non à larrogance du pouvoir juif. Et ce nest pas un détail ! » On y trouvait également le Nuremberg ou la Terre promise de Bardèche, plusieurs traductions des Protocoles des Sages de Sion, des « caricatures politiques » lourdement antisémites, le site du parti russe ultranationaliste Pamyat et les déclarations antisémites de Louis Farrakhan, leader du mouvement noir américain Nation of Islam. En 2001, le même site, visitable en onze langues européennes et en arabe, sest notamment enrichi du traité de Luther publié en 1542 Des juifs et de leurs mensonges, de Mein Kampf et des textes de Faurisson proposés en plusieurs langues.
8. Les limites de la réplique
Limmense et nouvel espace de communication que constitue Internet est difficile à soumettre à la législation de la liberté dexpression telle quelle sapplique dans lécrit et laudiovisuel. Son étendue, sa constante recomposition, son fonctionnement technique, par sites, hébergeurs, liens et autres composantes potentiellement mobiles constituent autant dobstacles à lapplication dune telle législation. Mais les problèmes posés sont loin dêtre seulement techniques. Les points de vue, en effet, ne cessent de sopposer entre, dun côté, ceux pour qui le négationnisme est un délit, au même titre que dautres propos racistes, antisémites ou xénophobes, et, de lautre côté, les défenseurs radicaux de la liberté dexpression et ceux qui craignent quun recours à la justice ne transforme lhistoire en vérité officielle. Malgré la Déclaration universelle des droits de lhomme ou les traités, par exemple européens, de lutte contre le racisme et la xénophobie, ces débats achoppent aussi sur la disparité des formules de répression nationales. Ainsi, en Grande-Bretagne, le négationnisme nest pas reconnu comme un délit. Si David Irving fut condamné par un tribunal britannique en avril 2000 comme antisémite, raciste et collaborant avec des néo-nazis, cest parce que lui-même avait déposé une plainte en diffamation contre luniversitaire américaine Deborah Lipstadt, à qui il reprochait davoir ruiné sa réputation dhistorien en le décrivant comme un admirateur dHitler dans son livre consacré au négationnisme en 1993. En Allemagne, la loi ne sanctionne pénalement que la négation du génocide perpétré par les nazis, alors que, en Espagne ou en Suisse, cest la négation de tout crime contre lhumanité qui est passible de poursuites. En France, votée à un moment où le Front national obtenait des scores électoraux préoccupants pour la démocratie, la loi Gayssot du 13 juillet 1990, qui sanctionne la contestation des crimes contre lhumanité définis par le statut du Tribunal de Nuremberg, est un ajout à la loi Pleven de 1972 réprimant la diffamation « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». De nombreux sites racistes et négationnistes sont basés aux États-Unis, où le célèbre premier amendement de la Constitution, interdisant létablissement dune loi « qui limite la liberté de parole, ou celle de la presse », leur évite les poursuites auxquelles ils sexposent en France, en Belgique, en Suisse ou en Allemagne.
À lessai de destruction totale des juifs durant la Seconde Guerre mondiale aura donc succédé une tentative de négation de ce fait historique. Lune est le corollaire de lautre, comme on le voit pour dautres meurtres de masse, produisant eux aussi un déni à la mesure de lhorreur perpétrée. Il est dès lors nécessaire, pour comprendre ces phénomènes de négation, leur portée et leurs limites, de les analyser eux-mêmes comme des faits historiques. Mais il est sans doute nécessaire aussi daccepter de penser que les instruments de bonne foi dont disposent aujourdhui les démocraties la parole, lécriture, la justice ont une portée et, heureusement, des limites qui ne leur donneront jamais le pouvoir de réduire à néant lagrégat de perversions, de délires sans limites et de manipulations politiques que forme le négationnisme.
Source et recherches à approfondir :
https://www.universalis.fr/
PhilippeT
Messages : 546 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 3 Mai - 20:31
ANTISÉMITISME
Prise de vue
Le terme dantisémitisme a été forgé en 1873 par un journaliste de Hambourg, Wilhelm Marr, dans un libelle : La Victoire du judaïsme sur le germanisme. Il nest pas adéquat à son objet et lon devrait plutôt dire « antijudaïsme » sil était encore temps de changer lusage.
On entend par antisémitisme une attitude dhostilité à légard des minorités juives, quel que soit, dailleurs, le motif de cette hostilité. Défini ainsi, lantisémitisme est beaucoup plus ancien que le terme relativement récent qui le désigne. On sait en effet que, depuis la première dispersion des habitants du royaume de Juda, après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587 avant J.-C., les juifs nont jamais cessé dêtre plus ou moins en butte à lhostilité des populations auxquelles ils étaient mêlés. Ce comportement sexplique par lintransigeance religieuse des juifs et par leur refus de sassimiler aux nations (gentes, doù vient le terme de « gentil », qui désigne, pour les juifs, tout ce qui nest pas juif).
Lapparition du christianisme, la naissance dune Église chrétienne séparée de la Synagogue, admettant les gentils sans leur imposer les usages juifs et notamment la circoncision mais prétendant tout ensemble abolir et continuer Israël en un Israël nouveau, héritier de la Promesse et de lAlliance, ont créé de nouveaux motifs de conflit. La prise de Jérusalem par Titus en 70, la destruction du second Temple et la nouvelle dispersion dIsraël aggravèrent encore les choses. Comme les Romains distinguaient mal les juifs des chrétiens, juifs et chrétiens, pendant les trois premiers siècles de notre ère, furent entraînés dans une polémique haineuse, dont on rencontre de multiples traces aussi bien dans le Talmud que dans les écrits des Pères de lÉglise. Cest ce qui permet de parler dun antisémitisme proprement chrétien, dont on trouve les premières manifestations dans les Évangiles en particulier dans le quatrième, le plus récent. Les juifs sont accusés de déicide et, dune façon plus générale, on ne leur pardonne pas davoir repoussé « la Bonne Nouvelle ».
Le triomphe de lÉglise au IVe siècle marque pour les juifs en pays chrétiens le commencement dune ségrégation qui a revêtu des formes diverses selon les lieux et les époques et qui ne devait prendre fin quavec la Révolution française. Toutefois, même si lon rencontre dans la liturgie ou dans les usages qui laccompagnent de nombreuses traces dantisémitisme, lÉglise na jamais officiellement professé lantisémitisme. Au contraire, dans la chrétienté médiévale, fondée tout entière sur la communauté de foi, les juifs sont les seuls non-chrétiens tolérés, pourvu quils se soumettent, de plus ou moins bon gré, à certaines discriminations.
À partir du VIIe siècle, leur situation est à peu près la même en terre dIslam. Mais ils purent ici, et notamment dans lEspagne musulmane, déployer librement leur génie propre. Cest que lopposition religieuse qui les distinguait des musulmans nétait pas de même nature que celle qui les séparait des chrétiens. Laccusation de déicide et le refus de « la Bonne Nouvelle » signifient moins en terre dIslam. Si les juifs en pays musulmans ont fini par être enfermés dans des mellahs, qui sont léquivalent des ghettos, ils eurent rarement à y subir les violences qui, à partir du XIe siècle, furent leur lot en chrétienté.
Les premiers massacres de juifs en pays rhénan furent la conséquence du grand mouvement populaire qui, en 1096, entraîna les masses chrétiennes vers le Saint-Sépulcre. Il paraissait naturel que, comme préface à la délivrance du Saint Tombeau, on massacrât les juifs, ces ennemis de Jésus-Christ. Non seulement la hiérarchie chrétienne nencouragea pas ces excès, mais plusieurs évêques sefforcèrent, sans succès, de protéger les juifs contre la fureur du peuple. Les régions directement administrées par le pontife romain, en particulier Avignon et le Comtat, furent même pour les juifs des asiles où ils purent mener une existence sans troubles. Ceci nempêchait pas lÉglise de les considérer avec méfiance. Ainsi le comte de Toulouse, au début du XIIIe siècle, à la veille de la croisade albigeoise, fut sommé par lautorité ecclésiastique dexclure les juifs de son administration. Pendant le bas Moyen Âge, les juifs ne cessent dêtre accusés de toute espèce de méfaits et ils sont souvent victimes des tribunaux dInquisition, au même titre que les hérétiques et les sorciers. On les soupçonne dempoisonner les sources, de répandre la peste, de tuer des enfants chrétiens pour utiliser leur sang dans des cérémonies inhumaines, de profaner les hosties consacrées, etc.
Tout au long de lhistoire de lantisémitisme, et jusquà nos jours, nous retrouverons ces griefs, qui remontent parfois à lAntiquité, en particulier le crime rituel. Car nous voyons se préciser, dès le Moyen Âge, quelques-uns des traits permanents de lantisémitisme ; ils ne sont pas forcément de nature religieuse. Ce quon reproche dabord aux juifs, cest dêtre différents ; dêtre des hommes qui ne vivent pas comme tout le monde. Ils ont leurs usages propres, auxquels ils sont farouchement attachés. Certains métiers leur sont interdits, en particulier la culture de la terre et les armes. Ils sont contraints de se livrer au commerce, en particulier au commerce de largent. LÉglise condamne le prêt à intérêt, quelle qualifie dusure. Au moment où se constituent les premières communautés urbaines, aux XIIe et XIIIe siècles, on ne peut pourtant éviter ces opérations financières. Les juifs vont se charger de ce qui est interdit aux chrétiens. Ils le peuvent dautant mieux quentre les communautés juives répandues non seulement dans toute la chrétienté mais en Islam, les relations sont étroites et constantes. La banque nest certes pas le monopole exclusif des juifs, les Templiers et les Lombards lexercent aussi ; mais les juifs y occupent néanmoins une place disproportionnée à leur nombre. Les princes trouvent commode de laisser le juif sengraisser par des opérations usuraires pour, ensuite, le presser comme une éponge et senrichir de ses dépouilles. Tout cela nest pas fait pour diminuer lanimosité populaire contre le juif. Les diverses autorités temporelles encouragent donc lantijudaïsme et en profitent. Nous voyons alors se succéder les pogroms et les expulsions de juifs. Ils sont rejetés dAngleterre en 1290, de France en 1394, dEspagne enfin en 1492, lannée même de la prise de Grenade, sans parler dautres expulsions locales un peu partout en Europe occidentale. Lexpulsion dEspagne fut particulièrement grave, car il sagissait ici dune communauté nombreuse et prospère, liée depuis des siècles à lhistoire et à la culture du pays. Des expulsions de ce genre se produiront encore au XVIe et même au XVIIe siècle. Les juifs trouvèrent refuge dans lAngleterre de Cromwell et surtout dans la république libérale des Pays-Bas où naquit, dune famille dorigine portugaise, Spinoza.
Le siècle des Lumières fut pour les juifs une époque de relative tranquillité. Cependant quelques-uns des esprits les plus libres de ce temps, notamment Voltaire, manifestèrent des sentiments antijuifs assez violents. Lhonneur de lémancipation des juifs par la Révolution française revient en particulier à labbé Grégoire, dont lEssai sur les Juifs avait paru en 1787 et qui fit voter le 27 septembre 1791 la loi démancipation des juifs. Pendant les guerres de la Révolution, les soldats de la République abattirent, partout où ils passèrent en Europe, les murailles et les portes des ghettos.
Alors commence une période toute nouvelle dans lhistoire des juifs et aussi dans celle de lantisémitisme. Comme un ressort longtemps comprimé, le judaïsme se détend et le problème ne paraît plus tellement être pour les juifs de lutter contre leurs ennemis que de préserver leur spécificité dans un monde où les privilèges du sang et de la race tendent à disparaître. Les juifs prennent une part active à la révolution industrielle qui atteint les nations européennes. On connaît la fortune des Rothschild ; les Pereire et beaucoup dautres furent saint-simoniens. Mais cette période dapaisement dura relativement peu et lon doit considérer lantisémitisme, sous sa forme moderne, comme une conséquence directe de lémancipation.
1. Origines de l'antisémitisme moderne
Les meilleurs amis des juifs dans le passé, notamment labbé Grégoire, espéraient que lémancipation ne tarderait pas à réduire lunicité juive et que le problème posé depuis tant de siècles serait résolu par la disparition progressive du particularisme juif. Or, il nen fut rien. Notre objet nest pas ici de chercher les raisons de ce phénomène, mais simplement de le constater. Il est, en effet, à lorigine de lantisémitisme moderne, quil faut distinguer de tous les mouvements antijuifs du passé.
Antisémitisme moderne et antijudaïsme
Lantisémitisme moderne emprunte nombre de ses éléments à lantijudaïsme du passé, quil sagisse déléments religieux, comme laccusation de déicide, ou déléments sociologiques, comme lanimosité contre les manieurs dargent. Mais il doit ses caractères propres à latmosphère historique dans laquelle il est né et sest développé. Tout dabord, il fut causé par le fait même de lémancipation. Aussi longtemps que les juifs avaient vécu dans des quartiers à part, on pouvait bien les détester, mais ils ne posaient pas de problème grave aux communautés dans lesquelles ils étaient comme enkystés. Une question analogue à celles du XIXe siècle sest seulement posée en Espagne, au XVe siècle. Là, en effet, lélément juif était tellement répandu que son extirpation a pu paraître indispensable à la pureté du sang, dautant que de nombreux juifs, les marranes, avaient feint une conversion au christianisme qui les rendait particulièrement difficiles à identifier. Aussi ne faut-il pas sétonner si lon rencontre dans lEspagne du XVIe siècle quelque chose qui ressemble au racisme de notre époque.
Ce qui avait été une exception devient la règle au XIXe siècle. Dabord à cause de lémancipation, qui fut une sorte de troisième dispersion. Les internés du ghetto se répandent désormais partout. Si la rouelle ne les distingue plus, ils se signalent encore par des noms spécifiques et des usages particuliers. Lélément étranger ou étrange quils représentent nest plus localisé. Ensuite, lémancipation na pas été universelle. Elle affecte surtout les communautés occidentales qui deviennent dès lors un pôle dattraction pour les juifs dEurope orientale où lémancipation ne sest pas encore produite. Si les juifs depuis longtemps établis en France ou en Allemagne sassimilaient facilement et devenaient bientôt méconnaissables, ils étaient sans cesse relayés par des juifs dEurope orientale. Même si la solidarité juive na joué que très imparfaitement entre les juifs anciennement établis et les nouveaux venus, elle a pourtant retardé le processus dassimilation et donné aux non-juifs le sentiment dune invasion et dune contamination sournoises.
Origines prochaines de lantisémitisme
Le XIXe siècle est celui des nationalités et de lindustrialisation. Il faut examiner à part ces deux phénomènes. Après la chute des puissances traditionnelles, sous linfluence à la fois de la Révolution française et des théories nationalistes allemandes, la nation devient le cadre unique dans lequel les hommes se groupent et se reconnaissent. Les juifs sont-ils une nation dépourvue de territoire et, par suite, de frontières ? Leurs relations internationales, la solidarité quils maintiennent par-dessus les frontières que les nations anciennes et nouvelles dressent farouchement entre elles, le fait quil y avait des Rothschild à Paris, à Londres et à Vienne, tout cela tendrait à faire croire quil existe effectivement une nation juive, étrangère aux nations parmi lesquelles elle est répandue. Lubiquité juive menace lunité et la cohésion des diverses nations. Le nationalisme, sauf peut-être en Grande-Bretagne, sera volontiers antisémite. Quant au sionisme, inspiré à Theodor Herzl par laffaire Dreyfus , il ne fut, à la fin du siècle, quune réplique juive au nationalisme qui sétait développé en Europe et sétait montré antijuif.
Mais lantisémitisme moderne est dû davantage encore à la transformation économique et sociale consécutive à lindustrialisation. Le phénomène est dabord sensible en Europe centrale, où régnait jusqualors un artisanat corporatif qui avait toujours exclu les juifs, les obligeant à se spécialiser dans le commerce de largent. Les juifs se trouvèrent donc mieux placés que quiconque pour introduire dans ces pays léconomie manufacturière, qui faisait à lartisanat une concurrence mortelle et où, comme on sait, les ouvriers, dépourvus de toute protection légale, étaient cruellement exploités. Les juifs dEurope centrale ne furent pas de pires exploiteurs que les patrons chrétiens de Grande-Bretagne, mais ils le furent de la même façon, et cela explique la haine violente quils soulevèrent à la fois chez les artisans, menacés de prolétarisation, et chez les ouvriers. En outre, les juifs voyaient souvrir devant eux laccès aux professions libérales, exigeant des qualités intellectuelles. Par tradition, les juifs ont le respect de létude et du savoir. Ils disposaient, dans ce domaine, dune supériorité en quelque sorte native. Leurs succès ne pouvaient donc que porter ombrage à une bourgeoisie, elle-même fraîchement émancipée, et qui cherchait dans les mêmes professions un avenir pour ses fils.
On comprend que, dans ces conditions, lantisémitisme se soit étendu à presque toutes les couches de la population. Les classes conservatrices voyaient dans la promotion des juifs une conséquence de la Révolution française quelles abhorraient. La bourgeoisie, grande ou petite, voyait en eux des concurrents dangereux et mieux armés, dautant quune certaine solidarité héritée de la promiscuité du ghetto et qui, du reste, caractérise en général tous les groupements minoritaires, jouait souvent en faveur du juif. Enfin, la classe ouvrière, durement exploitée, tournait contre les patrons juifs une partie de sa force revendicatrice. Quant aux paysans, qui avaient depuis longtemps souffert de lusure, ils étaient traditionnellement dressés contre le prêteur juif, comme ils leussent été contre nimporte quel autre prêteur. Le nationalisme fournissait à cette haine de nobles prétextes et les préjugés religieux hérités du passé faisaient le reste.
On voit donc que lantisémitisme moderne est issu dun ensemble convergent de facteurs hétérogènes, les uns anciens, les autres nouveaux, ceux-ci étant les plus importants. Cette importance a souvent été méconnue par des hommes de bonne foi, tel Jules Isaac, qui voyait dans le préjugé religieux la racine même de lantisémitisme parce que, depuis le triomphe du christianisme, on le retrouve à toutes les époques. En réalité, si ce triomphe a constitué une assise psychologique qui a grandement facilité linstallation de la mentalité antisémite, il ne semble pas prédominer à lépoque moderne et il ne suffit pas pour expliquer les formes prises par lantisémitisme depuis un siècle.
Antisémitisme et racisme
Ce que lon reproche essentiellement au juif depuis lémancipation, cest son altérité. Il reste différent, et si certains juifs ne cherchent quà sassimiler et à faire oublier cette différence, au point que lon a pu parler dun « antisémitisme juif », cest-à-dire de lhostilité profonde de certains juifs à tout ce qui est juif, lassimilation ne fut jamais que le fait dune minorité. Le juif émancipé ne cesse quexceptionnellement dêtre reconnaissable, et cest dabord ce quon lui reproche et ce qui lui suscite des ennemis dans tous les secteurs de lopinion. Les nationalistes voient dans cette différence une atteinte permanente à lunité nationale. Mais les internationalistes nen sont pas moins choqués, car elle est pour eux la négation de lunité humaine. Le sort du juif est dêtre en butte à la fois aux tenants des préjugés traditionnels et aux apôtres dune humanité qui serait enfin réconciliée avec elle-même.
Le cas de Richard Wagner est, à cet égard, plein denseignements. En 1848, dans la fièvre de la Révolution, il écrivait : « Lhumanité ne connaîtra jamais de liberté véritable tant quil restera des opprimés dans le monde, aussi peu nombreux quils soient et aussi loin quils se trouvent. » Deux ans après, à la suite dun différend avec le compositeur juif Meyerbeer, le même Wagner écrit un pamphlet sur Le Judaïsme dans la musique, qui est violemment antijuif, et où lon peut trouver les éléments essentiels de lantisémitisme moderne. Que sest-il passé ? La haine pour Meyerbeer ne semble avoir été ici que loccasion. Wagner, en réalité, a été amené à opposer linstinct qui considère le juif comme un corps étranger au sein des nations à la raison abstraite qui voudrait que le juif fût respecté en tant quhomme, en dépit des traits spécifiques quil conserve. La position du rationaliste nest pas, en réalité, très différente, bien quelle parte de prémisses tout opposés. Si, en effet, dans la société capitaliste libérale, les hommes sont considérés comme égaux, puisque tous les privilèges de naissance et de rang sont théoriquement abolis, cest là en fait un pur mensonge. Largent est désormais devenu le paramètre universel. Or, parce que les juifs sont traditionnellement les hommes de largent, il est naturel quils triomphent dans une société ainsi constituée. Marx et Wagner se trouvent donc paradoxalement daccord pour reconnaître dans le juif le symbole de ce que lun appelle la corruption et lautre le mensonge de la société libérale. La conclusion de Wagner aurait pu être celle de Marx : « Songez bien quune seule chose, disait-il aux juifs, peut vous sauver de la malédiction qui pèse sur vous : la rédemption dAhasvérus, lanéantissement. » En somme, lantisémitisme ne cessera que le jour où la disparition des juifs, soit dans la masse humaine, soit dans les entités nationales entre lesquelles ils sont dispersés, laura privé de tout aliment. Il est utile de souligner que les années 1840 sont aussi celles où seffectue lémancipation des juifs de lEurope centrale et où tombent pour eux les dernières discriminations.
Toutefois, ce nest que vingt ans après, au lendemain de la guerre franco-allemande de 1870, que se produisent les premières manifestations spécifiquement politiques du nouvel antisémitisme. Il y eut, en 1873, une crise économique qui affecta particulièrement lAllemagne et lAutriche-Hongrie. Il fallait un bouc-émissaire : la finance juive et les juifs en général furent rendus responsables de la catastrophe par un certain nombre de publicistes, et notamment par ce Wilhelm Marr, inventeur du terme dantisémitisme. Si le mot quil a ainsi forgé nous a semblé inadéquat, cest parce quil se référait à une théorie sur les groupes raciaux et linguistiques mise en circulation par le fameux Essai sur linégalité des races humaines du comte de Gobineau, publié de 1853 à 1855. Il est difficile de savoir si louvrage de Gobineau, vingt ans après, était suffisamment connu en Allemagne pour influencer le publiciste de Hambourg. Mais ses idées étaient dans lair et cela suffit pour quelles aient exercé une influence, fût-elle indirecte. On peut en dire autant du livre de Darwin sur lOrigine des espèces, qui avait paru en 1859.
La biologie et la linguistique ont fait de grands progrès vers le milieu du XIXe siècle. La première, avec Darwin, mettait en lumière le combat pour la vie et la survivance des plus aptes. La seconde distinguait un certain nombre de grandes familles linguistiques, en particulier la branche indo-européenne ou aryenne et la branche sémitique. Il sest produit une regrettable confusion entre la notion purement biologique de race et le concept philologique de groupe linguistique. Ces deux réalités nont rien de commun. Les peuples qui parlent des langues sémitiques appartiennent à plusieurs races, et de même ceux qui parlent des langues indo-européennes ou aryennes. Cela na point empêché les soi-disant aryens de se considérer, à la suite de Gobineau, comme une race supérieure dangereusement affaiblie par le mélange avec les prétendus sémites que sont les juifs. Doù le terme dantisémitisme, qui se rapporte à une réalité philologique, mais qui évoque indiscutablement, chez son auteur et chez ceux qui lont repris après lui, un phantasme racial. Le nouvel antisémitisme qui surgit, dans la seconde moitié du XIXe siècle, a dès lorigine une coloration raciste. Wagner navait pas attendu Gobineau pour employer contre les juifs des arguments racistes et on ne tardera pas à les retrouver sous la plume de Nietzsche, bien quil ait désapprouvé lattitude de Wagner. Il importe cependant de distinguer lantisémitisme et le racisme, car les deux courants ne se mélangent pas toujours, notamment en Europe occidentale et plus particulièrement en France. Leur contenu et leurs motivations ne sont pas les mêmes. Le racisme manifesté par les Blancs à légard des gens de couleur ne saccompagne pas forcément dantisémitisme, même si cest le plus souvent le cas. Le fond du racisme, cest la conviction que les diverses races humaines sont naturellement inégales et que lon appartient à la race supérieure, qui doit se défendre contre tout métissage. Les prémisses de lantisémitisme sont autres. Outre quon ne peut soutenir sérieusement que les juifs constituent une race toutes les recherches scientifiques faites à ce sujet ont démontré quil nen est rien cette ethnie juive nest pas toujours considérée par les antisémites comme une ethnie inférieure. Dans ce cas, en effet, elle ne serait pas si dangereuse, puisquelle est largement minoritaire. Lantisémite redoute le juif, au fond, parce quil lui trouve des qualités dont il est lui-même dépourvu et qui expliquent suffisamment les succès juifs, la place de plus en plus grande que prennent les juifs non seulement dans la banque et dans les affaires économiques, mais aussi dans luniversité, la littérature et les arts, les professions libérales et le journalisme. Cette place est jugée disproportionnée au nombre des juifs, mais non pas à leurs mérites dans lordre intellectuel.
Lantisémite éprouve, depuis lémancipation des juifs, un sentiment dinfériorité à leur égard. Mais comme il ne veut pas se lavouer, il invente le mythe compensateur de la supériorité raciale et, sil reconnaît de mauvaise grâce la supériorité intellectuelle du juif, il lui attribue une infériorité morale qui explique ses succès, autant que sa valeur intellectuelle : pour lui, les juifs sont des intrigants, des arrivistes sans scrupule qui se font la courte échelle et envahissent ainsi les centres nerveux de la société ; le non-juif finit par sapparaître à lui-même comme un être vulnérable parce que dépourvu de malice, et quil importe déclairer sur linvasion sournoise dont il est lobjet. Tel est le rôle de lantisémitisme ; il réveille des dormeurs trop confiants ; il leur donne conscience du danger caché qui les menace ; il leur rappelle opportunément quils ont le droit pour eux et aussi la force : le droit parce que les juifs sont des étrangers dans le corps national, la force parce que les non-juifs sont de beaucoup les plus nombreux et quils nont quà le vouloir pour se défendre victorieusement. Lantisémitisme fait donc appel aux plus bas instincts ; on est naturellement porté à détester celui qui ne vous ressemble pas, celui qui se distingue par une différence, par un signe. Plus léger, plus difficile à percevoir est ce signe, plus il importe de le déceler et plus il est redoutable. Au temps du ghetto, on savait immédiatement à qui lon avait affaire, qui était juif et qui ne létait pas. À présent il convient de se méfier. LEspagne du XVIe siècle avait connu cette recherche du marrane, du juif faussement converti. Au XIXe siècle, après lémancipation, il ne sagit plus dune fausse conversion au christianisme, mais dune fausse conversion au patriotisme, à la manière de vivre des non-juifs : « On en rencontre partout, jusque dans larmée, et si lon nest pas particulièrement vigilant, on laisse le champ libre à leur action pernicieuse. Car, quoi quils fassent, ils ne peuvent ni ne veulent cesser dêtre juifs. » Ils demeurent autres et lantisémite est habile à discerner cette altérité qui se dissimule pour mieux agir. Nous sommes alors en présence dune véritable phobie, qui ne sétait manifestée sous une forme religieuse dans la chrétienté médiévale que parce que le ciment de cette société était religieux.
2. Antisémitisme et nationalisme
L'antisémitisme au siècle des nationalités
Au XIXe siècle, cest la nation qui est le ciment social. Cest donc la nation qui doit repousser ou tout au moins endiguer le juif, si elle tient à ne pas être dénaturée ni mise hors détat de se défendre. Si lantisémitisme a pris une forme raciste dans les pays germaniques, cest parce que le concept de nation ny est pas exactement le même que dans lEurope occidentale. Ici la nation est avant tout un territoire aux limites géographiques précises, dont lunité ne se fonde ni sur la race, ni sur la langue, mais sur le consentement. Mais la nation allemande a été définie dans les fameux discours de Fichte comme une unité linguistique : lAllemagne devrait sétendre aussi loin que sétend la langue allemande. Or nous avons vu quune étrange confusion sest établie vers le milieu du siècle entre le linguistique et le racial, en sorte que les hommes de langue allemande ont pu se considérer comme appartenant à une prétendue race nordique qui est métissée et corrompue par lintrusion dune autre race, dautant plus redoutable quelle parle aussi allemand, et que même le dialecte forgé par les juifs ashkenazim au Moyen Âge, le yiddish, est un dialecte germanique. La nation allemande est donc poussée à lantisémitisme par une sorte de dynamique propre, qui ne se retrouve pas ailleurs au même degré. Surtout quand cette nation est elle-même minoritaire dans un État multinational tel que lAutriche-Hongrie après 1867. Les Allemands sont en Cisleithanie la nation dominante, comme les Magyars en Transleithanie. Mais ils doivent défendre cette suprématie contre les Slaves, plus nombreux. Cest pourquoi leur sentiment germanique sexacerbe. Lantisémitisme a ainsi trouvé à Vienne un terrain particulièrement favorable. Vienne est une ville catholique. Lantisémitisme de Lueger, qui réussit à se faire élire bourgmestre de Vienne en exploitant précisément les tendances antisémites de la population, nétait pas un antisémitisme raciste. Il empruntait plutôt ses arguments à la position économique des juifs et aux préjugés religieux datant du Moyen Âge. Ce furent néanmoins les discours de Lueger qui fixèrent les idées de Hitler et cest dans la même atmosphère viennoise que sest formé le fondateur du sionisme, Theodor Herzl. Le rapprochement est significatif.
Il y avait à la même époque un autre centre actif dantisémitisme en Allemagne du Nord : Berlin. Le prédicateur de la Cour, Adolf Stöcker, prit la tête du mouvement. Il était soutenu par les hobereaux agrariens qui détestaient le libéralisme de lécole de Manchester et qui considéraient la doctrine du « laissez faire, laissez passer » comme une doctrine spécifiquement juive. Nétait-elle pas lexpression de ce cosmopolitisme antinational que lon reprochait tant aux juifs ? Les catholiques, qui sortaient à peine des rudes épreuves du Kulturkampf, se joignirent volontiers au mouvement, tandis que les nationaux-libéraux de lAllemagne de lOuest et surtout les sociaux-démocrates marxistes sy opposaient. Ces derniers avaient parfaitement vu que la bourgeoisie détournait sur les juifs les colères de la classe ouvrière. Ainsi les deux États allemands connurent-ils, à partir de 1880, une vague dantisémitisme. La Hongrie nétait dailleurs pas épargnée ; cest là que se produisit en 1882 le scandale du prétendu meurtre rituel de Tisza-Eszlar. À la même époque, la vague antisémite déferlait également en Russie et en France, pour des raisons assez différentes.
Le 13 mars 1881, Alexandre II fut tué à Saint-Pétersbourg. Lattentat était luvre des nihilistes, mais ceux-ci avaient bénéficié de nombreuses complicités juives, entre autres celle dune jeune fille, Hesse Helfmann. Il nen fallut pas davantage à ladministration tsariste pour détourner sur les juifs la colère du peuple. Alors commence la série des pogroms. Ce mot russe signifie dévastation, et il sapplique parfaitement à ce qui se passa à Kiev, capitale de lUkraine, le 6 avril 1881. En voici la description, daprès un rapport de police : « Le 6 avril, les troubles commencèrent à sept heures du matin et sétendirent à toute la ville avec une rapidité extraordinaire. Employés de boutique, garçons dauberge, artisans, cochers, fonctionnaires de lÉtat, élèves-officiers, soldats de larmée, tous se joignirent au mouvement. La ville offrait un aspect inhabituel : les rues étaient parsemées de plumes dédredon et de meubles ; dans les maisons, portes et fenêtres avaient été défoncées. Une foule enragée se répandait dans toutes les directions, criant et hurlant, poursuivant son travail de destruction sans rencontrer la moindre résistance. Lindifférence absolue de tous ceux qui nétaient pas juifs devant cette rage destructrice complétait ce tableau [...] Le soir, il y eut une recrudescence de troubles avec les paysans des environs qui envahissaient la ville, attirés par le pillage des biens juifs. » De tels pogroms ont eu lieu en Russie pendant plus de vingt ans , amenant beaucoup de juifs de Russie et de Pologne, alors annexée en partie à lEmpire russe, à fuir aux États-Unis ou au Canada. Tous passaient par lEurope centrale et occidentale, quelques-uns sy fixaient. Cet afflux de nouveaux immigrants juifs à la fin du XIXe siècle et au commencement de celui-ci ne contribua pas peu à renforcer lantisémitisme dans ces pays, dautant que, vers 1900, la police secrète russe commença à faire circuler, sous le nom de Protocoles des Sages de Sion, un texte fabriqué qui contenait tous les éléments de ce que lon devait appeler plus tard « la conspiration judéo-maçonnique ». Il sagissait du procès-verbal de prétendues séances secrètes quauraient tenues à Bâle en 1897, à loccasion de la réunion du premier Congrès mondial sioniste, les exilarques (chefs des juifs en exil) du monde entier. En corrompant systématiquement les murs de lEurope chrétienne et en achetant leurs chefs, juifs et francs-maçons se seraient proposé dobtenir lempire du monde sur les ruines de la chrétienté. En mai 1882, enfin, la Russie tsariste avait adopté la législation antijuive la plus systématique qui ait été élaborée avant les lois racistes de Hitler.
La France ne fut pas épargnée par cette marée antisémite. Le 24 octobre 1870 avait été pris le décret Crémieux qui accordait la citoyenneté française de plein droit à tous les juifs dAlgérie. Cette mesure ne fut pas étrangère au soulèvement de Kabylie en 1871 ; mais surtout elle provoqua et entretint dans la population européenne dAlgérie un antisémitisme plus ou moins virulent. Il en était de même en métropole, pour dautres raisons. Les Français avaient très mal compris et accepté leur défaite dans la guerre franco-allemande, ils étaient prêts à en inventer des explications de toute sorte. Les juifs, dont beaucoup portent des noms à consonance allemande, furent maintes fois accusés davoir affaibli la résistance nationale. Tel était létat desprit dun grand nombre de Français lorsque se produisit, en 1882, le krach de lUnion générale, banque qui sétait donné pour objet de drainer les capitaux catholiques. Cette banqueroute, qui ruina nombre de petits porteurs, fut attribuée aux intrigues de la « banque juive ». Cest alors que le publiciste Édouard Drumont publia son pamphlet, La France juive, dans lequel il ramassait tous les griefs de la petite bourgeoisie cléricale contre les juifs. Louvrage, paru en 1886, à lheure où déferlait la vague nationaliste du boulangisme, connut un énorme succès. Nationalisme et cléricalisme trouvaient un terrain commun : la haine du juif. À lalliance du trône et de lautel succédait celle du sabre et du goupillon, et les juifs en faisaient les frais. Si le juif Naquet se trouvait parmi les partisans de Boulanger, on retenait surtout quil était lauteur de la loi autorisant le divorce. En 1892, Drumont fondait un quotidien qui ne tarda pas à devenir le journal de tous les bien-pensants : La Libre Parole.
Laffaire Dreyfus
Telle était latmosphère quand éclata, à lautomne de 1894, laffaire Dreyfus. Des documents secrets avaient été dérobés à létat-major général et vraisemblablement communiqués à une ou plusieurs puissances étrangères. À la suite dune rapide enquête, le chef détat-major général, Mercier, fit arrêter le capitaine détat-major Alfred Dreyfus, dorigine juive. Traduit en conseil de guerre, le capitaine Dreyfus, bien quil ait toujours protesté de son innocence, fut condamné à la dégradation militaire et déporté à vie dans lîle du Diable, au large de la Guyane française. Le jour de la dégradation à lÉcole militaire, le 5 janvier 1895, une foule hurlante sétait rassemblée aux cris de : « À mort les juifs ! » Il nétait pas douteux pour elle que, si Dreyfus avait trahi, cétait parce quil était juif. Ce qui est aujourdhui certain, cest quil fut, en effet, accusé et condamné avec une incroyable légèreté parce que juif.
Mais un an plus tard, en 1896, le colonel Picquart, chef du deuxième bureau, acquit la conviction que le véritable traître était un commandant dorigine hongroise, Esterhazy. Quand il fit part à ses chefs de sa découverte, ils ne lui en surent aucun gré, et lexpédièrent comme gêneur dans le Sud tunisien. Il fallait que le seul et unique coupable fût le juif Alfred Dreyfus. À partir de ce moment, laffaire Dreyfus revêtit une ampleur véritablement nationale. La France fut coupée en deux : dun côté la droite nationaliste et cléricale, avec Barrès, Déroulède et la « Ligue des patriotes », soutenait létat-major, « lhonneur de larmée », et sopposait passionnément à la révision du procès Dreyfus. Lantisémitisme était, une fois de plus, la conviction commune de cette partie de lopinion. De lautre côté, derrière la « Ligue des droits de lhomme » et l« Union pour la vérité », à lappel du grand romancier Émile Zola, qui avait publié dans LAurore, journal de Clemenceau, son fameux article « Jaccuse », mettant en cause les plus hautes autorités de lÉtat, à commencer par le président de la République, la gauche et lextrême gauche se dressaient en faveur de linnocent condamné. Tandis que la majorité de lAcadémie française était dun côté, la plus grande partie de lUniversité était de lautre.
Condamné une seconde fois par un Conseil de guerre qui, au mépris de tout droit, ne voulut pas infliger de démenti au premier conseil de guerre ni à létat-major général, finalement Dreyfus fut solennellement réhabilité. Mais il avait fallu, pour parvenir à ce résultat, que les élections de 1902 eussent donné le pouvoir à la gauche soutenue par lextrême gauche. On a pu parler sans exagération de « révolution dreyfusienne ». Cette banale affaire despionnage sétait élevée à la hauteur dun drame national. Cest lhonneur de la nation française de sêtre ainsi passionnée pour le sort dun innocent. Mais laffaire Dreyfus avait aussi clairement posé le problème de la présence des juifs dans la nation. Les nationalistes vaincus se résignèrent mal à leur défaite. Jamais l« Action française », par exemple, fondée dans la passion de laffaire Dreyfus, na consenti à reconnaître linnocence de laccusé, malgré les preuves éclatantes qui en furent fournies après la guerre de 1914, et il a toujours subsisté en France un vieux levain dantisémitisme, que la défaite de 1940 a réveillé. Les mesures antijuives prises par le gouvernement de Vichy furent appliquées par des hommes tels que Xavier Vallat et Darquier de Pellepoix, qui étaient des antisémites de tradition française. Toutefois, un grand nombre dantisémites français, révoltés par la barbarie hitlérienne, changèrent dopinion en voyant où les menait leur obsession passionnelle.
Le nazisme
Après sa défaite de 1918, lAllemagne subit un traumatisme comparable à celui que la France avait éprouvé en 1871. La colère du peuple, qui sestimait trahi et attribuait ses revers au fameux coup de poignard dans le dos, se tourna tout naturellement contre les juifs, et lassassinat de Walter Rathenau le 24 juin 1922 fut une manifestation de cet antisémitisme diffus qui allait cristalliser autour du Parti national-socialiste dAdolf Hitler. Nous ne pouvons ici entrer dans une analyse complète des éléments très divers qui ont concouru à former le complexe nazi. Sil est légitime de distinguer le racisme en soi de lantisémitisme proprement dit, le racisme nazi est très spécialement antisémite, même si dautres groupes humains comme les Tziganes ont eu aussi à en souffrir. Au fur et à mesure que le mouvement sest renforcé, à partir surtout de la prise du pouvoir (30 janv. 1933) et davantage encore lorsque ses premières victoires eurent livré à Hitler la plus grande partie de lEurope, cet antisémitisme radical déploya toute son horreur .
Dans la mesure où lon peut parler dune idéologie nazie, il faut marquer ici limportance de louvrage de lAnglais Houston Stewart Chamberlain, paru en 1899 : Le Fondement du XIXe siècle, où il reprenait les théories de Gobineau et sinspirait aussi des idées nietzschéennes sur la morale desclaves prêchée par le judéo-christianisme et du néo-paganisme wagnérien. Pour la première fois, rompant avec une longue tradition, lantisémitisme saccompagnait dune hostilité plus ou moins camouflée au christianisme. Tantôt on soutient, comme cela avait déjà été fait auparavant, que le Christ nétait pas juif, mais aryen ; tantôt on sélève ouvertement contre la morale chrétienne. Dans tous les cas, les chrétiens, catholiques et protestants, ne sy trompèrent pas et comprirent quà travers le judaïsme, le christianisme était visé. Louvrage emphatique du théoricien nazi Alfred Rosenberg, Le Mythe du XXe siècle, allait dans le même sens. Cest une novation capitale dans les rapports judéo-chrétiens et cela amène le pape Pie XI à prononcer son mot fameux : « Spirituellement, nous sommes des Sémites. » La persécution nazie a eu deux conséquences : la création, en 1948, de lÉtat dIsraël, qui a fondamentalement transformé les rapports du judaïsme avec le reste du monde ; et le développement, après la guerre, dun mouvement d« amitié judéo-chrétienne » qui a abouti au vote par le concile Vatican II dune déclaration sur les juifs. Cette déclaration, jugée insuffisante par certains lÉglise ny faisant pas suffisamment amende honorable pour les anciennes persécutions des chrétiens contre les juifs, et se contentant de « déplorer », sans condamner avec assez dénergie, latroce comportement des hitlériens contre lequel Pie XII navait pas jugé bon de sélever ouvertement instaure néanmoins une ère nouvelle dans les rapports judéo-chrétiens. Les Églises non catholiques, groupées dans le « Conseil cuménique des Églises », ont adopté une attitude analogue à New Delhi en 1962. Dans une série douvrages parus après la guerre et dont le plus fameux est Jésus et Israël (1948), Jules Isaac sest heureusement attaché à détruire jusque dans leurs racines les préjugés antijuifs qui avaient empoisonné pendant tant de siècles le christianisme. Même si lon doit encore lutter pendant de longues années contre des séquelles, cen est fait dun antisémitisme qui se réclamerait du christianisme. Les termes dantisémite et de chrétien ne peuvent être accolés sans contradiction flagrante.
Mais au moment même où le vieil antisémitisme agonise, il est relayé par un autre, encore plus virulent. Jamais, au cours dune longue et douloureuse histoire, les juifs navaient subi persécution aussi forcenée que celle à quoi ils furent soumis par les nazis, de 1933 à 1945 . À partir dune date difficile à préciser (1941 ou 1942), les hitlériens décidèrent dapporter une « solution définitive » au problème juif. Cette solution nétait autre que lextermination totale des juifs dans les régions de lEurope occupée par les nazis. On estime que plus de six millions de juifs, le tiers de ceux qui vivaient dans le monde entier, furent massacrés ; des quatre millions de juifs polonais, il nen reste plus que vingt mille. Cette extermination était systématique et en quelque sorte administrative ; elle saccompagnait de mille sévices odieux . Cest ce qua montré, entre autres choses, le grand procès dEichmann en Israël. On y a vu un fonctionnaire ponctuel et sans passion apparente répondre avec calme de millions dassassinats. Jamais la technique la plus raffinée navait été mise au service de crimes aussi monstrueux.
3. L'antisémitisme après la Seconde Guerre mondiale
Ce quil y a de plus inquiétant dans lantisémitisme hitlérien, cest quil nest pas mort avec le IIIe Reich. Les plus cruels instincts de lhomme ont été réveillés par cette infamie. Des groupes néo-hitlériens se manifestent encore, non seulement en Allemagne, mais en Suède, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Afrique du Sud et en France. Lantisémitisme se ramène alors au désir barbare dopprimer et de supprimer une minorité hétérogène, tendance perverse et criminelle que lon doit combattre avec dautant plus de vigilance quelle est sournoisement contagieuse.
L'antisémitisme dans les pays de lEst
Une autre forme dantisémitisme resta vivante longtemps : celle qui fut propre aux pays de lEst à lheure du socialisme. En dépit de quelques excès de plume, on ne peut pas dire que les socialistes en général et Marx en particulier aient été antisémites. Mais ils aspiraient à un universalisme rationnel que heurtait le persistant particularisme juif. Toutefois, la coalition réactionnaire qui sétait formée contre les juifs à la fin du XIXe siècle en Russie, en Allemagne et en France avait conduit les sociaux-démocrates à se dresser contre lantisémitisme, et lun des premiers actes des bolcheviks en 1917 fut deffacer radicalement tout ce qui pouvait subsister de la législation antijuive du régime tsariste. On le sait, nombre de chefs bolcheviks étaient dorigine juive ; cet argument a été abondamment exploité, à la fois contre les juifs et contre le bolchevisme, par les nazis et par dautres. Les juifs ont été couramment accusés tout ensemble de servir les intérêts de la ploutocratie internationale et ceux de la subversion marxiste.
L'antisémitisme qui sest révélé dans les pays de lEst depuis la guerre revêt donc un caractère assez particulier. Pour régler les problèmes que leur posait lhéritage dun empire multinational comme létait celui des tsars, les bolcheviks furent amenés à formuler une théorie des nationalités qui permit à celles-ci, non seulement de régler leurs propres problèmes, mais aussi de soutenir efficacement les revendications nationales des anciens pays coloniaux. Les juifs furent alors reconnus comme une nationalité distincte en Union soviétique. Mais quest-ce quune nationalité sans territoire ? Aussi les Soviétiques attribuèrent-ils aux juifs qui voudraient sy fixer une région de Sibérie, située aux confins nord de la Mandchourie, le Birobidjan. Mais, pour de nombreuses raisons, les juifs ny allèrent point et le projet fut abandonné. Les trois millions de juifs de lUnion soviétique sont donc demeurés dispersés sur lensemble du territoire jusquà ce que la libéralisation du régime peu avant sa disparition leur permît démigrer.
Quest-ce qui distinguait donc le juif en Union soviétique ? Non seulement la religion, que le plus grand nombre sans doute ne pratique plus, mais aussi le dialecte yiddish qui, par lintermédiaire de journaux, de revues, de théâtres, permettait aux juifs de cultiver un certain nombre de traits communs. Or, après avoir été dabord encouragées, ces diverses activités culturelles furent singulièrement restreintes. Staline, dans les dernières années de sa dictature, fut pris dune phobie antijuive et sa mort seule sauva les médecins juifs impliqués dans le complot dit « des blouses blanches », tandis quen Tchécoslovaquie, Slansky fut condamné pour avoir, entre autres choses, manifesté des tendances sionistes. Ce fut là une des conséquences de la création de lÉtat dIsraël, à quoi pourtant lUnion soviétique sétait montrée favorable. La disparition de Staline atténua pendant quelques années ces manifestations administratives antijudaïques. Mais elles reprirent à partir de 1958 sous la forme de mesures antireligieuses qui atteignirent, dailleurs, les chrétiens au même titre que les juifs.
Antisémitisme et antisionisme
On ne lutte pas seulement contre le judaïsme, mais aussi contre le sionisme. Les Soviétiques opposaient volontiers à linternationalisme prolétarien le cosmopolitisme juif qui aurait été une internationale particulariste et, en fait, nationaliste au plus mauvais sens du terme. De plus, lÉtat dIsraël fut accusé dêtre au Proche-Orient un suppôt de limpérialisme américain, et lUnion soviétique crut devoir appuyer, dans cette région du monde, les pays arabes. Lantisémitisme soviétique ainsi constaté, bien que théoriquement il nen pouvait être question, a eu des sources et des motivations extrêmement diverses. On y rencontre dabord, dans certaines régions, en particulier lUkraine, la survivance dun antisémitisme traditionnel. On a pu y relever des publications antijuives dont la grossièreté sapparente à celle du trop fameux journal nazi de Streicher, Der Stürmer. Ensuite, les juifs étaient, plus fréquemment que les autres citoyens soviétiques, condamnés pour crimes ou délits économiques, et, chaque fois, les journaux soulignaient complaisamment lorigine juive des condamnés. La vie religieuse et culturelle juive a été entravée par des mesures administratives. Mais, surtout, le particularisme juif, dont le sionisme est une expression parmi dautres, était considéré comme un scandale par des rationalistes pour qui un tel particularisme, qui nest justifié ni par la race ni par le groupement sur un territoire déterminé, représentait seulement une survivance malsaine de temps révolus.
Les États marxistes aspiraient à résoudre définitivement la question juive par lassimilation totale des juifs à la population non juive. Si le judaïsme y faisait obstacle, cétait un motif supplémentaire de le combattre plus encore que les autres religions qui, elles au moins, ne justifiaient pas un particularisme ethnique. Quant à lÉtat dIsraël, son existence nétait pas mise en cause, mais à la condition quil se comportât comme tous les autres États, cest-à-dire quil ne prétendît pas être le point de rassemblement virtuel dun peuple dont la plus grande partie demeurait dispersée parmi les autres nations.
Les pays de lEst, ceux du socialisme réel, nétaient pas ici seuls concernés. Depuis quen 1967 larmée israélienne est venue à bout, en six jours, non seulement de larmée égyptienne, mais aussi de larmée syrienne sur le Golan et quenfin elle a conquis sur les troupes jordaniennes non seulement la totalité de Jérusalem, mais lensemble de la Cisjordanie, il est apparu quIsraël est la première puissance militaire du Proche-Orient. Cest vraiment une très grande nouveauté. On navait rien vu de tel depuis lAntiquité. Toute la condition des Juifs dans le monde sen est trouvée changée.
Lantisionisme a succédé à lantisémitisme, comme celui-ci avait succédé à lantijudaïsme chrétien et musulman. Lantisionisme ne se confond pas avec lantisémitisme. Nombre dantisionistes, traumatisés par lHolocauste, se jugeraient insultés si on les traitait dantisémites. Ils nen ont pas contre les Juifs en tant que tels, mais seulement contre les Juifs qui se prétendent un peuple et qui veulent que ce peuple soit une nation parmi les autres avec un territoire, un État et tous ses attributs. Le sionisme est alors chargé de tous les vices, convaincu en particulier de colonialisme et même de racisme. Il ne sagit plus de lutter contre un projet sournois et dissimulé de domination du monde, tel que lexposaient les prétendus Protocoles des Sages de Sion, mais contre la réalité dun État usurpateur, qui ne se contente pas doccuper une partie de la terre où vivaient dautres hommes qui sen considéraient comme les possesseurs légitimes ; qui veut lenvahir tout entière et, de fait, cest ce quil a fait en 1967. Sil évacue le Sinaï, cest parce quil na jamais fait partie dErets Israël, la Terre dIsraël ; mais il simplante en Cisjordanie, quil nomme Judée et Samarie.
On ne peut entrer ici dans le détail de cette querelle, où se sont trouvés plus ou moins engagés tous les peuples du Tiers Monde, dont un grand nombre ignoraient auparavant lantisémitisme, mais qui sont devenus violemment antisionistes. Comme lantisémitisme véhiculait un grand nombre darguments empruntés à lantijudaïsme, ainsi lantisionisme emprunte beaucoup à lantisémitisme en y ajoutant quelque chose dessentiel, qui était impensable avant 1948 : la critique dun État juif ou hébreu et de toutes les modalités de sa politique. De même que lantisémite ne tolérait pas chez les Juifs des défauts communs à tous les hommes, lantisioniste ne tolère pas de lÉtat dIsraël ce qui est la conduite ordinaire de tous les autres États, beaucoup même faisant pire.
Quon le reconnaisse ou non, cest lexistence même de cet État qui est en question, comme lantisémitisme met en question celle du Juif en tant que tel. On ne le tolérerait que si, par impossible, il nétait pas juif. Alors il figurerait dans la longue liste de ces petits États dont lactualité nous rappelle parfois lexistence et qui nont dimportance que purement régionale. Mais, précisément, un État juif est tout autre chose. Il intéresse les Juifs de New York, de Paris et de Buenos Aires ; et cest ce que lon ne supporte pas.
Aussi était-il probablement inévitable que lon en vînt à critiquer jusquaux origines immédiates de cet État nouveau, de cet État ressuscité. Si, en 1947, il sest trouvé une majorité à lO.N.U. pour voter le partage de la Palestine, et, par conséquent, pour reconnaître aux Juifs la possession légitime dune partie de cette terre, cest parce que le monde était encore bouleversé par la révélation qui venait de lui être faite de la tentative hitlérienne de « solution finale » (par lextermination), de la question juive.
Or, principalement à Auschwitz, cette extermination avait eu lieu dans des chambres à gaz et le gaz utilisé était le zyklon B. Il y a là-dessus dinnombrables témoignages. Néanmoins, à partir de 1960, il sest trouvé des gens en France et à létranger pour soutenir que les chambres à gaz navaient jamais existé, que tout cela nétait quune légende forgée par les Juifs eux-mêmes pour se rendre intéressants et justifier ainsi leurs propres usurpations, en Palestine dabord, mais aussi ailleurs. Les chambres à gaz et le massacre denviron six millions de Juifs européens serait lune des plus énormes impostures de lhistoire. On voit toutes les conséquences dune pareille accusation. Ce quil faut voir aussi, cest quelle est assez bien adaptée à létat desprit de notre temps, où la notion de vérité, ballottée aux vents de toutes les propagandes, devient de plus en plus floue et ambiguë. « Calomniez ! calomniez !... »
Pendant que dans les cimetières juifs dEurope danonymes antisémites expriment par des graffiti leur regret que le zyklon B nait pas été suffisamment utilisé, des esprits plus « distingués » se gaussent de ceux qui croient que les nazis lont utilisé et les gens simples y perdent la tête. Rien ne démontre mieux létat de confusion actuel que le succès relatif, quand même il ne serait que de scandale, de publications de ce genre.
Il faut les réfuter. Dexcellents historiens, entre autres Pierre Vidal-Naquet, sy sont employés et ils ont bien fait. Mais, avec des sophistes de mauvaise foi, on na jamais le dernier mot. Et voici revenir, sous une forme modernisée, les antiques histoires de crime rituel et de puits empoisonnés. Ce sont les esprits, cette fois, que lon aurait intoxiqués pour arriver à ses fins.
Sans doute nen finira-t-on jamais avec lantisémitisme, car il est une réaction, qui varie selon les époques, au particularisme juif. Cest que ce particularisme ne ressemble à aucun autre. Tous les particularismes qui se manifestent au sein dune communauté nationale plus vaste ont une base territoriale et ne prétendent pas à luniversalité. Les juifs seuls, en dépit de la création de lÉtat dIsraël, nont dautre patrie que le monde, bien quils sattachent sincèrement et profondément aux diverses patries où le sort les a jetés. Ils ne sont pas une race, pas davantage une religion, puisquun grand nombre dentre eux ne pratiquent plus le judaïsme. Ils représentent une aspiration à luniversel à travers lunicité de leur condition. Cest ce que tous les antisémites, même ceux qui nosent pas savouer tels, leur reprochent. Sans doute lantisémitisme ne disparaîtra-t-il que le jour où toutes les familles humaines, fidèles à leurs particularités respectives, se rencontreront dans une communauté universelle. Les juifs ont beaucoup souffert et souffrent encore dans la mesure où ils demeurent fidèles obstinément à cette espérance, qui est celle de leurs prophètes. Lutter contre l'antisémitisme, ce nest donc pas se battre pour les juifs, mais pour lhomme même.
Source et recherches à approfondir :
https://www.universalis.fr/
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Jeu 7 Nov - 5:43
Nous en étions au génocide des Cananéens.
PhilippeT
Messages : 546 Date d'inscription : 05/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Jeu 7 Nov - 8:51
Saint Glinglin a écrit:
Nous en étions au génocide des Cananéens.
C'est la première fois que ce mot "cananéen" apparait dans ce sujet. Je ne sais pas de quoi tu parles.
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Jeu 7 Nov - 9:35
Du livre de Josué.
L'abbé Morère
Messages : 710 Date d'inscription : 28/05/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Jeu 7 Nov - 10:00
Les juifs ne sont pas des Cananéens
Les juifs sont des descendants du peuple hébreu, qui a émergé dans la région du Levant. Les Cananéens étaient un peuple ancien qui habitait la région du Levant avant l'arrivée des Israélites.
Les juifs sont également considérés comme étant les descendants d'Abraham, Isaac et Jacob, tandis que les Cananéens étaient un groupe ethnique distinct avec leur propre culture et religion. Il ne faut pas confondre les inventions bibliques avec l'histoire de Canaan qui désignait dans l’Antiquité une région qui s’étendait de Gaza au sud à Byblos au nord, de la Méditerranée à l’est du Jourdain. Aujourd’hui Canaan antique couvrirait une partie d’Israël, une partie de la Jordanie, du Liban, de l’ouest de la Syrie et de la Palestine.
Le territoire biblique "Canaan" de l'Ancien Testament viendrait du nom du personnage de Canaan,, le quatrième fils de Cham, lui-même troisième fils de Noé (Genèse 9:19 et Genèse 10:6). C'est une infox ! Noé sortant de l'arche la future race humaine.....
Traduction Abbé Fillion • 1895-2021 mise à jour
18 Noé avait donc trois fils qui sortirent de l’arche, Sem, Cham et Japheth. Or Cham est le père de Chanaan.19 Ce sont là les trois fils de Noé, et c’est d’eux qu’est sortie toute la race des hommes qui sont sur la terre. (Genèse 9:18-19)
Traduction Abbé Fillion • 1895-2021 mise à jour
Fils de Cham : Chus, Mesraïm, Phuth et Canaan. (Genèse 10:6)
Quittant Ur en Chaldée, il n'y a jamais eu de personnage historique au nom commun "Abraham" qui se serait rendu en Canaan à la demande de YHWH (Genèse 12:1-7).
Traduction Abbé Fillion • 1895-2021 mise à jour
1 Or le Seigneur dit à Abram : Sortez de votre pays, de votre parenté, et de la maison de votre père, et venez en la terre que Je vous montrerai.2 Je ferai sortir de vous un grand peuple ; Je vous bénirai ; Je rendrai votre nom célèbre, et vous serez béni.3 Je bénirai ceux qui vous béniront, et Je maudirai ceux qui vous maudiront ; et tous les peuples de la terre seront bénis en vous.4 Abram sortit donc comme le Seigneur le lui avait commandé, et Lot alla avec lui. Abram avait soixante-quinze ans lorsqu’il sortit de Haran.5 Il prit avec lui Saraï sa femme, et Lot, fils de son frère, tout le bien qu’ils possédaient, avec toutes les personnes dont ils avaient augmenté leur famille à Haran, et ils sortirent pour aller dans le pays de Canaan. Lorsqu’ils y furent arrivés,6 Abram passa au travers du pays jusqu’au lieu appelé Sichem, et jusqu’à la vallée illustre. Les Cananéens occupaient alors ce pays-là.7 Or le Seigneur apparut à Abram, et lui dit : Je donnerai ce pays à votre postérité. Abram dressa en ce lieu-là un autel au Seigneur, qui lui était apparu. (Genèse 12:1-7)
L'invention de cette fausse promesse par le roi Josias est répétée dans son Pentateuque aux deux autres mythes Isaac et Jacob. L'archéologie certifie qu'il n'y a eu jamais de peuple hébreu en Egypte. Le peuple d’Israël s'est réfugié à Juda au 7e siècle avant J.-C. Il n'a jamais pris possession de Canaan. Les peuples cananéens n'ont jamais intégré d'israélites ni d'hébreux.
Le livre de Josué a été plusieurs fois réécrit. Tu reviens sans avoir découvert le sujet qui change tout : La Bible face à l'archéologie[1]
Jesus 1914, Habaqouq et Farhatullah aiment ce message
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Jeu 7 Nov - 19:37
L'abbé Morère a écrit:
Les juifs ne sont pas des Cananéens
Bien sûr que non. Les Juifs ont exterminé les Cananéens.
Habaqouq
Messages : 685 Date d'inscription : 06/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 8 Nov - 5:03
Saint Glinglin a écrit:
Les Juifs ont exterminé les Cananéens.
Tu connais le principe, il te manque tes références. Je le prends au second degré pour une blague
L'histoire des juifs est fondamentale pour comprendre le contexte qui a chaque fois amené des scribes sacerdotaux à modifier tel livre de la Bible hébraïque.
Saint Glinglin
Messages : 405 Date d'inscription : 03/08/2023
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 8 Nov - 5:39
Echantillon :
Jos 8.24 Lorsqu'Israël eut achevé de tuer tous les habitants d'Aï dans la campagne, dans le désert, où ils l'avaient poursuivi, et que tous furent entièrement passés au fil de l'épée, tout Israël revint vers Aï et la frappa du tranchant de l'épée. 8.25 Il y eut au total douze mille personnes tuées ce jour-là, hommes et femmes, tous gens d'Aï.
Jesus 1914
Messages : 642 Date d'inscription : 06/04/2019
Sujet: Re: L'antisémitisme et le négationisme de la Shoah Ven 8 Nov - 15:48
Saint Glinglin a écrit:
Echantillon :
Jos 8.24 Lorsqu'Israël eut achevé de tuer tous les habitants d'Aï dans la campagne, dans le désert, où ils l'avaient poursuivi, et que tous furent entièrement passés au fil de l'épée, tout Israël revint vers Aï et la frappa du tranchant de l'épée. 8.25 Il y eut au total douze mille personnes tuées ce jour-là, hommes et femmes, tous gens d'Aï.
Tu viens poster sans lire les sujets ni les messages. Et ça continue, encore et encore... Ce sujet c-dessous devrait t'en apprendre un peu sur les mythes débiles de la Bible.
marmhonie a écrit:
Thomas Römer du Collège de France a trouvé la solution récemment in "Exode, Moïse en version originale"[2] page 416: "Il est donc plus logique que le texte biblique soit un ajout d’un rédacteur qui veut reprendre cette tradition en mettant dans la bouche du Pharaon une sorte d’oracle dans lequel il prévoit déjà l’exode des Hébreux. Il est en effet facile de voir que ce morceau constitue un ajout : « 9 Il dit à son peuple : Voici, le peuple des fils d’Israël est plus grand et plus fort que nous. 10 Allons, agissons sagement en ce qui le concerne de peur qu’il ne devienne plus nombreux. Une guerre pourrait arriver, il se joindra, lui aussi, à nos ennemis, il nous fera la guerre et il montera du pays. 11 Ils placèrent sur lui des chefs de corvée afin de l’opprimer par leurs travaux forcés ». Le contexte historique de cet ajout est peut-être à chercher à l’époque de la domination perse sur l’Égypte, durant laquelle les Judéens d’Éléphantine se sont alliés aux Perses ou ont été considérés par les Égyptiens comme alliés des Perses."
Récapitulatif mis à jour réel : La chronologie biblique avec sa "légende dorée" définitivement reniée par la révolution de l'archéologie numérique actuelle ne tient plus. Non seulement la prétendues "archéologie biblique" ne reposait que sur des mythes inventés par des humains, issus de différentes civilisations antérieures (Égypte, Assyrie, Sumer principalement), mais les personnages cités, soit n'ont jamais existé (Adam, Ève, Caïn, Abel, Noé, etc.), soit n'avaient rien en commun, de lieux différents, à des âges inconnus. La totale !
Un bref récapitulatif est nécessaire pour s'y retrouver en l'état des constats réels scientifiques :
Le roitelet Josias (-640,-609) de Juda a tout inventé : la notion de "prophète" dont il désigne un Moïse être le premier, et lui-même le second et plus grand aux yeux de YHWH. Il s'auto-proclame, par ce fin subterfuge, en réalité comme le premier Messie historique réel, ayant reçu l'onction royale et sacerdotale, confirmée par l'archéologie et les découvertes historiques recoupées actuelles.
La Torah est sa fiction pour arriver à ses fins : se désignant roi (historiquement pour la première fois en Juda et Israël, Moïse et compagnie n'ayant été que du roman pour se justifier), il ambitionne en tyran de délivrer Israël qui lui est frontalier des Assyriens, pour étendre un immense empire qui comprendra au sud-ouest une partie conquise par l'Égypte, au nord une grande partie de l'Assyrie, et pour remonter plus au nord-est sur Babylone. Folie qui s'achève violemment lors de sa première bataille au mont de Mégiddo, en Israël, tué et son armée détruite. Israéliens et judéens fuient pour longtemps leurs pays : Israël et Juda.
Pour autant, les manuscrits de la mer morte nous laissent songeurs : pas de canon biblique hébraïque définit du vivant de Jésus ! Et l'archéologie confirme : attention, il y a bien eu un Abraham près de Naplouse en Cisjordanie, nom banal, un Isaac au sud de Juda, un Jacob au nord d'Israël, tous chefs de petits villages SÉDENTAIRES sans intérêt. Le nomadisme n'existait plus du temps d'Abraham !
Alors, un Moïse serait-il historique ? Oui et non : Moïse est un nom égyptien.
(Moïse en hiéroglyphes)
Il est fait mention dans les écritures hiéroglyphiques de la considérable plus impressionnante administration égyptienne qui n'oublie rien, plusieurs histoires d'israélites ayant fait carrières en Égypte jusqu'à devenir ministre du roi d'Égypte. Mais ces accumulations nous dérobent "le" Moïse ciblé par Josias.
Le prêtre égyptien Manéthon a laissé un ouvrage écrit en grec, confirmé par Flavius Josèphe, et qu'il cite. En Exode 3:6 et Exode 4:6, deux faits ne sont pas imaginés. Ils sont même précis, et le profil de ce Moïse historique, nettoyé de toutes ces légendes absurdes, se fait jour peu à peu.
Et quelle décision prendre entre plusieurs choix dans ces plus vieux manuscrits de Genèse, antérieurs à ce Moïse ? Et Moïse, ne l'oublions jamais, porte un nom égyptien. Il n'a, selon la Bible, jamais été éduqué dans ces prémisses du judaïsme. Il a fui et se retrouve berger, accueilli dans la tente d'un nomade. Mais si, rappelez-vous Exode 2:15 :
Traduction Abbé Fillion • 1895-2021 mise à jour
15 Le Pharaon, en ayant été averti, cherchait à faire mourir Moïse. Mais celui-ci se cacha et s’enfuit au pays de Madian, où il s’arrêta. (Exode 2:15)
Et encore, il se marie avec Séphora dont il aura deux fils : Gersam et Éliézer.
Traduction Abbé Fillion • 1895-2021 mise à jour
Un Égyptien nous a délivrées de la violence des pasteurs, et il a même tiré de l’eau avec nous et a donné à boire à nos brebis.20 Où est-il ? dit leur père. Pourquoi avez-vous laissé aller cet homme ? Appelez-le, afin que nous le fassions manger.21 Moïse lui jura donc qu’il demeurerait avec lui. Il épousa ensuite sa fille, qui s’appelait Séphora. (Exode 2:19-21)
Puis ce pharaon qui l'a banni meurt et un second pharaon monte sur le trône de l'immense empire égyptien.
Traduction Abbé Fillion • 1895-2021 mise à jour
23 Longtemps après, le roi d’Égypte mourut. (Exode 2:23)
"Longtemps après" n'a d'autre sens que de clôturer ce récit pour passer à la mission de Moïse (Josias présente ses ambitions de roi).
Soit. Mais n'abandonnons pas si vite ces "patriarches" Abraham, Isaac et Jacob. Il restait un vieux fond historique à des personnages réels confondus pour construire un seul d'entre eux : Moïse. Et si nous fouillions plus loin dans les grands âges inconnus ? Je vous propose à suivre ce qu'on y trouve...