Rappel du premier message :Affaire des «écoutes»: 4 ans de prison, dont 2 avec sursis, requis contre Nicolas Sarkozy
L'accusation a requis les mêmes peines pour l'ancien haut magistrat Azibert, ainsi que pour Me Herzog, avocat historique de l'ex-chef d'État.
Dans certains restaurants, le chef ne fait pas la cuisine, mais coiffe sa toque pour un tour de salle. Au procès des « écoutes Bismuth », le procureur national financier n'est jamais paru à l'audience. Au jour du réquisitoire, il honore le prétoire de sa présence, obligeant ses deux collaborateurs à se serrer un peu pendant qu'il prend la parole.
Jean-François Bohnert est venu rassurer l'auditoire : « Un procès, ce n'est pas une vengeance privée, publique ou institutionnelle. Personne, ici, ne cherche à se venger d'un ancien président de la République », dont un mot malheureux sur les petits pois est resté dans les mémoires. Rassurer les prévenus, aussi : « Oui, MM. Sarkozy, Herzog, Azibert, vous avez droit à une justice impartiale ».
Surtout, le procureur défend le travail de son parquet national financier (PNF), fustigeant la « confusion pernicieuse » entretenue par la défense entre l'information judiciaire et l'enquête préliminaire ouverte en cachette par le PNF, le 4 mars 2014. « J'ai classé cette enquête sans suite le 4 décembre 2019. Son contenu a été communiqué à mon initiative en janvier 2020 », se félicite M. Bonhert. Pour être certain d'être bien compris, il ajoute : « Le PNF n'est jamais sorti des clous, on est loin des méthodes des barbouzes ! » Mieux, il a toujours fait preuve de « délicatesse ». Autrement dit, quand le parquet, interrogé à treize reprises par la défense de l'ex-président de la République, prétendait que l'enquête préliminaire n'existait pas, ou qu'elle ne concernait pas M. Sarkozy, c'était un exemple de sa « délicatesse ».
Puis, les deux magistrats qui ont fait bouillir la marmite du PNF à l'audience – avec un zèle relatif car on les a peu entendus – se relaient pour soutenir l'accusation. Ils appuient leur propos par la projection de diapositives polychromes – c'est un réquisitoire Power-Point, furieusement moderne. Sans surprise, Jean-Luc Blachon et Céline Guillet reprennent le scénario du PNF tel que la presse l'a largement éventé depuis 2014, comme si l'audience n'était pas passée par là, sans quoi il eût fallu retoucher certaines diapositives. Mais sur le fond, les représentants du ministère public ne livrent pas de démonstration frappante, et procèdent souvent par le jeu de déductions qui ne sont pas toutes absurdes. Mais une déduction plausible n'est pas une preuve. Selon eux, Gilbert Azibert, premier avocat général à la Cour de cassation, est allé pêcher des informations sur le pourvoi formé par M. Sarkozy après son non-lieu dans l'affaire Bettencourt, dans le but de récupérer ses agendas présidentiels saisis par des juges bordelais. Entre les deux, à la manœuvre : Me Herzog, ami de longue date de l'un comme de l'autre. « Le processus décisionnel de la plus haute juridiction a été vicié par l'accès à des informations confidentielles », soutient Mme Guillet. Pour rappel, l'arrêt de la chambre criminelle est contraire au souhait de Nicolas Sarkozy.
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En échange de cette intrigue si peu productive, M. Sarkozy aurait promis à M. Azibert un « coup de pouce » pour qu'il obtienne un poste honorifique à Monaco, poste qu'il n'a pas décroché. La principauté a nommé quelqu'un d'autre : « Une opération de sauvetage in extremis », assène le PNF, qui n'est guère délicat pour les autorités monégasques.
Avec une application de bons élèves récitant sous le regard de leur professeur, les deux procureurs entraînent le tribunal dans leur partie de Cluedo sans cadavre ni butin. Toute leur démonstration est fondée sur les écoutes téléphoniques de la « ligne Bismuth ». « Quand les propos dérangent, ce sont des bavardages. Quand ils arrangent la défense, c'est la vérité », ironise M. Blachon, qui procède de la même manière, mais à l'envers. Comme Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog s'appellent tous les jours, parfois plusieurs fois, il est assez commode de mettre tel ou tel extrait retranscrit en lien avec une péripétie du pourvoi ou un séjour à Monaco de Nicolas Sarkozy, rejoint brièvement le 25 février 2014 par Me Herzog.
À noter que sur les 150 conversations interceptées, seules 20 ont donné lieu à des retranscriptions partielles. Une splendide diapositive démontre que, dans ces extraits, les mots qui reviennent le plus souvent sont « agenda, Gilbert, Cour de cassation »… Les extraits portent uniquement sur cette thématique : pouvait-il en être autrement ?
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LE FIGARO